Flambée des prix du pétrole : Trump s'en prend à l'OPEP plutôt que de revoir sa politique étrangère

Flambée des prix du pétrole : Trump s'en prend à l'OPEP plutôt que de revoir sa politique étrangère
Illustration : un marine américain déverse de l'essence sur un stock de pavots en Afghanistan en 2009, photo ©Reuters
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Si les frappes occidentales en Syrie ont provoqué une flambée des cours de l'or noir, Donald Trump préfère pointer du doigt la politique de l'OPEP, plutôt que de s'interroger sur les contradictions de la diplomatie américaine et ses conséquences.

En l'espace d'une dizaine de jours, le baril de brut a bondi de 10%, pour atteindre près de 75 dollars le 20 avril. Donald Trump a aussitôt désigné un responsable : l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Pourtant, la hausse s'explique aussi largement par les tensions géopolitiques de ces derniers mois, notamment par la confrontation aiguë entre la Russie et les Occidentaux en Syrie.

On dirait que l'OPEP remet ça

Le président américain a fait part de son mécontentement sur Twitter, suscitant, une fois encore, une réaction immédiate des marchés. «On dirait que l'OPEP remet ça. Avec des quantités records de pétrole partout, dont des navires complètement chargés, les cours du pétrole sont [maintenus] artificiellement très haut !», a fulminé le président américain ce 20 avril 2018. Et d'ajouter, un brin menaçant : «Pas bon et ce ne sera pas accepté !»

Pour autant, Donald Trump ne peut l'ignorer, l'OPEP a été créée par les principaux pays producteurs de pétrole en 1960 pour, précisément, reprendre le contrôle des prix de l'or noir jusque-là fixés par les grandes compagnies occidentales régnant en maîtres sur ce marché. Or, les membres de l'organisation ont décidé, en janvier 2018, d'une nouvelle réduction de la production de brut dans le but de raffermir les cours du brut et de les stabiliser. Leur objectif s'inscrit donc dans une recherche de stabilité relative dans un contexte précisément marqué par les incertitudes et les fluctuations qui en découlent.

L'économie américaine prise en tenaille entre dollar faible et pétrole cher

Alors que Donald Trump laisse délibérément le dollar s'affaiblir pour favoriser la production industrielle américaine, avec pour conséquence de renchérir les importations, un prix du pétrole aussi élevé pourrait menacer sa politique économique. 

Si, grâce au gaz de schistes, les Etats-Unis se sont hissés au deuxième rang des producteurs d'hydrocarbures, l'économie outre-Atlantique reste néanmoins, comme les autres, dépendante des importations de brut, que ce soient les automobilistes ou les industriels. A cela, il faut ajouter les besoins astronomiques en pétrole de la première armée du monde, présente sur tous les continents et tous les océans.

Signe de ce tropisme pétrolier, Donald Trump a décidé en juin 2017 de sortir de l'accord de Paris sur le climat et la transition énergétique, arguant qu'il était contraire à sa promesse de redresser l'économie américaine. Entre marges de l'industrie pétrolière américaine, coûts de production manufacturiers et pouvoir d'achat de ses électeurs, le président américain semble donc avoir tranché.

Une politique américaine de sanctions et d'ingérence contre-productive ?

Avec ces objectifs contradictoires, Donald Trump fait face à la quadrature du cercle. D'autant qu'il achoppe aussi sur les contradictions de la politique étrangère américaine.

Washington entretient en effet des relations conflictuelles, parfois exécrables, avec plusieurs pays parmi les principaux exportateurs d'hydrocarbures de l'OPEP. L'exemple le plus éloquent est sans nul doute celui de l'Iran. Le pays, septième plus gros producteur mondial de pétrole, est toujours sous le coup de sanctions américains et fait l'objet de menaces répétées de la part de Washington. D'autre part, l'intervention militaire conduite sous l'égide des Etats-Unis en Syrie et l'ombre qu'elle fait planer sur l'avenir de l'Iran ne font qu'agiter encore davantage les marchés. «La géopolitique était aux commandes», explique un expert d'Energy Aspects interrogé par Les Echos : «A travers la Syrie, Donald Trump a l'Iran en ligne de mire», estime-t-il.

Parmi les autres bêtes noires de la diplomatie américaine, figure également le Venezuela. En février 2018, l'ancien patron du géant pétrolier américain Exxon, Rex Tillerson, alors secrétaire d'Etat américain avant d'être limogé le 13 mars, menaçait d'interrompre les achat d'hydrocarbures en provenance de ce pays, septième producteur d'or noir mais qui détient les premières réserves du monde. Le chef de la diplomatie américaine avait en outre appelé l'armée vénézuélienne à jouer le rôle d'un «agent du changement» contre le «régime corrompu et hostile», selon lui, du président Nicolas Maduro. Là encore, de manière logique, le marché prend acte des risques politiques potentiels qui pèsent sur le pays et sur sa production.

Le roi dollar menacé ?

S'il est bien un domaine où Donald Trump parvient encore à gouverner avec succès, c'est en matière économique, après avoir presque tout lâché aux néoconservateurs en termes de politique étrangère. Ce qui peut expliquer que le président américain montre les muscles alors que les pays exportateurs de pétrole doivent se réunir de nouveau en juin 2018 au siège de l'OPEP, à Vienne. Avec, possiblement, un objectif pour le baril de brut compris entre 80 et 100 dollars, comme le souhaite l'Arabie saoudite.

Malheureusement, la politique extérieures des Etats-Unis, tout en ayant des effets néfastes sur le prix du pétrole, ne parvient pas non plus à garantir à Washington le soutien économique de ses alliés diplomatiques. Ainsi, l'Arabie saoudite, malgré ses excellentes relations apparentes avec les Etats-Unis, pourrait néanmoins se rapprocher du premier producteur de pétrole brut mondial, qui n'appartient pas à l'OPEP : la Russie. En janvier 2018, Riyad a proposé de fonder une nouvelle alliance de nature à concurrencer l'OPEP afin de pérenniser un accord de coopération conclu fin 2016 entre 24 producteurs, dont dix pays non-membres de l'OPEP, pour réduire la production et faire remonter les prix, laissant les Etats-Unis hors-jeu. Pour Riyad, confronté à de graves difficultés budgétaires, le cours des hydrocarbures se révèle en effet un paramètre vital, notamment pour acheter la paix sociale par le biais de généreuses subventions distribuées aux Saoudiens.

Le véritable risque dont témoignent ces tractations complexes est la remise en cause de la toute puissance du dollar. Depuis la fin de sa convertibilité en or en 1971, la valeur du billet vert est in fine assise sur l'étalon des réserves pétrolières mondiales présumées. Après le choc pétrolier de 1973, les énormes quantités de dollars engrangées par les pays producteurs de pétrole, faute de convertibilité, sont réinvestis comme des «pétrodollars» sur les marchés financiers.

Or, plusieurs pays producteurs de pétrole affichent désormais ouvertement leur volonté de contrer l'hégémonie de la monnaie américaine. Certaines initiatives relèvent en partie du symbole : au grand dam de Washington, le Venezuela a lancé en février 2018 sa propre crypto-monnaie, le «petro», adossé, précisément, aux réserves estimées en hydrocarbures du pays.

D'autres, en revanche, voient plus grand. La Chine, deuxième plus gros consommateur de pétrole au monde et quatrième producteur, a lancé en mars dernier ses premiers contrats à terme sur le pétrole – une ambition que Pékin nourrissait depuis près de 25 ans. Particularité de ces nouveaux contrats : ils sont cotés en yuan et non en dollar. La Chine ne s'en cache pas : elle veut faire face à l'hégémonie du billet vert et influencer les cours de l'or noir. 

Face aux intentions de nombreux pays de se passer du dollar pour leurs transactions pétrolières, la question se pose : les Etats-Unis sont-ils en train d'essayer de sauver le pétrodollar et le contrôle du marché du pétrole qu'il lui confère ?

Alexandre Keller

Lire aussi : La Chine pourrait détruire le pétrodollar en payant le pétrole saoudien en yuan, selon un économiste

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