Selon le journaliste suisse Guy Mettan, qui commente l’interdiction faite par Twitter à RT de mener des campagnes publicitaires sur le réseau, règne aux Etats-Unis un climat d’hystérie antirusse qui menace la liberté d’expression.
RT France : Que vous inspire la décision de Twitter d'interdire à tous les comptes liés à RT de faire de la publicité ?
Les Etats-Unis fondent leur politique étrangère sur le respect des droit de l’homme et ici c’est une intervention directe contre les droits de l'homme
Guy Mettan (G. M.) : Je ne suis qu'à moitié surpris par ce comportement de Twitter, parce que depuis deux ou trois ans, on peut observer une dégradation de la qualité et de l'éthique des médias américains, qui accusent d’autres médias ou d’autre pays sans preuves. Par exemple dans l’histoire de la supposée ingérence de la Russie dans les élections américaines, aucune preuve concrète n'a été apportée. Donc sur la base de témoignages de services de renseignement, qui ne reposent sur aucune preuve, on prend la décision justement de stigmatiser un média étranger. Pour moi, c’est quelque chose de scandaleux parce que d’une part, les Etats-Unis fondent leur politique étrangère sur le respect des droit de l’homme et ici c’est une intervention directe contre les droits de l'homme, contre la liberté d’un média de faire de la publicité alors même que plusieurs autres média étrangers interviennent directement dans les campagnes en finançant les partis ! On sait que le lobby israélien, le lobby saoudien, tous les lobbys de Washington interviennent et financent des campagnes et ces lobbys sont directement liés à certains pays. Pourquoi sanctionner un seul pays, la Russie, et pas les autres ? Il y a à la fois une incohérence et violation de l’éthique et même de la liberté d’expression.
RT France : Pensez-vous que Twitter, en agissant ainsi, cède à des pressions exercées par Washington ?
G. M. : C'est difficile à dire, parce qu’il n y a aucune preuve d’intervention directe du gouvernement américain auprès de Twitter. Ce qui se passe, c’est qu’il y a un état d’esprit qui règne aux Etats-Unis, une espèce d’hystérie antirusse dans les cercles gouvernementaux, au sein du parti démocrate comme on l'a vu pendant la campagne de Hillary Clinton et aussi au sein du parti républicain, chez les adversaires du président Trump. On voit en même temps que cette hystérie antirusse est également très, très, dominante dans la plupart des médias américains. Donc, on a une espèce de climat antirusse qui traverse toutes les élites américaines, qu'elles soient politiques, médiatiques ou académiques... et même sans intervention directe du gouvernement dans la décision de Twitter, je ne suis qu’à moitié étonné par cette attitude. Il risque d'y avoir d’autres réseaux sociaux ou d’autres médias qui risquent de faire la même chose. Mais pour moi, il s’agit d’une violation grave de la liberté d’expression, d’abord au sens publicitaire mais j'imagine que cela va bientôt s’étendre au point de remettre en question la liberté d'émettre de RT. C'est cela qui est en jeu. Parce qu'on commence par limiter l'accès sur Twitter avec un argument qui ne repose sur aucune preuve, puis on risque d’avancer progressivement et de préparer l'opinion à une interdiction totale, ce qui serait extrêmement grave.
RT France : Cette affaire ne pose-t-elle pas en creux la question de la dépendance des médias, mais aussi des marques en général, envers les réseaux sociaux, détenus par des entreprises privées ?
La presse s’est mise pieds et poing complètement liés dans la dépendance des réseaux sociaux qui maintenant deviennent les grands maîtres l’information
G. M. : Oui, absolument, c’est même un phénomène mondial. Il se trouve que la presse, notamment la presse écrite, a perdu toute indépendance parce qu’elle met gratuitement à la disposition des réseaux sociaux pratiquement toute sa matière rédactionnelle. En fait, l'ensemble de la presse travaille gratuitement pour les réseaux sociaux qui s’enrichissent, eux, en vendant de la publicité parce qu’ils ont des centaines de millions d'utilisateurs. Mais en faisant cela, la presse elle-même s'est affaiblie, elle s’est mise pieds et poing complètement liés dans la dépendance des réseaux sociaux, qui maintenant deviennent les grands maîtres, les grandes puissances dominantes de l’information et qui font pratiquement ce qu'ils veulent, que soit Facebook, Twitter ou les autres. Twitter vient de commencer, et j’espère cela ne va pas être le cas des autres réseaux sociaux, mais personnellement je crains le pire. Pour mois, c’est une régression de la liberté d’expression qui me paraît extrêmement inquiétante et dangereuse.
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