Echec de La République en marche aux sénatoriales : «La gauche et la droite sont loin d'être mortes»

Echec de La République en marche aux sénatoriales : «La gauche et la droite sont loin d'être mortes»© LIONEL BONAVENTURE Source: AFP
L'hémicycle du Sénat.
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Le dépassement du clivage gauche/droite prôné par LREM a-t-il buté contre le mur des grands électeurs ? Peut-on voir dans l'échec du parti du gouvernement un mécontentement des élus ? Décryptage des sénatoriales avec le politologue Pierre Bréchon.

RT France : Après les succès à l'élection présidentielle et aux législatives, La République en marche (LREM) a obtenu des résultats assez modestes aux sénatoriales. Cet échec dans ce scrutin particulier où seuls les grands électeurs votent signifie-t-il que Emmanuel Macron n'a pas su séduire les élus locaux, ou le pari était simplement impossible pour un mouvement politique aussi jeune ?

Pierre Bréchon (P. B.) : S'imposer était vraiment impossible. la majorité au Sénat était sans doute trop difficile à atteindre pour LREM. Par contre, réussir à augmenter ses positions et gagner des sièges était envisageable, et d'ailleurs envisagé par le responsable du groupe LREM au Sénat, François Patriat. Ce dernier espérait au début de l'été obtenir 50 à 60 sièges. Il pouvait se produire un mouvement de conversion des candidats vers LREM, comme lors des législatives, mais cela n'a pas eu lieu. LREM n'a pas séduit, et cela est probablement le fait des premières réformes réalisées depuis quatre mois, qui ont mécontenté les élus locaux.

Les élus locaux sont mécontents et ont le sentiment d'être face à un pouvoir qui veut leur faire payer une part importante des restrictions de budget public

RT France : La question des dotations budgétaires des collectivités locales a-t-elle joué dans ce mécontentement ?

P. B. : C'est très compliqué. Il n'y aura pas de véritable baisse des dotations : le pouvoir demande aux collectivités territoriales de faire 13 milliards d'économies sur cinq ans mais garantit en contrepartie la stabilité de leur dotations budgétaires. Il n’empêche qu'en effet les élus locaux sont mécontents et ont le sentiment d'être face à un pouvoir qui veut leur faire payer une part importante des restrictions de budget public.

Il va être difficile pour le pouvoir d'avoir une majorité des 3/5e au Parlement. Ce ne sera pas impossible mais difficile d'obtenir cette majorité pour les réformes constitutionnelles envisagées

RT France : Le Sénat, majoritairement LR, sera-t-il un frein à la politique du gouvernement ou doit-on s'attendre au contraire à une coopération assez large ?

P. B. : L'Assemblée nationale a le dernier mot dans le système législatif français, ce qui veut dire que face à la plupart des lois portées par le gouvernement, la majorité du Sénat n'est pas d'une extrême importance. Sur l'ensemble des lois, il n'a pas de pouvoir de blocage, sauf sur les questions d'ordre constitutionnel. C'est là, probablement, l'enjeu pour les années à venir. Il va être difficile pour le pouvoir d'avoir une majorité des 3/5e au Parlement. Ce ne sera pas impossible mais difficile d'obtenir cette majorité pour les réformes constitutionnelles envisagées. En outre, il faut, pour les projets de réformes constitutionnelles, que le texte soit voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Tout cela sera sans doute très difficile. Sur certains points, il y aura une entente possible pour aboutir à un texte unique mais il y a beaucoup de domaines où il sera très compliqué de trouver un accord, comme par exemple sur la diminution du nombre des élus, sur le système électoral ou encore sur le statut du Conseil économique et social.

L'élection présidentielle a quand même un caractère assez particulier, avec beaucoup de vote dit «utile» [...] Cette conjoncture là n'existe pas aux élections sénatoriales

RT France : Les Républicains sont les grands gagnants de cette élection, le Parti socialiste a, de manière presque inattendue si l'on en croit les réactions des pontes du parti, réussi à se maintenir. LREM a décrit ces résultats comme le fait de «grands électeurs n’ayant pas encore acté le dépassement des clivages que les Français ont déjà opéré dans les urnes». Mais, avec le Sénat, le clivage gauche/droite ne semble-t-il pas toujours aussi puissant ? 

P. B. : Le maintien du PS au Sénat n'est pas aussi inattendu qu'il y paraît, puisque même s'il a perdu des communes et des départements en 2014-2015, cette baisse du PS aux élections locales a été limitée. Ce sont ces résultats en demi-teinte qui ont permis au PS de conserver plus de 70 sièges aux Sénat. Le corps électoral dépend beaucoup de ce qu'il s'est passé aux échéances de 2014 et 2015. Des élus socialistes ont certes rejoint LREM, mais pas dans des proportions aussi énormes que dans le corps électoral. L'élection présidentielle a quand même un caractère assez particulier, avec beaucoup de vote dit «utile». Au premier tour, où tout s'est joué dans un mouchoir de poche, beaucoup d'électeurs – et notamment des électeurs socialistes – ont voté Macron car la gauche radicale ne leur plaisait pas et qu'ils voulaient éviter un second tour Fillon/Le Pen. Cette conjoncture là n'existe pas aux élections sénatoriales, ce qui explique que les candidats socialistes se soient mieux maintenus.

Il faut comprendre que ce n'est pas parce qu'Emmanuel Macron a gagné l'élection présidentielle en se disant d'abord ni de gauche, ni de droite, puis ensuite de droite et de gauche, que le clivage n'existe plus

Il faut comprendre que ce n'est pas parce qu'Emmanuel Macron a gagné l'élection présidentielle en se disant d'abord ni de gauche, ni de droite, puis ensuite de droite et de gauche, que le clivage n'existe plus. En fait, Emmanuel Macron puise ses réformes et ses propositions en partie à droite et en partie à gauche. Sur beaucoup d'aspects, il est de droite mais, sur d'autres, il peut être de gauche. Il y a dans son attitude beaucoup de points communs avec un positionnement de centriste, ce qui est au fond une vieille orientation politique en France et n'empêche pas que d'autres camps existent aussi. La gauche et la droite n'ont pas du tout disparu et restent des références, non seulement pour les élus mais également pour les citoyens. A mon sens, la gauche et la droite sont loin d'être mortes.

La recomposition du PS est loin d'être terminée

RT France : Si les prochaines échéances électorales n'auront lieu qu'en 2020, les résultats des sénatoriales offrent-ils un peu d'espoir à un PS décrit comme à l'agonie à l'issue de l'élection présidentielle ?

P. B. : Pas vraiment. Disons que le Parti socialiste limite la casse lors de ces sénatoriales, même s'il perd quelques sièges. Il va donc rester relativement influent et devrait a priori rester le deuxième groupe d'opposition – je dis a priori car, au Sénat, la constitution de groupes est toujours plus compliquée. Le PS devrait normalement garder une certaine influence au Sénat, mais cela ne devrait pas donner beaucoup de baume au cœur à ses membres puisque le plus important pour ce parti est maintenant celle de son orientation, de son fond, de comment se maintenir dans les mois qui viennent, et avec qui ! Car un certain nombre de gens sont sur le départ. La recomposition du PS est loin d'être terminée.

Lire aussi : Sénatoriales : face à l'échec de LREM, la droite, gagnante, sera-t-elle hostile ou constructive ?

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