Ce serait drôle si ce n’était pas tellement répugnant. La rapide tournée du président américain Donald Trump à travers le Moyen-Orient a été un «triomphe» de la rhétorique de l’imaginaire sur la réalité. Donald «l'artisan de la paix» est en train de semer des décennies de violences supplémentaires dans une région déjà déchirée par la guerre.
Les horribles conséquences de la politique étrangère américaine sont présentes partout, de l’occupation illégale des Territoires palestiniens aux interminables guerres en Syrie, en Irak et au Yémen, jusqu’à la dernière attaque terroriste au Royaume-Uni, où 22 personnes ont été tuées dans un attentat suicide lors d'un concert à Manchester.
Avec la typique compréhension absurde du terrorisme international que la politique étrangère américaine a généré pendant des années, Trump a qualifié l’attentat atroce de Manchester de travail de «losers».
Les discours de Trump ne contenaient pas trop de détails. Ce n’était qu’une rhétorique du bien-être pour masquer les causes systématiques des conflits et du terrorisme
Trump – lors de sa première tournée à l’étranger en tant que président – a régalé les dirigeants moyen-orientaux avec des discours fleuris sur «la paix et la prospérité» et un simulacre d’appréciation historique, en déclarant que la région était le «berceau de la civilisation», une «terre sacrée» et un «patrimoine précieux».
Il a été moins prolixe concernant la façon dont il pourrait établir la paix entre Israéliens et Palestiniens, ou vaincre le terrorisme au Moyen-Orient. Ce n’était qu’une rhétorique du bien-être pour masquer les causes systématiques des conflits et du terrorisme.
Résultat concret s'il en est, c'est cet énorme contrat de vente d’armes que le président américain a conclu avec l’Arabie saoudite, un pactole de 350 milliards de dollars sur plus de dix ans. Il a été reconnu de plus grand contrat d’armes de l’histoire, avec un versement initial de 110 milliards de dollars. Pour mettre ceci en perspective, Trump en a vendu aux dirigeants saoudiens pour trois fois plus que ce que Barack Obama a réussi à faire au long de ses deux mandats – soit 115 milliards de dollars d'armes à l’Arabie saoudite, ce qui était déjà à l'époque un record.
La quantité d’armes que cela représente est proprement stupéfiante, surtout quand elles sont destinées à un régime qui est le principal sponsor du terrorisme.
L’équipe Trump s’est rendue au Mur des lamentations attenant à Jérusalem-Est, donnant en cela l'autorisation de Washington à l’annexion progressive de la ville entière par Israël
Au cours de son étape suivante en Israël, l’équipe Trump s’est rendue au Mur des lamentations attenant à Jérusalem-Est, donnant en cela l'autorisation de Washington à l’annexion progressive de la ville entière par Israël. Des démarches sont en train d'être effectuées pour déplacer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, ce qui sonnerait le glas des aspirations palestiniennes à désigner Jérusalem-Est (al-Qods) comme capitale d’un futur Etat indépendant.
Cela signalerait également le renoncement de la politique américaine actuelle, qui prônait officiellement de longue date une solution à deux Etats. C’est en ce sens que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son gouvernement de droite du Likoud font du lobbying. Tout ces kowtows (un signe de profond respect chez les Chinois) de Trump montrent qu’il soutient entièrement l’expansion israélienne.
De Jérusalem, Trump est allé en Cisjordanie où il a rencontré le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas, à Bethléem. Les familles qui protestaient contre l’incarcération de centaines de Palestiniens grévistes de la faim par Israël ont été tenues à distance, tandis que Trump a adressé un ultimatum : «La paix ne peut jamais s’enraciner là où la violence est tolérée.»
Trump n'aurait jamais l’intégrité ou la compréhension de donner le même ultimatum aux dirigeants saoudiens et israéliens. Même si la réprimande «la violence ne doit pas être tolérée» est bien plus pertinente et plus significative dans leur cas.
L'idée voulant que l’Arabie saoudite et ses alliés arabes sont en quelque sorte en opposition à Israël semble obsolète. Comme si ces premiers étaient les défenseurs des droits des Arabes et des musulmans
Au cours des 50 dernières années depuis la guerre des Six jours, les Etats-Unis supportaient l’inexorable annexion illégale des terres par Israël. La dernière série de «pourparlers de paix» futiles a échoué en 2014, alors que le secrétaire d’Etat américain John Kerry fermait les yeux sur les colonies et l’occupation militaire israéliennes, politique habituelle de la maison. L’administration Trump est prête à céder sur encore plus de sujets.
L’Arabie saoudite et autres dirigeants arabes abandonnent toute prétention à la signature d’un accord de paix équitable pour les Palestiniens. Ils s’abstiennent d’émettre toute protestation sur les accaparements de terres par Israël et ses démarches visant à détruire les revendications palestiniennes concernant Jérusalem-Est – le site du troisième sanctuaire le plus saint de l’islam.
La visite de Trump au Moyen-Orient – qui a eu lieu avant sa rencontre avec le pape François au Vatican et ensuite les leaders de l’OTAN à Bruxelles – est un autre signe de remaniement géopolitique. L'idée voulant que l’Arabie saoudite et ses alliés arabes sont en quelque sorte en opposition à Israël semble obsolète. Comme si ces premiers étaient les défenseurs des droits des Arabes et des musulmans.
Ce qui se passe est un arrangement entre les régimes de la région, clients des Américains et appuyés par ceux-ci. Cela n’a rien à voir avec la recherche de la paix, il s’agit d’une consolidation de l’hégémonie de Washington sur une région riche en pétrole. Cette hégémonie est principalement confortée par la militarisation de Washington et la vente d’une grande quantité d’armement.
Un signe qui ne trompe pas, c'est que le gouvernement de Netanyahou n’est pas préoccupé par la vente d’armes américaines pour 350 milliards de dollars à l’Arabie saoudite.
La doctrine stratégique de Washington est qu’ils donneront toujours la priorité à Israël pour maintenir ce qu’on appelle une «supériorité militaire qualitative» sur tous les autres Etats de la région
«Que pourront-ils faire de mal ?» a déclaré au Times israélien Amos Gilad, un ancien responsable de la défense israélienne. «Pour l’instant, il y a une alliance entre les Etats-Unis et le monde arabe contre l’Iran», a-t-il expliqué.
Le Times a également cité Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale de Netanyahou, qui a prétendu qu’Israël n’avait «aucune raison de s’inquiéter» des énormes contrats d’armes conclus entre l’Arabie saoudite et les Américains. Il a ajouté que le dernier accord saoudien sur les armes pourrait contribuer à «ouvrir la voie vers la coopération israélo-palestinienne».
En outre, la doctrine stratégique de Washington est qu’ils donneront toujours la priorité à Israël pour maintenir ce qu’on appelle une «supériorité militaire qualitative» sur tous les autres Etats de la région. Cela signifie que les transferts américains d’armes à leurs alliés arabes seront accompagnés d’une augmentation de l’aide militaire à Israël, qui pèse actuellement 3,8 milliards de dollars environ par an.
En d’autres termes, la vente d’armes de Donald Trump est plus que jamais un accord gagnant-gagnant pour les Etats-Unis. Les contrats faramineux signés avec l’Arabie saoudite et les autres monarchies du Golfe vont aussi stimuler le commerce d’armes entre les Etats-Unis et Israël. Mais ce qui est un cercle vertueux pour Washington représente un cycle vicieux pour la région, une zone de conflit déjà militarisée et inondée d'armes américaines.
Etant donné que les régimes soutenus par les Américains sont de diverses façons étroitement liés aux conflits territoriaux, aux conflits sectaires et, notamment, au financement des groupes terroristes wahhabites, il est presque certain que le commerce d'armes irresponsable de Trump va d'autant plus alimenter la violence. Il est par exemple bien documenté que l’Arabie saoudite est un canal de transfert des armes américaines vers les réseaux terroristes affiliés à Al-Qaïda en Syrie et ailleurs.
Le président américain donne libre cours à la propagande israélienne et saoudienne en accusant l’Iran d’«enflammer le conflit sectaire et d'alimenter le terrorisme» dans la région
Ce qui est encore plus inquiétant, c’est comment l’escroquerie militaire de Trump pousse la région vers une guerre avec l’Iran. Ce président stupide donne libre cours à la propagande israélienne et saoudienne en accusant l’Iran d’«enflammer le conflit sectaire et d'alimenter le terrorisme» dans la région, pour ne citer que le Liban, l’Irak, la Syrie et le Yémen. Il s’agit d’une inversion époustouflante de la réalité, compte tenu du rôle néfaste tenu par l’Arabie saoudite dans ces mêmes pays.
Dans la capitale saoudienne, Riyad, Trump a appelé les dirigeants arabes rassemblés à «éradiquer» le terrorisme, en tablant sur un changement de régime en Iran.
A Jérusalem, Trump a déclaré : «Il y a une prise de conscience croissante parmi vos voisins arabes de l'ennemi commun qu'est la menace iranienne.»
Le Premier ministre israélien Netanyahou a également fait remarquer que «les anciens ennemis» (sic !) étaient devenus des alliés face à «l'ennemi commun».
Nous pouvons être sûrs que «l’ennemi commun» dont on parle n’est pas le terrorisme, mais plutôt l’Iran.
Donald Trump, le magnat des affaires devenu président, ne cesse de se vanter de son talent pour améliorer «les résultats». Il pourrait bien augmenter les profits du complexe militaro-industriel américain en inondant le Moyen-Orient de toujours plus d’armes. Mais le résultat pour la région et au-delà, c’est davantage de guerres, de destructions et de carnages.
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