Deuxième tour de la présidentielle : «la fracturation de la France»

Deuxième tour de la présidentielle : «la fracturation de la France»© ALAIN JOCARD Source: AFP
Les supporters de Marine Le Pen après sa défaite au deuxième tour de l'élection présidentielle
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Les sondages montrent très clairement que les électeurs n’ont pas voté pour le programme d'Emmanuel Macron, mais plutôt contre Marine Le Pen, estime l'écrivain Frédéric Pons, en revenant sur les résultats de l'élection présidentielle.

RT France : On a eu l’habitude de dire que cette campagne présidentielle était totalement surréaliste. Et pourtant, c’est le candidat que tout le monde attendait qui a gagné hier soir. Quel est votre sentiment à l'issue de cette élection présidentielle ? 

Frédéric Pons (F. P.) : Il n’y pas vraiment de surprise pour le résultat, parce que la victoire d’Emmanuel Macron avait été annoncée. La seule petite surprise c’est quand-même l'écart, parce que tout le monde pensait que Marine Le Pen allait pouvoir faire un peu plus que ce score final. L’impression qui reste de cette campagne c’est quand-même la fracturation de la France : le premier tour l’a montré – il y a quatre grandes familles qui s’opposent et cela augure mal de l’avenir, car on voit bien qu’Emmanuel Macron aura des difficultés pour rassembler ces différentes familles, comme il le veut, pour bâtir une majorité présidentielle. Surtout que les sondages montrent aujourd’hui très clairement que les gens, les électeurs, n’ont pas voté pour son programme, mais plutôt contre Marine Le Pen. Cette élection présidentielle a pris l’allure d’un référendum anti-Marine Le Pen, et beaucoup moins l’allure d’une élection d’adhésion à un programme d’un nouveau président.

Il faudra qu’Emmanuel Macron soit très habile pour arriver à fédérer des gens qui, à la marge de ces grandes familles politiques qui s’affrontent, sont prêts à voter pour lui dans le cadre des législatives

RT France : Les scores de l’abstention et du vote blanc ont atteint des niveaux très importants. Aujourd’hui on découvre dans les sondages que 61% des Français disent ne pas souhaiter donner une majorité absolue à l'Assemblée nationale à Emmanuel Macron, qu’un Français sur deux voudrait voir une cohabitation. Que cela veut-il dire de l’état de la politique française ?

F. P. : Cela veut dire deux choses. La première c’est qu'Emmanuel Macron n’a pas su faireadhérer les Français réellement à son projet. Les gens ont voté pour lui, mais surtout contre Marine Le Pen. Son projet n’a donc pas vraiment convaincu, sa personnalité non plus. On le voit bien dans les sondages d’opinion qualitatifs. Et la deuxième, c’est qu'au fond de l’électorat il y a, malgré tout, une répartition des sensibilités et des choix politiques très claire, entre les gens qui veulent un peu plus de mondialisation, qui sont à droite et à gauche, et de la même façon à droite et à gauche vous avez des gens qui refusent cette mondialisation et qui se méfient beaucoup de l’Europe. Les scores de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon le montrent. Il faudra qu’Emmanuel Macron soit très habile pour arriver à fédérer des gens qui, à la marge de ces grandes familles politiques qui s’affrontent, sont prêts à voter pour lui dans le cadre des législatives.

RT France : Doit-on s’attendre à des législatives ardues ?

F. P. : Ce sera tendu, parce que chaque camp après cette présidentielle va reprendre ses habitudes, son électorat, c’est du moins ce qu’ils espèrent. La difficulté pour Emmanuel Macron va d’abord être d’avoir 577 représentants pour les postes de députés. Seront-ils de qualité? Seront-ils enracinés ? Cela va être sa difficulté, parce que les autres grands partis ont des députés sortants, des gens qui sont déjà enracinés et qui pourront aller à la bataille de façon beaucoup plus convaincante.

Emmanuel Macron va être plus réaliste et plus pragmatique qu’il ne l’a montré pendant sa campagne électorale

RT France : Emmanuel Macron a déjà réaffirmé son attachement à l’Europe. A quoi d’autre s’attendre au niveau de sa politique internationale, notamment avec la Russie ?

F. P. : Emmanuel Macron a fait une campagne plutôt de gauche, pro-européenne, et sur des thèmes classiques, qui reprennent en quelque sorte l’héritage de François Hollande. En même temps, Emmanuel Macron devenu chef de l’Etat, n’est plus un candidat en campagne, il va devoir prendre la totalité des dossiers et prendre en compte les rapports de force qu’il va découvrir avec Angela Merkel, Donald Trump, Vladimir Poutine. J’ai tendance à croire qu’ Emmanuel Macron va être plus réaliste et plus pragmatique qu’il ne l’a montré pendant sa campagne électorale, parce qu’il devra défendre les intérêts de la France. Même s’il est très européen, il devra aussi défendre les intérêts de notre pays. 

Lire aussi : Emmanuel Macron «doit rester humble et entendre le message» de ceux qui ont voté contre lui

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