Trente jours ont passé depuis l’entrée en fonctions de Donald Trump et quels trente jours ! La nouvelle administration, qu'elle opère dans le chaos total ou fonctionne comme une «machine soigneusement réglée», est unique, ça ne fait aucun doute.
Passons en revue certains passages marquants (ou pas du tout marquants, à vous de juger) du premier mois de Donald Trump dans l'enfer médiatique.
Première semaine : le carnage américain
Le nouveau président américain a ouvert sa présidence avec un discours d’investiture qui pouvait être interprété comme la peinture accablante d’une nation agonisante plutôt au lieu de la harangue habituelle sur l’exceptionnalisme américain de ceux qui ont occupé la Maison Blanche avant lui.
Pour des millions d’Américains touchés par la misère, la criminalité, la drogue et le chômage, le discours de Trump était une rafraîchissante bouffée de réalisme
Trump a déploré la pauvreté des quartiers noirs, les usines abandonnées et «éparpillées comme des pierres tombales» dans le pays, l’échec du système d’éducation, les infrastructures en décrépitude et «la criminalité, les gangs et la drogue» qui ont privé le pays de son «potentiel inexploité». Le «carnage américain» s’arrête là, a-t-il déclaré. Pour certains, Donald Trump ressemblait là à une sorte de Debbie Downer non-américain, mais, pour des millions d’Américains touchés par la misère, la criminalité, la drogue et le chômage, son discours était une rafraîchissante bouffée de réalisme.
Les Etats-Unis, selon Trump, vont être en quête d'amitié de toutes les nations du monde, mais en ayant pleine conscience du fait que tous les pays ont le droit de «privilégier leurs intérêts propres». Ses mots, du moins ceux qu’il a prononcés lors de son premier jour, ont rassuré les leaders étrangers : il a peu d’intérêt à se lancer dans de nouveaux conflits militaires.
La question de l'affluence populaire lors de l’investiture de Donald Trump a fini par être une des points centraux des premiers jours de sa présidence. Alors que les médias ont été prompts à signaler que la foule avait été moindre pour Trump que pour Barack Obama, le nouveau président a alimenté la controverse en envoyant son attaché de presse, Sean Spicer, présenter aux journalistes quelques «faits alternatifs» concernant ces chiffres.
La Marche des femmes qui s'est tenue dans des centaines de villes américaines le deuxième jour de la présidence Trump s’est transformée en une des manifestations les plus importantes dans l’Histoire de l'Amérique, selon certaines estimations. Madonna s'y est rendue, expliquant à tout le monde combien de fois elle avait pensé à «faire sauter la Maison blanche», parce que les résultats de l’élection ne recevait pas son assentiment.
Les interdictions portant sur l’immigration a provoqué une tempête de critiques dans les médias
Donald Trump a également utilisé sa première semaine pour signer un décret qui permettrait de commencer la construction d’un mur à la frontière mexicaine, tout en déclarant une nouvelle fois que le Mexique payerait pour cela. Ce qui n’a pas semblé amuser le président mexicain, qui a annulé une rencontre prévue avec son homologue américain.
Deuxième semaine : décret sur l’immigration
Donald Trump, pour sa deuxième semaine, a signé un décret exécutif imposant une interdiction temporaire d'entrée sur le territoire des Etats-Unis aux citoyens provenant de sept pays à majorité musulmane. L’interdiction a immédiatement suscité des protestations dans les aéroports à travers le pays, et a provoqué une tempête de critiques dans les médias. Le porte-parole de Trump a refusé de qualifier le décret d’«interdiction» – et le président a embrouillé un peu plus les choses en la qualifiant d'«interdiction» dans un tweet.
Alors que le chaos et la confusion s'emparaient des aéroports, Trump a téléphoné à cinq dirigeants, dont le président russe Vladimir Poutine et la chancelière allemande Angela Merkel. Alors que rien de substantiel n’a été rapporté de l’entretien téléphonique avec Vladimir Poutine – à part l'idée d'une entente réciproque sur le fait que les relations russo-américaines ont besoin d'être restaurées – cette conversation a attiré encore plus d’attention médiatique que toutes les autres. Les spéculations sur ces insaisissables «liens avec la Russie» de Donald Trump (que ce dernier nie) continuent à harceler la nouvelle administration et à fasciner les journalistes américains, malgré la faiblesse des preuves.
A la lumière des déclarations bellicistes de Donald Trump envers l’Iran, un expert prévient que les Etats-Unis pourraient s’engager dans un conflit, à côté duquel les guerres d'Afghanistan et d'Irak ressembleraient à une «promenade»
A la fin de la deuxième semaine, l’administration de Trump a mis en garde l’Iran après l'attaque d'un navire de guerre saoudien au Yémen par les rebelles houthis soutenus par les Iraniens. A la lumière des autres déclarations bellicistes de Donald Trump et de son gouvernement envers l’Iran, un expert prévient que les Etats-Unis pourraient s’engager dans un conflit, à côté duquel les guerres d'Afghanistan et d'Irak ressembleraient à une «promenade».
Troisième semaine : reculs et tueurs
Donald Trump a dû faire face à un recul politique au cours de sa troisième semaine, lorsqu'un juge a temporairement suspendu son décret sur l'immigration après avoir accepté les arguments démontrant qu'il s'agissait là d'une discrimination des musulmans et qu’il créait des préjudices inutiles. Le président américain a fustigé le «soi-disant juge» sur Twitter. Le lendemain, il a twitté que, si quelque chose arrivait, le peuple américain devrait blâmer le juge et le système judiciaire. Les passions ont été un peu plus excitées avec la conseillère de Trump, Kellyanne Conway, quand cette dernière a justifié le décret, évoquant le Massacre de Bowling Green, un attentat terroriste qui n’a jamais eu lieu en réalité. Les mots de Conway n'ont pas manqué de susciter la dérision des médias.
Donald Trump et ses «liens avec la Russie» sont redevenus d’actualité, lorsqu’il a accordé une interview juste avant la finale du Superbowl à Bill O’Reilly de FoxNews. En réponse aux propos du journaliste selon lesquels Vladimir Poutine serait un tueur, Donald Trump a déçu les médias une nouvelle fois en refusant de reconnaître la supériorité morale des Etats-Unis sur le reste du monde. «Il y a beaucoup de tueurs. Nous avons beaucoup de tueurs», a ainsi déclaré Trump. «Pensez-vous que notre pays est si innocent ?»
La troisième semaine de la présidence de Donald Trump s’est terminée par un autre coup porté au décret anti-immigration : groupe de trois juges a confirmé l’injonction précédente contre le décret. Sur une note plus légère, Trump a pris la peine de détruire les grands magasins de Nordstrom pour avoir renoncé à la gamme de produits de sa fille Ivanka. Et des célébrités ont répondu en postant des photos sur internet d’eux-mêmes portant des sacs Nordstrom.
Quatrième semaine : machine soigneusement réglée
Les allégations selon lesquelles le conseiller de Trump à la sécurité nationale, Michael Flynn, aurait parlé des sanctions avec l’ambassadeur de la Russie aux Etats-Unis, a créé encore plus de difficultés pour la nouvelle administration, pour ce qui est des relations américano-russes. Michael Flynn a finalement été forcé de démissionner, en admettant qu’il avait mal renseigné le vice-président Mike Pence sur le contenu des appels. La presse dramatise la situation, supposant que le conseiller à la sécurité nationale était de connivence avec la Russie et que ses entretiens téléphoniques avec l’ambassadeur russe font partie du vaste scandale de l’«influence russe» sur le système politique. Les idées néo-McCarthyste continuent d’imprégner les grands médias américains.
Il y en a beaucoup de spéculations quant à ce que les agences de renseignement américaines cachent à Donald Trump de peur qu’il n'ait été compromis par le Kremlin. Encore une fois, peu de preuves fiables ont été présentées par les médias ou les agences de renseignement pour soutenir cette théorie. Trump lui-même qualifie cette histoire liée à la Russie de «ruse».
Trump et les journalistes qui le suivent servent les intérêts des uns des autres ; un cirque dysfonctionnel et un cercle vicieux qui ne va pas aller en ralentissant
Lors de la quatrième semaine, nous avons également vu le président américain monter à la tribune pour sa première conférence de presse en solo à la Maison Blanche, conférence qui a duré 75 minutes environ. Il a réprimandé la presse pour son comportement envers lui et s’est vanté du fait ce que son administration avait accompli plus que tout autre en une «période de temps aussi courte». Il a contesté, aussi, les articles selon lesquels son administration serait plongée dans le «chaos», et la qualifiée de «machine soigneusement réglée».
Les premières semaines de Trump ont été entachées de scandales (petits ou grands, comme vous le voyez), de drames et de protestations. Son plus grand conflit est celui avec le monde des médias. Comme je l’ai écrit auparavant, et Trump les journalistes qui le suivent servent les intérêts les uns des autres - un cirque dysfonctionnel et un cercle vicieux qui ne va pas aller en ralentissant.
Du même auteur : Du nouveau dans la façon de penser de Poutine : tout est de la faute à Dostoïevski