Réunion sur la Syrie à Astana : «Une avancée considérable par rapport au processus bloqué de l'ONU»

Réunion sur la Syrie à Astana : «Une avancée considérable par rapport au processus bloqué de l'ONU»© Kirill KUDRYAVTSEV Source: AFP
Les représentants du régime syrien et des groupes des rebelles à la session des pourparlers sur la Syrie à Astana, janvier 2017.
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Le sommet d'Astana peut créer la dynamique positive nécessaire pour le règlement du conflit syrien et montre que la gestion de cette crise n’est plus le monopole des USA et du monde occidental, explique le journaliste Richard Labévière.

RT France : Peut-on s’attendre aujourd’hui à un certain progrès pendant la réunion à Astana au sujet de la Syrie ?

Richard Labévière (R. L.) : Le sommet d’Astana représente incontestablement un progrès par rapport au processus intérieur de Genève bloqué, où les représentants de l’opposition n’ont jamais eu de contact direct avec les autorités syriennes, ne serait-ce que par l’intermédiaire de Staffan de Mistura. C’est la première fois qu’il y aura un contact direct entre les membres de l’opposition et les autorités syriennes. C’est une première avancée sur le plan du cadrage, sur le plan formel. Cette réunion est très bien profilée et située contrairement aux réunions des politiques. Là il ne s’agit pas de mettre la charrue avant les bœufs, de parler de l’avenir politique de la Syrie avec ou sans Bachar el-Assad, comme si c’était la question, mais la réunion à Astana doit s’occuper de la consolidation d’un cessez-le-feu, avec le désarmement de fractions rebelles, djihadistes et autres et voir en compensation quelle amnistie ils obtiendront des autorités syriennes. Il est essentiel d’être très précis à ce stade ; la réunion à Astana ne peut pas ne pas avoir de conséquences politique sur la suite du processus. C’est la raison pour laquelle le représentant de l’ONU Staffan de Mistura est à Astana en tant qu’observateur pour voir et mesurer les progrès de l’aspect cessez-le-feu, désarmement des factions et amnistie. Dans tous les cas de figure, cette réunion d’Astana marque une avancée considérable par rapport au processus bloqué des Nations unies, et c’est à mettre à l’actif de la diplomatie russe qui permet, avec le partenaire iranien et le partenaire turc, de mettre en confiance les représentants de l’opposition. La Russie a pu renouer des relations diplomatiques avec la Turquie, qui, comme vous le savez, depuis le départ de la crise en Syrie a formé, armé et soutenu des partis importants de la rébellion syrienne. Cette réunion tripartite en Syrie de l’Iran et de la Turquie sous le leadership russe est certainement le premier pas d’un processus positif qui débouchera sur une transformation de ce conflit, sinon à un retour à la stabilité et à la paix.

L’enjeu d’Astana est de remettre cette crise dans un contexte militaire pour que les principaux partenaires soient dans cette logique de groupe de contact pour enclencher un processus politique 

RT France : Vous avez mentionné plusieurs protagonistes dans cette conférence, ils ont tous leurs intérêts différents. Peut-on parvenir à un accord entre tous ces partis qui ont des intérêts parfois complètement opposés dans la région ?

R. L. : Dans ce genre de crises et de conflits, ce n’est pas une première où il y a des intérêts divergents, souvenez-vous des guerres des Balkans, c’est la loi du genre. Sergueï Lavrov et Vladimir Poutine reproduisent à leur compte un peu la dynamique des accords de Dayton qui étaient censés dans un premier temps créer un groupe de contact. De fait, ce qui se passe à Astana s’apparente à un groupe de contact avec des acteurs principaux qui ont, bien évidemment, des intérêts et des agendas divergents et contradictoires. Mais c’est justement dans cette dynamique du groupe de contact qu’on pourra rapprocher des positions pour progressivement consolider le cessez-le feu et relancer des mesures de confiance, en vue d’aborder dans un second ou troisième temps une section plus politique qui rompe avec la position absolument stupide des puissances occidentales à commencer par les Etats-Unis, la France et d’autres pays. Cette position réaffirme encore, on le voit devant la campagne présidentielle, que l’avenir de la Syrie ne peut pas se faire avec Bachar el-Assad. Ce n’est ni à la France, ni à la Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis et encore moins aux pays du Golfe de dire comment doit se faire l’avenir politique de la Syrie, avec ou sans Bachar el-Assad. Astana s’attache dans un premier temps à restaurer des mesures de confiance, un cessez-le-feu et le désarmement des factions pour que la Syrie engage sa reconstruction économique et politique avec les Syriens. Ce sera aux Syriens de décider de leur avenir politique. L’enjeu d’Astana est de remettre cette crise dans un contexte militaire pour que les principaux partenaires soient dans cette logique de groupe de contact pour enclencher un processus politique. 

L’absence américaine aux négociations est donc le résultat de leur diplomatie sur ce dossier depuis l’été 2011, quand Barack Obama demandait le départ de Bachar el-Assad

RT France : L’absence des Etats-Unis lors des négociations va-t-elle avoir une influence importante sur l’évolution des évènements dans la région ?

R. L. : L’absence des Etats-Unis est liée à plusieurs facteurs. L’absence des Américains mais aussi d’autres pays occidentaux, comme la France, marque l’échec cinglant de la diplomatie américaine et européenne sur ce dossier dans la mesure où elles cherchaient à démanteler le régime de Bachar el-Assad et à faire de la Syrie ce qu’il avait été fait en Irak et en Libye avec les conséquences qu’on connaît. L’absence des Etats-Unis n’est pas une surprise, mais elle est tout-à-fait logique. Dans leur coalition contre Daesh ils n’avaient pas perdu comme objectif principal le démantèlement et la partition de la Syrie. L’absence américaine aux négociations est donc le résultat de leur diplomatie sur ce dossier depuis l’été 2011, quand Barack Obama demandait le départ de Bachar el-Assad. Bachar el-Assad est toujours là et Barack Obama s’en va.

Désormais le Proche-Orient se reconstruira et sera beaucoup plus multipolaire et équilibré qu’il n’a été jusqu’à maintenant

Le dossier a donc un deuxième élément : la conférence d’Astana se tient à un moment de transition où la diplomatie américaine est tout-à-fait absente.

Le troisième élément c’est qu’aujourd’hui tant sur le règlement du conflit palestinien que sur la crise en Syrie, les Etats-Unis de Barack Obama comme de Donald Trump ne sont plus du tout une hyperpuissance au Proche et Moyen-Orient, avec le retour important sur le plan stratégique et diplomatique non seulement de la Russie, mais aussi de l’Iran, qui redevient une puissance régionale majeure avec à la marge la Turquie. Le monde change et le Proche et Moyen-Orient, après Astana qu’on sera sorti de cette crise syrienne, sera plus multipolaire, car la reconstruction politique et économique de la Syrie sera de fait un partenariat entre la Syrie et l’Iran, voire la Turquie. Désormais le Proche-Orient et la gestion de cette crise n’est plus le monopole des Etats-Unis et du monde occidental. Désormais le Proche-Orient se reconstruira et sera beaucoup plus multipolaire et équilibré qu’il n’a été jusqu’à maintenant. C’est l’aspect positif de cette crise.

Lire aussi : Thierry Mariani : Bachar el-Assad se dit «optimiste» quant aux négociations d'Astana

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