Sans les médias, Donald Trump n'aurait sans doute pas gagné l'élection. Mais il a beaucoup de raisons de se sentir attaqué par les médias, parce qu'ils sont une majorité à être contre lui, indique l'analyste politique Ted Rall.
Des journalistes de certains médias américains ont écrit une lettre ouverte à l'attention du président Donald Trump, dans laquelle ils estiment que leurs relations avec lui ont jusqu'ici été «tendues» et suggèrent des pistes pour changer cette situation.
Dans ce but, ils expriment leurs préoccupations. Ils s'opposent à la restriction de reportages et exigent la liberté de presse. Il en va de même pour ce qui concerne le temps de diffusion et l’étendue de la couverture consacrée aux «portes-parole et substituts» de Donald Trump.
Les journalistes se sont engagés à intégrer leurs correspondants dans les agences de Donald Trump et à «sources ces bureaucrates».
Ils ont également promis de travailler ensemble malgré les efforts présumés de Donald Trump pour les dresser les uns contre les autres.
Pourtant, l’administration de Barack Obama a elle aussi été agressive à l'attention des médias. Il a été signalé en mai 2013 que le gouvernement avait secrètement obtenu des enregistrements téléphoniques de correspondants et de rédacteurs d'Associated Press pendant deux mois, ce que le directeur de l'agence de presse a appelé une «intrusion massive et sans précédent» dans le procédé via lequel les organismes de presse collectent leurs informations.
L'intrusion a touché, selon les avocats d’AP, les bureaux de New York, de Washington et de Hartford, Connecticut, ainsi que le numéro principal des correspondants d'AP dans la salle de presse de la Chambre des représentants.
RT : Quelle est votre vision de l’histoire ? Est-ce un comportement normal pour les journalistes ?
Ted Rall (T. R.) : C'est une sorte de retour en arrière, à ce qui avait coutume d'être un comportement standard. Et il semble que les journalistes accrédités auprès de la Maison Blanche cherchent à revenir à la tradition dont les Américains plus âgés se rappellent. Je me souviens qu'enfant, je regardais le président Nixon lors des conférences de presse ; c'était un maître des réponses détournées aux questions difficiles, surtout lors du scandale du Watergate. Lui et son attaché de presse de l'époque, Ron Ziegler, étaient de tels professionnels en la matière, qu'on a ajouté dans le dictionnaire le verbe «ziegler», ce qui voulait dire «dissimuler et éviter une question».
A l'époque, les journalistes accrédités auprès de la Maison Blanche se soutenaient les uns les autres. Si le président ou son attaché évitait une question, le correspondant suivant ne posait pas sa question et reposait la précédente. Si ça se reproduisait, ils continuaient et ainsi de suite. Et cela pour au moins avoir les preuves que le président avait plusieurs fois évité la même question et même s'ils n'arrivaient pas à avoir une réponse directe. Il semble que cette lettre et cette approche à la pression, cette réaction à la remise en place du reporter de CNN est censée provoquer un retour à ce genre de relation de nature contradictoire. Mais c’est une relation qui a beaucoup changé au fil des années. Le président Reagan et le président Obama ont tous deux fait changer un peu cette relation.
RT : Donald Trump lui-même n'a pas été tendre du tout avec les médias, envisageant des restrictions au premier amendement et insinuant que le nombre de journalistes accrédités auprès de la Maison Blanche pourrait être restreint. D'une certaine façon, la critique de la presse n’est-elle pas un juste retour des choses ?
T. R. : Cela dépend de votre point de vue, mais sans aucun doute, on peut voir ici les deux aspects [du problème]. Il est clair que le président Donald Trump est très hostile aux médias, même si ironiquement, il a maîtrisé l'art de les utiliser à son avantage tout au long de la campagne. Et s’il n’avait pas fasciné les médias, il ne fait aucun doute qu’il n'aurait probablement pas gagné cette élection. C'est donc une relation intéressante et compliquée.
D'un autre côté, du point de vue des médias, on s'inquiète particulièrement des déclarations que Donald Trump a faites au sujet de la réforme des lois sur la diffamation, ce qui entraînerait une sorte de restriction et de réduction des droits garantis par le premier amendement aux Etats-Unis, ainsi que des prérogatives dont jouissent les médias. Enfin, il y a même eu quelques discussions au sujet de la suppression de la salle de presse de la Maison Blanche et de tous les privilèges qui l'accompagnent.
Evidemment, si vous travaillez pour les médias, vous ne pouvez pas vous empêcher d'être préoccupé... Mais d'autre part, le président Trump a eu beaucoup de raisons de se sentir attaqué et encerclé par les médias parce que, clairement, la plupart d'entre eux ne l'aiment pas.
RT : Pensez-vous qu'il soit juste de dire que cette lettre constitue une escalade dans la critique contre Donald Trump ?
T. R. : Si vous avez regardé la campagne de Donald Trump ou sa victoire surprise à l'élection présidentielle, impossible de ne pas réaliser que l'antipathie entre ces deux parties vient d'atteindre le comble de la frénésie. Le président Nixon a détesté la presse, mais ça n'allait pas jusque-là. Les deux parties ne peuvent absolument pas se supporter l’une l’autre. Et je ne vois pas cela changer bientôt.
RT : L'appel à l'unité entre journalistes est aussi quelque chose qui attire l'attention. Il y a quelques mois à peine, nous avons vu plusieurs agences de presse s'en prendre avec virulence à des sources comme Fox News et même les assortir de termes comme «agence de presse de droite». Est-ce que le moment choisi pour entamer cette démarche joue un rôle important ?
T. R. : Je crois que oui. Je pense que ça reflète un média qui ne réagit pas seulement aux déclarations du président Trump, mais qui s'est aussi remis en question à plusieurs égards. Le président Ronald Reagan avait été le premier président à demander à ce que les représentats des médias s'assoient comme des écoliers et lèvent la main en attendant d'être appelés.
Le président Obama a même renforcé ce contrôle en ayant une liste préalable de tous les journalistes qu'il prévoyait d'appeler à tour de rôle au lieu de le faire dans des cas précis. Lors de sa dernière conférence de presse, il a fait la même chose. Donc, je pense que beaucoup de membres des médias et particulièrement si vous considérez qu'il y a eu beaucoup de réductions budgétaires à la fois dans la presse écrite et audiovisuelle ont le sentiment d'avoir été poussés trop loin dans leurs retranchements, qu'ils n'en tolèrent plus davantage et forumulent à leur tour certaines exigences. Ce qui est arrivé à Jim Acosta de CNN et à BuzzFeed, lors de la dernière conférence de presse du président élu Trump, a été la goutte qui a fait déborder le vase.
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