Primaire à gauche : Manuel Valls est-il coincé dans le même costume étriqué que Nicolas Sarkozy ?

Primaire à gauche : Manuel Valls est-il coincé dans le même costume étriqué que Nicolas Sarkozy ?© PHILIPPE WOJAZER Source: AFP
Manuel Valls lors du premier débat de la primaire de la Belle Alliance.
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La posture défensive de Manuel Valls, engoncé dans le rôle du sortant, au débat de la primaire de la gauche rappelle à David Desgouilles la tactique de Nicolas Sarkozy lors du scrutin de droite. Ses rivaux s'en sont-ils mieux sortis ? Décryptage.

RT France : Le premier débat de la primaire de la gauche a été fustigé par de nombreux internautes et médias comme ennuyeux, dénué d'idées neuves et fade. Qu'a-t-il manqué à cet événement politique ?

David Desgouilles (D. D.) : Visiblement des consignes avaient été données pour qu'il n'y ait pas d'interpellations entre les candidats, contrairement aux débats de la primaire de la droite où les interpellations étaient organisées et comptabilisées dans le temps de parole. Je pense que cela a fait partie des négociations entre les chaînes de télévision et les organisateurs de la primaire. Est-ce que c'était un bonne idée ? On peut se poser la question. Si le téléspectateur s'attendait à du spectacle, il est certain que c'est raté. Mais la politique doit-elle vraiment être un spectacle ? C'est une vaste question. Il est vrai que cela s'ajoute aux vives tensions existantes au sein du Parti socialiste (PS) entre Manuel Valls d'une part, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Vincent Peillon de l'autre. Je pense que c'était voulu d'éviter les accrochages, de rester sur le fond et, quelque part, d'avoir des débats plus à l'américaine où les débatteurs parlent uniquement aux journalistes. Ce n'est pas tellement la tradition française. Il faudra voir lors des prochains débats si cette dynamique et cette organisation changent. 

Si on est en dessous de deux millions de votants à la primaire, le désintérêt pour le PS continuera à se renforcer et son candidat à se marginaliser

RT France : Ce débat a aussi été une déception du côté des audiences avec 3,8 millions de téléspectateurs, soit deux millions de moins que le premier débat de la primaire de la droite pourtant diffusé sur la même chaîne. Ce manque d'enthousiasme est-il logique ?

D. D. : Il s'agit avant tout de la primaire du parti sortant. On sait que depuis 40 ans les sortants perdent toujours. Ça commence à partir de Valéry Giscard d'Estaing. François Mitterrand a été réélu mais c'était en période de cohabitation. La même situation se répète pour Jacques Chirac en 2002. A chaque fois, le sortant ne réussit pas à s'imposer. Cette année en plus, il ne se représente même pas. Le Parti socialiste est en très mauvais état. Les enquêtes et les sondages montrent d'ailleurs qu'aujourd'hui le vainqueur potentiel de la primaire est placé derrière Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Si lors des deux tours, il y a deux millions et demi de personnes qui se déplacent, soit autant que lors de la primaire pour l'élection de 2012, on pourra considérer ça comme quelque chose de positif, même si c'est moins qu'à droite. Le candidat choisi pourra bénéficier d'une prime qui le fera rebondir dans les sondages. Mais si on est en dessous de deux millions, le désintérêt pour le PS continuera à se renforcer et son candidat à se marginaliser, sauf s'il fait preuve d'un grand talent. 

Manuel Valls a dû être sur la défensive à l'instar de Nicolas Sarkozy qui s'était retrouvé avec l'ensemble de ses anciens ministres qui l'attaquaient

RT France : Au-delà du fond et du programme, les débats télévisés permettent aussi aux citoyens de se faire une opinion sur la personnalité des candidats. Quels sont pour vous ceux qui se sont démarqués ?

D. D. : Je vais mettre de côté les trois candidats considérés comme petits et qui semblent être là pour faire de la figuration sans croire à leur chance de l'emporter, soit Jean-Luc Bennahmias, François de Rugy et Sylvia Pinel. Manuel Valls m'a fait penser à Nicolas Sarkozy lors de la campagne de la primaire. Il y a déjà des ressemblances assez frappantes entre ces deux hommes, que cela soit à la télévision ou lorsqu'on les rencontre, notamment dans leur façon de se comporter avec les autres. Mais ce qui était d'autant plus fort lors du débat, c'est qu'on pouvait voir qu'ils étaient dans la même situation politique. Vincent Peillon, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon étaient clairement contre lui alors qu'ils ont été ses ministres. Petite différence notable pour Vincent Peillon qui n'a été que son collègue au gouvernement. Manuel Valls a dû être sur la défensive à l'instar de Nicolas Sarkozy qui s'était retrouvé avec l'ensemble de ses anciens ministres qui l'attaquaient. C'était particulièrement le cas dans la première partie de la soirée lorsqu'il devait défendre le bilan du quinquennat. Lorsque les questions sont arrivées sur les domaines régaliens, il s'est légèrement détendu. Mais là encore on l'a vu adopter une stratégie similaire à celle prise par Nicolas Sarkozy lors de la primaire de droite : dire que face à Donald Trump, à Vladimir Poutine ou à Recep Tayyip Erdogan il faut un homme fort et d'expérience pour représenter la France. C'est mot pour mot ce que disait Nicolas Sarkozy dans les débats. Cette position adoptée par Manuel Valls ne lui promet pas un grand succès. Même s'il remporte cette primaire, il ne pourra pas faire oublier qu'il a pris à François Hollande la position du sortant. Avec le bilan du quinquennat, c'est une position tout sauf enviable.

Si Arnaud Montebourg freine son côté fantasque – là-dessus il a été aidé par Jean-Luc Bennahmias – et continue à jouer sur son éloquence naturelle, il aura une place de choix dans cette primaire.

Benoît Hamon m'a un peu déçu. Il était sur une bonne dynamique depuis quelques semaines mais pendant le débat il est resté très professoral, pédagogique et un peu ennuyeux. Je ne pense pas qu'il ait marqué beaucoup de points auprès des téléspectateurs pendant ce premier round. A l'inverse, Vincent Peillon a choisi de jouer le rôle du sniper. C'était le plus offensif. Il a attaqué Benoît Hamon sur la taxation des robots, puis Manuel Valls. Ce qui est plus étonnant reste qu'il ait épargné Arnaud Montebourg. Dans son comportement, il y avait un petit côté Jean-François Copé – bien sûr je ne pense pas qu'il ne fera que 0,3% – avec cette posture de vouloir se payer les autres candidats.

Finalement sur l'exercice, je trouve qu'Arnaud Montebourg s'est le mieux illustré et s'est montré plutôt intéressant. Il était très attentif à chaque mot prononcé, il a pris le temps de bien poser ses idées. Il est le seul à avoir prononcé le mot interdit chez les socialistes «frontière» et à avoir évoqué l'Europe. Il a dû marquer des points lors de ce débat sur la personnalité et sur le fond. Il faudra néanmoins qu'il se méfie des plans de coupe à la télévision. On a pu le voir à plusieurs reprises, lorsque la caméra se posait sur lui, avoir l'air consterné par les propos de ses rivaux. A l'inverse, Manuel Valls est resté très souriant durant ces moments-là. Ça peut donner à Arnaud Montebourg un côté mesquin pas forcément apprécié des électeurs de gauche. Néanmoins, avec les débats à venir, notamment ceux sur l'Europe, je pense qu'il va monter en gamme et pour l'instant je le vois au deuxième tour. Il est en tout cas dans une belle forme. S'il freine son côté fantasque – là dessus il a été aidé par Jean-Luc Bennahmias – et continue à jouer sur son éloquence naturelle, il aura une place de choix dans cette primaire.

Lire aussi : Débat de la primaire de gauche : «On a un congrès du PS en direct et ça, ça n'intéresse personne»

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