La trêve signée entre le gouvernement syrien et l'opposition armée est un pas en avant car elle permet d'éclaircir la politique trouble turque. Mais pour le député Jacques Myard, il reste à achever la guerre contre Daesh et régler la question kurde.
RT France : Le gouvernement syrien et l'opposition armée sont arrivés à un accord de trêve dans l'ensemble du pays à l'exception des zones tenues par l'Etat islamique. Est-ce une bonne nouvelle pour le pays?
Jacques Myard (J. M.) : C'est une bonne nouvelle mais c'est insuffisant. L'accord qui vient d'être signé est en réalité le résultat d'un accord entre la Russie, la Syrie et la Turquie. Car la Turquie a joué un drôle de jeu dans la guerre civile en Syrie. Elle avait notamment aidé et armé un certain nombre de groupes de l'opposition, prétextant que c'étaient des démocrates. Aujourd'hui, on a donc un cessez-le-feu qui est en réalité une trêve partielle. Les islamistes fanatiques et extrémistes ne font pas partie de cet accord. Or à Alep, on a vu que s'il y avait des insurgés qui étaient «contrôlés par la Turquie», il y avait aussi des fanatiques extrémistes et barbares. En réalité, ce cessez-le-feu ne va pas mettre fin à la guerre en Syrie. Il va mettre fin à l'intervention de la Turquie dans les affaires syriennes. On ne peut que se réjouir de ce dernier point.
Il reste une question en suspens : quelle va être l'attitude des Kurdes face à cet accord ?
RT France : Qu'aurait-il fallu faire à votre sens pour arriver à l'arrêt total des combats?
J. M. : Un cessez-le-feu total passe bien évidemment par un accord tel que celui-ci. Mais, à mon sens, l'Etat islamique et les fanatiques vont continuer la lutte. En ce sens, je vois mal comment on pourra avoir une paix totale prochaine en Syrie. Cet accord est un premier pas, mais je crains fort que le combat soit encore long contre l'Etat islamique et les groupes radicaux islamistes et barbares tels que Al-Nosra, affilié à Al-Qaïda. Il reste une autre question en suspens : quelle va être l'attitude des Kurdes face à cet accord, eux qui sont contre le régime de Recep Tayyip Erdogan ? Je pense qu'aujourd'hui on assiste à une potentielle nouvelle guerre civile qui peut débuter : celle qui va se dérouler en Turquie face à une répression du président turc contre les Kurdes. Là encore ce ne sera pas un conflit qui pourrait se terminer demain.
On voit bien que la guerre contre l'Etat islamique n'est pas terminée et que chacun a désormais son rôle à jouer
RT France : Vous parlez des forces kurdes, qui tout comme les puissances occidentales de la coalition internationale menée par les Etats-Unis, ne feront pas partie des pays qui garantiront et organiseront les pourparlers de paix en Syrie à Astana au Kazakhstan. Est-ce étonnant?
J. M. : Sur la question kurde, je pense que c'est un problème qui dépasse largement le conflit syrien. Les Occidentaux - les Etats-Unis principalement mais également la France et la Grande-Bretagne - sont concentrés sur le dossier irakien où la mission actuelle est de reprendre Mossoul à l'Etat islamique. Quelque part tout cela va dans le bon sens. Sur le terrain, même sans accord formel entre puissances, du côté syrien on a la Russie, la Turquie et l'Iran qui trouvent un accord et de l'autre côté en Irak on voit les Occidentaux qui vont devoir lutter contre les extrémistes islamistes. Il faudra ensuite reprendre Raqqa en Syrie. On voit bien que la guerre contre l'Etat islamique n'est pas terminée mais que chacun a désormais son rôle. Les Occidentaux et le gouvernement irakien vont maintenant avoir un long et difficile combat à mener à Mossoul. Il faudra d'ailleurs éviter que les milices chiites règlent leurs compte avec les sunnites pour ne pas recommencer une guerre civile confessionnelle. Ce qui est certain dans l'imbroglio irako-syrien, c'est que l'on a des puissances sur le terrain qui veulent mettre fin à la rébellion et à l'Etat islamique. La partie n'est pas terminée.
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