«Quiconque d'assez éduqué comprend que la torture ne fait que causer plus de terreur, de douleur, de souffrances et de guerres», a déclaré Carlos Warner, Défenseur public fédéral pour dix prisonniers de Guantanamo.
RT : Pourquoi, à votre avis, 46% des Américains soutiennent la torture, qui est pourtant interdite par le Droit international ?
Carlos Warner (C. W.) : Je crois qu’il y a beaucoup de malentendus, particulièrement dans cette période politique. Nous avons vu ce qui s’est produit, quand près de 50% des électeurs inscrits ont voté pour Donald Trump. Il y a beaucoup de rhétorique et de discours. J’estime que c’est intéressant, car son présumé secrétaire à la Défense, James Mattis, a déjà dit que la torture ne marchait pas. Nous savons que ça ne marche pas. Alors, pour répondre directement à votre question, c’est un problème d’éducation.
Sachez que la torture n’apporte pas de renseignements utiles, elle ne l’a jamais fait
Ce n’est pas une question de connaissances. Ce que nous faisons maintenant c'est d'éduquer le public et expliquer pourquoi la torture ne marche pas, et comment au contraire elle aggrave les choses.
RT : Ces chiffres suggèrent-ils que la propagande américaine et la diabolisation des ennemis donnent des résultats ?
C. W. : Non… nous sommes humains, et nous traitons nos ennemis avec dignité et respect. Nous sommes comme ça. C’est ce qui nous distingue de bon nombre de nos ennemis. Alors il n’y pas de place pour la torture dans cette équation. Une période sombre a commencé après le 11 septembre. Les temps étaient très durs lorsque notre pays s’est engagé dans la torture. Et nous souffrons toujours à cause de cela. Cela ne doit plus arriver.
Sans doute beaucoup de nos ennemis sont des barbares. Nous ne le sommes pas, et c’est quelque chose que le public américain doit accepter : nous ne nous abaisserons pas à leur niveau, même s’ils le font eux-mêmes.
RT : Pour un bastion présumé de la démocratie, qu’est-ce que ça signifie ? Evidemment, l’approbation tellement enthousiaste de la torture ne se marie pas vraiment aux «valeurs américaines» ?
C. W. : Vous avez parfaitement raison. Les valeurs américaines c'est : «Nous rejetons la torture.» Toute personne éduquée, que ce soit un conservateur ou un libéral, comprend que la torture c'est mal ; qu’elle ne sert à rien d'autre que causer plus de terreur, plus de douleur, plus de souffrance et de guerres. Ce n’est pas ce que nous sommes en tant qu'humains. Cela incombe aux citoyens ordinaires d’enquêter sur ces questions. Sachez que la torture n’apporte pas de renseignements utiles, elle ne l’a jamais fait. Les gens qui sont en charge des services de renseignement aux Etats-Unis le répètent encore et encore.
Si on pratique la torture dans notre pays, il y aura des forces à l’intérieur du pays qui lutteront contre cela
Mais, encore une fois, quand vous regardez la rhétorique du cycle électoral, il y avait des gens – surtout dans l'entourage de Trump – qui affirmaient que la torture était efficace, et elle ne l’est justement pas. Les républicains, les démocrates, les conservateurs et les libéraux suffisamment raisonnables sont d’accord avec cette assertion : «La torture ne marche pas !»
RT : Peut-on s’attendre à ce que la torture soit plus largement utilisée sous la présidence de Donald Trump ? Il a souligné dans le passé qu’il serait disposé à s'en servir.
C. W. : J’espère que non. С’était certainement de la rhétorique, mais comme je l’avais indiqué plus tôt, son candidat présumé pour le poste de secrétaire à la Défense a dit que cela n’était pas efficace. Ce qu’il a dit, je crois, c’est que, d’après son expérience, quelques bières et un paquet de cigarettes sont plus efficaces que la torture et le «waterboarding». Trump a déclaré que cela faisait partie de son éducation. Mais je veux vous dire ceci : si on pratique la torture dans notre pays, il y aura des forces à l’intérieur du pays qui lutteront contre cela.
J’espère que nous sommes une sorte de pays qui est capable de tirer les leçons de nos propres erreurs au lieu d’être condamnés à les répéter
Non seulement les gens qui sont dans ma position, mais les gens de tous bords comprennent que c’est mal et que cela ne doit pas arriver. La rhétorique, c’est une chose, et la mise en pratique c’est autre chose. J’espère que nous sommes une sorte de pays qui est capable de tirer les leçons de ses propres erreurs au lieu d’être condamné à les répéter.
RT : La prison de Guantanamo sera-t-elle prochainement fermée ?
C. W. : Je ne crois pas. En fait, je serais choqué si on la fermait. Je pense que nous allons réduire le nombre de prisonniers ; je crois que le Président va le réduire jusqu’à environ 40, au moment où il quittera son poste en janvier. Cela va vite arriver. Mais au moins 40 personnes vont rester à Guantanamo.
Je n’ai rien entendu concernant une volonté politique de les déplacer aux Etats-Unis, ou de faire autre chose pour s'assurer que ce cauchemar, ce qu'est Guantanamo, sera terminé et ne se répétera pas. Le président élu Donald Trump a dit, j’espère que c’était de la rhétorique, qu’il voulait remplir cette prison de nouveau ; et qu’il voulait la remplir avec des citoyens américains. Ça sera une dure bataille s’il choisit de le faire. J’espère que cela n’était qu’un discours électoral, une sorte de discours qui pourrait lui apporter des voix, et qu’il comprend que c’est absurde dans le cadre de la réalité.
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