«Aristocratie, libéralisme, progrès, principes… Ces mots n’ont pas de sens ! Un Russe n’en a pas besoin». Une pancarte avec ce texte et le logo de Penguin books en bas est apparue début juin dans le métro de Londres.
L’affiche publicitaire a suscité une polémique dans la blogosphère russe qui s’indigne que la maison d’édition déforme la citation et la tire de son contexte. Car il s’agit bien d'un passage déformé du roman de l’écrivain russe Ivan Tourgueniev Pères et fils où la phrase, prononcée par le héros principal du roman Evgueni Bazarov, nihiliste, a un sens différent : «Aristocratie, libéralisme, principes, progrès, répétait en attendant Bazarov. Que de mots étrangers à notre langue, et parfaitement inutiles ! Un vrai Russe n’en voudrait pas pour rien».
Une pétition pour retirer cette campagne publicitaire a été lancée sur le site Change.org et compte à l’heure de la publication 1 558 signataires. Parmi les indignés – l’écrivaine politique américaine Diana Johnstone.
RT France : Pourquoi avez-vous signé la pétition demandant à ce que soient retirées les affiches de la maison d’édition Penguin books ?
Diana Johnstone (D. J.) : Parce que je suis outrée par la campagne de propagande antirusse qui inonde l’Occident, au moment même où l’OTAN pratique des manœuvres militaires jusqu’aux frontières de ce grand pays qui ne cherche que la paix avec ses voisins. Je trouve particulièrement déplacé le fait qu’une maison d’édition importante se prête à ce jeu.
Il est extraordinaire d’aller pêcher dans cette vaste littérature géniale pour en extraire une phrase qui peut suggérer que les Russes sont un peuple intellectuellement arriéré
RT France : Face à la polémique, la maison d’édition Penguin books a répondu aux sollicitations de RT en avançant que leur campagne publicitaire est censée «intriguer» les gens pour qu’ils aillent chercher plus d’information ainsi que «célébrer ces merveilleux livres». Cette publicité est-elle vraiment innocente ?
D. J. : Tout ce qui est écrit dépend de son contexte. Le contexte de la citation du grand roman de Tourgueniev, Pères et Fils, était le conflit de générations dans la Russie des années 1860. On y trouve des pensées contradictoires les unes des autres. C’était il y a 150 ans. Le contexte occidental d’aujourd’hui est une campagne de propagande contre la Russie et son Président qui dépasse en intensité celle de la guerre froide. On ne peut pas détacher cette citation publicitaire de son contexte. La grande littérature russe est riche en toute sorte de citations «intrigantes». Il est extraordinaire d’aller pêcher dans cette vaste littérature géniale pour en extraire une phrase qui peut suggérer que les Russes sont un peuple intellectuellement arriéré. Au mieux, il s’agit d’un manque de sensibilité, au pire de la fausse naïveté qui voudrait masquer l’exploitation honteuse d’un climat d’opinion artificiellement créé pour des motifs géopolitiques.
Il ne s’agit pas ici de racisme ordinaire, il s’agit d’un effort fait par les politiques, les médias et même les publicitaires pour construire un mur psychologique entre les Occidentaux et le peuple russe
RT France : La même publicité avec un juif, un musulman ou un noir à la place d’un Russe aurait-elle été possible en France ?
D. J. : Les lois «contre la haine» ne s’appliquent jamais à la propagande faite contre un peuple que nos gouvernements ont décidé de traiter en ennemi. Il ne s’agit pas ici de racisme ordinaire, il s’agit d’un effort fait par les politiques, les médias et même les publicitaires pour construire un mur psychologique entre les Occidentaux et le peuple russe. Tout cela ne sert qu’à faire avancer la stratégie des Etats-Unis visant à diviser et régner, définie par Zbigniew Brzezinski. La littérature, au contraire, devrait contribuer à la compréhension entre les peuples.
Lire aussi : Faut-il détester la Russie ou faut-il réfléchir ?
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.