Les commémorations du centenaire de la bataille de Verdun ont été émaillées de nombreux couacs de communication. Pour Jacques Séguéla grand publicitaire et spécialiste de la communication, ce n'est que de la récupération politicienne.
RT France : Polémique autour du concert de Black M, autour des jeunes qui courraient entre les tombes. Comment expliquez-vous toutes ces critiques? Peut-on parler de fiasco ?
Jacques Séguéla (J. S.) : Je ne suis pas du camp du gouvernement mais je prends sa défense parce que l’idéologie est malsaine et qu’elle n’a pas le droit de cité lorsqu’il s’agit de ceux qui se sont battus pour la France. C’est une récupération politicienne d’un moment qui aurait pu être un partage de 4 000 jeunes Franco-Allemands qui étaient prêts à se serrer la main.
Il y avait une volonté de rassemblement et de fraternité et aucunement de provocation
Black M a eu la bonne réponse, il a rappelé que son grand-père était un tirailleur sénégalais qui justement était à la bataille de Verdun. Certes, on peut critiquer les paroles de Black M mais elles sont tolérées dans le domaine artistique. Il y avait une volonté de rassemblement et de fraternité et aucunement de provocation. Ce sont les politiques qui ont voulu en faire une provocation et qui ont transformé l’événement en provocation.
RT France : Manuel Valls a défendu la «belle» cérémonie en réponse aux critiques de la droite et de l’extrême droite. Au final quelle est la bonne façon de commémorer, comment allier mémoire et jeunesse ?
J. S. : Je ne soutiens pas Valls dans cette affaire par loyauté politique, mais par réflexe d’un Français qui a envie que de la France s’aime et non se haïsse. Les extrémistes sont des semeurs de haine. C’était une très bonne idée d’organiser ce qu’aiment les jeunes, c’est à dire un concert, le choix aurait pu être plus consensuel. Mais on est allé chercher la petite bête. Car même avec Johnny Halliday on peut trouver une parole qui ne plaira pas.
C’est avoir transformé en fiel ce qui au départ était du miel. Tout ça c’est parce que la France a mal à la France, avec une sorte de réveil raciste et nationaliste dû à la crise. La France est bloquée, elle a peur, elle a mal et donc elle se replie dans les extrêmes. Tout cela peut conduire à ce qui c’est passé en Autriche. La polémique sur Verdun a été récupérée en premier par l’extrême droite qui savait très bien ce qu’elle faisait, et on s’achemine vers une campagne où le problème identitaire sera un marqueur de la campagne.
RT France : Outre Verdun, ce n’est pas le premier faux pas dans la communication gouvernementale. Comment expliquez ces nombreux couacs ? La politique n’est-elle pas un peu trop gérée par des communicants ?
J. S. : Le gouvernement communique très mal, mais tous les gouvernements communiquent mal à cause de la défiance des Français à leur égard. 80% des Français n’accordent aucune confiance aux politiques et encore moins à ceux qui nous dirigent, 90% des Français jugent leur Président incompétent. Comment voulez vous communiquer quand au départ vous avez une si mauvaise image. L’image a été détruite par les promesses non tenues du départ, à partir de là il n’y a plus de communication possible. Pour que l’émetteur soit entendu, il faut qu’il soit fiable et aimé.
Tous les gouvernements communiquent mal à cause de la défiance des Français à leur égard
Quand on est à un an d’une élection, et dans un moment aussi dramatique pour la France, la meilleure façon de communiquer c’est le silence radio. Il ne faut pas donner des bâtons pour se faire battre. Les politiques ont eu de tort de se faire la course à la petite phrase dans cette affaire là, tout le monde aurait du respecter nos morts.
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