Les Etats-Unis et leurs alliés ne supportent pas qu’il y ait des puissances indépendantes dans le monde et essayent de faire pression sur la Russie, estime le professeur à l’INALCO Bruno Drweski.
RT France : Aujourd’hui un site du bouclier anti-missile de l’OTAN a été inauguré en Roumanie. Au départ conçu comme un moyen de protection contre la menace iranienne, le projet est poursuivi même si cette menace ne semble plus aujourd’hui être d’actualité, comme le témoigne la levée des sanctions contre l’Iran. Quelle est la signification de cette démarche de l’Alliance envers la Russie ?
Bruno Drweski : D’une part cela souligne le fait que la Russie avait vu juste à l’époque où il y avait la menace iranienne, car la Russie était alors déjà opposée à ce projet. D’autre part, cela montre à quel point la vision occidentale fonctionne à court terme, et nous ne sommes même pas en état de tenir un discours cohérent d’un moment à l’autre. Ce qui apparaît aujourd’hui, évidemment, c’est une hypocrisie totale d’un argumentaire qui démontre bien que l’objectif était la Russie et que l’Iran n’était qu’un prétexte pour viser la Russie à une époque où on laissait encore entendre que la Russie était considérée comme un allié potentiel, alors qu’en vérité elle était considérée comme une cible, un concurrent et un ennemi.
Les évènements en Ukraine, en Syrie, ont bien montré que les Etats-Unis et leurs alliés ne supportent pas qu’il y ait des pays indépendants dans le monde
RT France : Donc aujourd’hui la Russie serait considérée comme un ennemi de l’OTAN ?
Bruno Drweski : Bien sûr. Je pense que les évènements en Ukraine, en Syrie, ont bien montré que les Etats-Unis et leurs alliés, ou plutôt leurs vassaux, ne supportent tout simplement pas qu’il y ait des pays, en particulier des puissances, indépendants dans le monde. Donc ils visent la Russie, la Chine et beaucoup d’autres pays, qui, dès qu’ils refusent la dépendance politique et économique, sont considérés comme des cibles et des rivaux. Quand ils sont faibles, on les attaque par des moyens beaucoup plus radicaux, comme la Syrie ou d’autres pays, et quand ils sont plus forts, il faut maintenir la pression militaire pour essayer de les faire céder.
RT France : La construction de ce bouclier en Europe, va-t-elle rendre les relations de celle-ci avec la Russie plus compliquée ?
Bruno Drweski : Bien sûr, automatiquement. C’est d’ailleurs d’une certaine façon le but recherché, car il s’agit de faire monter la pression, de pousser les pays ciblés comme la Russie à commettre une faute, pour ensuite les présenter comme les agresseurs. A côté de ça, bien entendu, la fabrication de tous ces missiles coûte cher et rapporte, elle aussi, énormément à l’industrie de l’armement. Donc c’est d’une pierre deux coups.
On n’a qu’à regarder la carte de l’Europe d’il y a une trentaine d’années et aujourd’hui, on voit bien qui est offensif et qui est défensif
RT France : Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, affirme toutefois que la Russie est trop proche de ce système anti-missile et que par conséquent il ne représente pas une menace pour elle, le bouclier lui-même ciblant une zone hors espace euro-atlantique….
Bruno Drweski : Alors, laquelle ? Ce n’est pas l’Iran, ni la Chine. C’est qui ? On attend des informations sur ce danger catastrophique que personne ne voit.
RT France : D’après ce que dit Jens Stoltenberg, ce système est purement défensif. Encore de l’hypocrisie ?
Bruno Drweski : Oui, bien sûr. On n’a qu’à regarder la carte de l’Europe d’il y a une trentaine d’années et aujourd’hui, on voit bien qui est offensif et qui est défensif. Il n’y a pas de mystère. C’est la même chose dans le reste du monde : quels sont les pays engagés dans des guerres, dans quelles régions du monde y a-t-il des conflits ? Je pense qu’à chaque fois on retrouve toujours les mêmes, c’est-à-dire les pays de l’OTAN, en général les Etats-Unis, et une ou deux puissances autour des Etats-Unis.
C’est toujours les mêmes pays qu’on retrouve comme étant à la source des conflits. Je pense qu’au bout d’un certain temps ça devient une règle comprise.
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