Un peu avant Noël, Zelensky a diffusé son plan de «revanche» en 20 points. Pour Karine Bechet, ces propositions atlantistes sont fondamentalement inacceptables pour la Russie, car elles permettent de renforcer l’instrumentalisation du projet d’une Ukraine «anti-Russie».
À la chute de l’URSS, les Atlantistes ont systématiquement voulu « dérussifier » l’Ukraine, mettant en œuvre le projet d’une Ukraine « non-russe », donc coupée de ses racines, de son histoire, devant se renier. Comme l’écrivait Jean-Paul Sartre dans Les séquestrés d’Altona : « Il y a deux façons de détruire un peuple : on le condamne en bloc ou bien on le force à renier les chefs qu’il s’est donnés. La seconde est la pire ».
En conduisant l’Ukraine à renier son passé, à renier son histoire, les Atlantistes ont réalisé les paroles de Sartre. Et ça a marché. La dérussification, qui était en fait une « désukrainisation » a conduit à la destruction des fondements de la société, à sa prise en main de l’extérieur. La guerre mentale a été gagnée par les Atlantistes et ils ont pu passer à la seconde phase : le projet d’une Ukraine « anti-Russie ».
L’agression des Atlantistes contre l’Ukraine, contre les Slaves, a alors pris toute sa dimension militaire. Avec le Maïdan en 2014, puis depuis 2022 avec une confrontation directe de l’armée atlantico-ukrainienne avec la Russie. Toutes les tentatives de la Russie, et elles furent extrêmement nombreuses, d’arriver à un compromis pour pacifier la situation, ont été couronnées d’échec.
Le projet « Ukraine anti-Russie »
Les Atlantistes ont investi dans l’Ukraine pour détruire la Russie, au minimum politiquement, voire géographiquement. Ils ne peuvent remettre en cause cette ligne, sauf à remettre en cause leur existence.
Les personnalités, mises en place pour gérer en leur nom le territoire ukrainien depuis, n’ont eu de cesse de mettre à leur service toutes les ressources du pays : naturelles, économiques, mais surtout humaines. Le plan présenté au nom de Zelensky s’inscrit dans cette logique.
Il prévoit tout d’abord la reconstitution d’un État ukrainien, un État qui a disparu dans sa forme juridique en 2014, puisque les institutions ne maîtrisaient plus alors la légalité, et que les puissances étrangères contrôlaient la vie politique du pays. Dans cette logique, le « Protectorat atlantiste d’Ukraine » doit être reconnu par la Russie. Une souveraineté fantoche, « garantie » par l’Occident doit être acceptée et ne devra pas être remise en cause à l’avenir par la Russie, qui unilatéralement doit le fixer dans la législation.
Le projet « Ukraine anti-Russie » est estampillé, avec des garanties équivalentes à l’art. 5 du traité de l’OTAN et une armée de rien moins que 800 000 hommes, ce qui en fera la plus grande armée d’Europe. Rappelons que selon les dires du ministère ukrainien de la Défense, en 2014, l’armée ukrainienne comptait 150 000 personnes et en 2017, il y en avait déjà 255 000.
Autrement dit, au lieu d’une « démilitarisation » de l’Ukraine, le « plan » prévoit sa remilitarisation.
Renforcer la ligne russophobe
De cette manière, l’Ukraine sera la chair fraîche de l’Europe atlantiste. Et son entrée prévue à terme dans l’UE, obligera alors tous les pays européens. Ce qui permettra de renforcer également la ligne russophobe en Europe et de maintenir une fraction, un « Mur de Bruxelles », entre l’Europe et la Russie. La division du Continent européen faisant le jeu des Américains, qui garderont alors leur emprise sur cette partie du Monde global.
L’Ukraine met également à disposition ses ressources économiques... pour les États-Unis. Elle doit contribuer à la prospérité du Centre de pouvoir. C’est le destin de toute périphérie. Il est question dans le « plan » d’un programme de développement « global », le terme de « national » n’est jamais employé. Et les États-Unis ont besoin d’accroître leurs ressources énergétiques, donc la centrale russe de Zaporojié doit être sous contrôle... en réalité américain, ce qui est pudiquement appelé « gestion tripartite ». Ce qui était déjà l’exigence de Trump.
Le contrôle mental du territoire ukrainien reste la priorité du Centre et des « programmes éducatifs » doivent permettre de conditionner des générations d’Ukrainiens à la vision du Monde conforme à celle de la globalisation américano-centrée.
Cerise sur le gâteau : la question des territoires. Ici aussi, il s’agit plus des ultimatums de Trump, que de propositions autonomes « ukrainiennes ». La ligne de front dans le Donbass devient la ligne de facto, sans aucune reconnaissance de jure de nouvelles frontières. L’armée atlantico-ukrainienne ne se retire pas, à l’inverse de l’armée russe qui doit se retirer de toutes les autres régions. Une « zone économique internationale » dans le Donbass est possible, avec référendum, sur un territoire contrôlé par les Atlantistes...
Autrement dit, la Russie doit renoncer à sa souveraineté sur le Donbass, puisqu’elle ne maîtrisera plus juridiquement le territoire.
De plus, les Atlantistes, par l’intermédiaire des Ukrainiens, doivent retrouver l’accès au Dniepr et la « libre » utilisation dite « commerciale » de la mer Noire (où transitent les armes pour le front atlantiste).
Après cela, une parodie d’élection pourra être organisée, sur un territoire politiquement et militairement contrôlé par les Atlantistes, sans partis d’opposition. Ce qui devra alors formaliser la création d’un Protectorat globaliste « anti-Russie » d’Ukraine aux frontières de la Russie.
« Une mauvaise paix »
Ce plan n’est pas un plan de paix, c’est un plan de revanche. Il doit forcer la Russie à accepter « une mauvaise paix », une paix qui ne fait que reporter le conflit et en augmenter la puissance, face au discours militariste des élites atlantistes européennes, présentant elles, l’alternative d’une confrontation directe à terme.
Il s’agit bien d’un jeu de dupes, car dans tous les cas, il promet la confrontation et la lutte contre l’ennemi – la Russie. Soit la Russie doit se suicider et remettre les clés de la maison aux Atlantistes (c’est la version du plan Trump / Zelensky), soit elle va devoir réellement défendre ses intérêts vitaux et achever sa déglobalisation. Ce qui passe par la remise au placard de l’illusion trumpienne et une remise à leur place des élites, qui en Russie défendent avec une ferveur non cachée ses intérêts, les intérêts de la Globalisation.
Il est temps de comprendre pour la Russie, qu’elle ne peut se battre pour obtenir une « meilleure place » au sein du Monde global. Elle n’y a pas sa place. Elle doit avoir le courage politique de penser un autre cadre idéologique, que celui qui lui a été imposé à la fin des années 80 et a conduit à la chute de l’URSS. Elle doit mettre un terme à la guerre mentale, qui a été conduite contre elle et lui a déjà coûté très cher. Cette guerre ne fonctionne, que parce que la Russie en suit les règles du jeu. Il est temps de quitter la table.
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