Pérou : le Congrès rejette la motion visant à la destitution du président Pedro Castillo

Pérou : le Congrès rejette la motion visant à la destitution du président Pedro Castillo© Sebastian Castaneda
Pedro Castillo s'adresse à des partisans depuis le siège du parti Pérou libre, à Lima, au Pérou, le 8 juin 2021.
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Le président péruvien va pouvoir retrouver un peu de tranquillité après que le Congrès a voté contre une motion de destitution le visant. Le propre parti qui l'a porté au pouvoir s'était retourné contre lui avant de finalement voter contre la motion.

Pedro Castillo va-t-il enfin pouvoir souffler un peu ? Le Congrès péruvien a voté le 7 décembre majoritairement contre une motion visant à lancer une procédure de destitution à son encontre, donnant au leader de gauche une certaine marge de manœuvre, alors qu'il subit une campagne virulente de l'opposition de droite depuis son accession au pouvoir le 19 juillet.

Mais si la droite utilise en effet tous les moyens afin d'évincer Pedro Castillo du pouvoir, elle a bien failli être soutenue dans son projet de destitution par ceux-là même qui ont porté au pouvoir l'instituteur syndicaliste, à savoir le parti marxiste Peru Libre. Mais à la dernière minute, la partie la plus influente de ce parti s'est finalement rangée derrière Castillo.

Dans ce pays andin où le Congrès fragmenté a l'habitude d'entrer en conflit avec le pouvoir exécutif, la motion votée par le Congrès visait ainsi la destitution du président pour «incapacité morale», une notion floue déjà utilisée par le Congrès en 2020 pour renverser le président Martin Vizcarra (2018-2020). Cette fois, la motion a recueilli 46 votes en sa faveur et 76 contre, ainsi que quatre abstentions. Insuffisant pour ouvrir le débat au Parlement pour engager la procédure en vue de dégager le président fraîchement élu.

Sur son compte Twitter, celui-ci a exprimé sa gratitude. «Au nom de mon gouvernement, je suis reconnaissant que le vote du Congrès ait fait passer le Pérou avant d'autres intérêts. Frères, mettons fin aux crises politiques et travaillons ensemble pour avoir un Pérou juste et solidaire. Le peuple nous a confié ses aspirations. Ne le laissons pas tomber», a écrit Pedro Castillo à l'issue du vote.

Après des allégations de corruption, de mauvaise gestion, d'interférences présumées dans les promotions dans l'armée et de liens présumés entre des membres de l'exécutif et le groupe terroriste du Sentier lumineux, le vote en vue d'une destitution de Pedro Castillo menaçait de faire basculer une nouvelle fois le Pérou dans l'incertitude politique.

Peru Libre a bien failli lâcher le président

Peru Libre, le propre parti qui a porté au pouvoir l'ancien instituteur, avait envisagé à un moment de soutenir la motion, mais il s'est rallié in-extremis, le 6 décembre, au président – bien qu'il soit en désaccord avec lui sur la politique à mener – et a qualifié la tentative de «coup d'Etat de la droite». «La motion de destitution a échoué, le fascisme a échoué, le coup d'Etat parlementaire contre la démocratie a échoué», a déclaré sur Twitter le leader du Peru Libre, Vladimir Cerron, qui n'a pas toujours été tendre avec Pedro Castillo.

Après plusieurs mois de tensions, le secrétaire général de Peru Libre, a en effet annoncé dans un communiqué que son groupe «rejet[ait] catégoriquement la motion de vacance présidentielle», quelques heures à peine avant le vote au Congrès. Dans le communiqué, il est néanmoins précisé que ce secteur de Peru Libre accepte «d'avoir de sérieux désaccords avec le gouvernement», mais affirme que «cela ne justifie pas de participer à un coup d'Etat contre la démocratie».

Pour Pedro Castillo, au-delà de la gêne qu'aurait représenté d'être lâché par ceux-là même qui l'ont porté au pouvoir, il y a aussi le fait que Peru Libre constitue la force qui compte le plus grand nombre de sièges au Congrès, avec 37 députés sur 130. C'est donc sans nul doute un grand soulagement pour le président. Mi-novembre, la direction de Peru Libre n'avait pas hésité à refuser son vote de confiance au cabinet présidentiel, estimant que le gouvernement avait effectué un «virage politique indéniable vers le centre-droit». Un mois plus tôt, le 7 octobre, Pedro Castillo avait annoncé la démission de son Premier ministre Guido Bellido dont la nomination fin juillet  avait était interprétée comme une concession à Peru Libre, parti dont l'ancien instituteur portait les couleurs, sans en être lui-même adhérent. Mais la présence de Guido Bellido à la tête du cabinet devenait de plus en plus embarrassante. Tenant de l’aile gauche de Peru Libre, l'homme ne se gênait pas pour corriger les ministres et contredire le président publiquement, générant une tension permanente au sein de l’exécutif tout en devenant la bête noire du Congrès. L'annonce de la mise à l'écart de Bellido n'a pas plu à Vladimir Cerron et à la partie de Peru Libre qu'il dirige. «Le groupe parlementaire ne soutient pas ce cabinet, car nous considérons que c’est une trahison », avait réagi le député Waldemar Cerron, frère de Vladimir, devant le palais du gouvernement au lendemain de la démission annoncée de Guido Bellido.

«Nous ne sommes pas communistes»

Déjà en septembre, Pedro Castillo avait nié à Washington devant l'Organisation des Etats américains (OEA) et des hommes d'affaires américains que son gouvernement soit «communiste», appelant à investir «sans crainte» dans son pays.

«Quand nous voulons changer les choses pour le bien du peuple, de ceux d'en bas, très souvent nous sommes stigmatisés», avait-t-il regretté devant le conseil permanent de l'OEA. «Nous ne sommes pas communistes, nous ne sommes pas là pour exproprier quinconque, nous ne sommes pas là pour faire fuir les investissements, au contraire nous lançons un appel aux grands investisseurs, aux entrepreneurs pour qu'ils viennent au Pérou», a-t-il insisté, devant les représentants des 34 pays membres de l'organisation. En contrepartie, il a demandé aux hommes d'affaires d'agir avec «transparence» avec des «règles claires» et en respectant les travailleurs. «L'exploitation de l'homme par l'homme, c'est terminé», a-t-il tenu à rappeler.

Le Pérou, pays riche en cuivre a connu cinq présidents depuis 2016. En 2018, Pedro Pablo Kuczynski a démissionné de la présidence quelques minutes avant un vote de destitution, tandis que le centriste Martin Vizcarra a été évincé à la suite de deux procès en destitution en 2020. L'élection présidentielle très serrée du 6 juin qui a porté Pedro Castillo à la tête de l'Etat était attendue pour mettre fin à une instabilité politique chronique dans le pays. Corruption des élites, pouvoirs du Parlement : le fauteuil de président du Pérou s'apparente à un siège éjectable depuis de nombreuses années. Sur les dix présidents qu'a connus le pays depuis la fin du régime militaire en 1980, sept ont été condamnés ou sont sous le coup d'une enquête pour des scandales de corruption. Soupçonné de pots-de-vin et blanchiment d'argent, Alan Garcia, président à deux reprises (1985-1990 et 2006-2011) s'est suicidé le 17 avril 2019 juste avant son arrestation.

Pedro Castillo, ancien instituteur d'origine paysanne, est arrivé au pouvoir en juillet en promettant un changement social majeur. Dans ce pays très divisé politiquement, il cherche désespérément des soutiens consistants pour faire passer d’importantes mesures, telle que la modification de la Constitution par l’intermédiaire d’une Assemblée constituante et la réforme agraire, «sans expropriations», a-t-il précisé.

Meriem Laribi

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