Le Chili s'émancipe des partis traditionnels pour réécrire sa Constitution
Les Chiliens se sont massivement tournés vers les candidats indépendants pour composer l'Assemblée constituante chargée de réécrire la Constitution du pays. Ils seront appelés à approuver ou rejeter ce nouveau texte par référendum d'ici un an.
Les 14,9 millions d'électeurs chiliens étaient appelés à se prononcer les 15 et 16 mai pour élire les 155 citoyens qui composeront l'Assemblée constituante chargée de réécrire la Constitution du pays.
Avec une participation à 42,5% (un taux plus faible qu'en octobre 2020 lors du référendum sur la mise en place d'une nouvelle Constitution, où 50,9% des électeurs s'étaient exprimés), les citoyens chiliens se sont exprimés en faveur des listes indépendantes et des candidats non affiliés, rejetant ainsi les partis traditionnels au pouvoir.
Les candidats divers et indépendants obtiennent 65 sièges
Le résultat de ces élections est particulièrement sévère pour la droite au pouvoir : avec 20,80% des suffrages, la coalition au pouvoir obtient seulement 37 sièges. Les deux listes qui rassemblent des candidats des partis de gauche recueillent quant à elles 33,22% des suffrages.
Les électeurs se sont ainsi massivement tournés vers les citoyens indépendants et candidats non affiliés politiquement, puisque sur les 155 sièges à pourvoir, les trois listes indépendantes, essentiellement composées de candidats issus du mouvement social de 2019, obtiennent 65 sièges. A noter par ailleurs la présence historique des peuples autochtones à l’Assemblée, où 17 sièges leur sont réservés.
Les citoyens ont envoyé «un message clair et fort au gouvernement et aussi à toutes les forces politiques traditionnelles : nous ne sommes pas suffisamment en phase avec les demandes et les désirs des citoyens et nous sommes mis au défi par de nouvelles expressions et un nouveau leadership», a réagi le président chilien conservateur Sebastian Pinera.
Citée par l'AFP, Mireya Davila, de l'Institut des affaires publiques de l'Université du Chili, estime que les résultats montrent clairement «que la force électorale des indépendants est beaucoup plus importante qu'on ne le pensait et cela confirme que les citoyens en ont assez des partis traditionnels». «Le système politique est en train d'être reconfiguré, il y a un air de changement au Chili, mais c'est aussi complexe car il faudra négocier avec chacun des indépendants et composer avec chacune de leurs positions au sein de l'Assemblée constituante», analyse encore Mireya Davila.
Un «ballon d'essai» pour les élections présidentielles de novembre 2021
La Constitution actuelle (héritée de la dictature militaire d’Augusto Pinochet et rédigée en 1980) était au cœur de nombreuses revendications lors du grand soulèvement social amorcé en octobre 2019 lors duquel les Chiliens étaient massivement descendus dans la rue pour réclamer une société plus égalitaire. Un an plus tard, le gouvernement avait organisé un référendum et les électeurs chiliens s'étaient largement prononcés en faveur d'une réécriture de ce texte. Le «oui» l’avait emporté avec 78% des votes.
L'Assemblée constituante doit rédiger la nouvelle loi fondamentale du pays dans un délai de neuf mois, prolongeable une seule fois de trois mois supplémentaires. Les citoyens chiliens seront appelés à approuver ou rejeter ce nouveau texte par un référendum à vote obligatoire.
Les résultats de ce scrutin étaient particulièrement attendus par les observateurs politiques, puisqu'il fait figure de «ballon d'essai» dans la perspective des élections présidentielles de 2021. Le 21 novembre, les Chiliens seront appelés à élire pour quatre ans le président de la République du Chili et des élections parlementaires et régionales seront organisées simultanément.