Twitter ferme définitivement le compte d'un militant conservateur suivi par plus de 900 000 abonnés
Affirmant que le fondateur de Project Veritas avait violé les règles de sa plate-forme, Twitter a annoncé la suspension définitive du compte de James O'Keefe. Celui-ci a fait savoir qu'il ne laisserait pas l'affaire sans suite.
Twitter a confirmé le 15 avril avoir définitivement suspendu le compte du journaliste américain conservateur James O'Keefe, qui cumulait plus de 900 000 abonnés sur le réseau social. Ainsi qu'elle l'a fait savoir au site d'information The Hill, la firme californienne lui reproche d'avoir «amplifié et perturbé artificiellement» des conversations par l'utilisation de plusieurs comptes sur le réseau social.
James O'Keefe a pour sa part déclaré qu'il ne laisserait pas l'affaire sans suite puisqu'il envisage de poursuivre Twitter pour diffamation. «Ils ont dit que j'ai géré de faux comptes […], c'est faux et ils vont le payer», a-t-il déclaré dans une courte intervention publiée sur YouTube, au cours de laquelle il annonce son intention de porter plainte dans les prochains jours.
Fait notable, ce nouveau bannissement sur Twitter intervient dans la foulée de révélations publiées le 13 avril par le site de Project Veritas. Fondée par James O'Keefe, cette organisation militante conservatrice publie régulièrement du contenu multimédia obtenu dans le cadre de caméras cachées ou encore d'enregistrements téléphoniques, parfois sujets à controverse. Elle venait de publier une conversation lors de laquelle un directeur technique de CNN reconnaît que, lors de l'élection présidentielle américaine, son média avait pour objectif de faire perdre Donald Trump, quitte à verser dans la «propagande».
Pour rappel, le compte Twitter de Project Veritas avait déjà été définitivement suspendu au mois de février.
Twitter et la politique
Outre le précédent historique qu'a constitué la suppression définitive du compte Twitter de Donald Trump au début de l'année, après laquelle de nombreux comptes influents au sein de la droite conservatrice américaine avaient également fait état d'une disparation soudaine et massive de leurs abonnés, le réseau social a ces derniers mois redoublé de rigueur concernant le contrôle des contenus qu'il accueille, avec des critères parfois politisés.
En effet, simultanément aux «violations» de ses règles que le réseau social met régulièrement en avant pour justifier des mesures punitives à l'encontre de certains utilisateurs, il arrive à Twitter de reconnaître l'existence d'un agenda politique dans certaines prises de décision.
Ainsi que le rapportait l'agence Reuters en février 2021, la firme californienne a par exemple confirmé avoir supprimé des comptes en leur reprochant notamment d'avoir «amplifié des récits qui sapaient la foi en l'OTAN et visaient les Etats-Unis et l'Union européenne».
I'm sorry but, what? https://t.co/CmcUCrXP9hpic.twitter.com/HYHOXXzUCS
— Vincent Bevins (@Vinncent) February 24, 2021
La question de la régulation des contenus sur les grandes plateformes fait l'objet de débats et polémiques, en France et dans le monde. Des suspensions ou fermetures de comptes, pages ou chaînes sur les réseaux sociaux, au nom de la lutte contre les contenus haineux ou les fake news, sont régulièrement accusées de répondre à des considérations politiques. En particulier, le retentissant bannissement de Donald Trump de plusieurs grandes plateformes avait suscité des craintes jusqu'au-delà du camp des partisans du président américain. Dans ce contexte, des gouvernements comme ceux de Pologne et de Hongrie entendent empêcher légalement les réseaux sociaux de censurer à leur guise.
Une politique de régulation jugée partisane par certains dont témoigne par exemple la décision de Twitter de bloquer, en octobre 2020, un article du New York Post potentiellement compromettant pour Joe Biden, alors candidat à la Maison blanche. Twitter avait alors émis des inquiétudes quant à la provenance des informations révélées par le quotidien américain qui, de son côté, expliquait s'être basé sur des courriels du fils du candidat démocrate.
En comparaison, le réseau social n'a jamais pris de telles mesures de précaution concernant les nombreux articles de presse qui, publiés sur sa plate-forme, ont appuyé des années durant la thèse d'une collusion entre l'équipe de campagne de Donald Trump et la Russie, en amont de la présidentielle américaine de 2016 – thèse qui a depuis été invalidée compte tenu d'une absence de preuves pour l'étayer.
Sur la scène internationale, le réseau social américain a par ailleurs décidé en 2020 d'attribuer des labels d'affiliation à des comptes présumément liés à certains Etats. Fait notable, l'étiquetage en question apparaît particulièrement sélectif dans le choix des pays visés : Twitter a par exemple décidé d'informer ses utilisateurs sur un lien entre le média RT France et la Russie mais la démarche n'a nullement été entreprise pour les comptes de France 24 ou encore de la BBC, respectivement liés à la France et au Royaume-Uni. Par ailleurs, le procédé ne cache pas son objectif, celui de réduire la portée des publications émanant des comptes labellisés.