Arrestations lors de rassemblements non autorisés en Russie : une «dérive autoritaire» pour Le Drian
Le chef de la diplomatie française s'est inquiété d'une «remise en cause de l'Etat de droit» en Russie, après des arrestations lors de rassemblements non autorisés en soutien à Navalny. La diplomatie américaine avait également haussé le ton.
Au lendemain de rassemblements non autorisés en soutien à Alexeï Navalny, qui ont réuni des milliers de manifestants à travers la Russie et lors desquels les autorités ont procédé à de nombreuses arrestations, le chef de la diplomatie française a dénoncé une «dérive autoritaire très inquiétante». «La remise en cause de l'Etat de droit par ces arrestations-là, collectives et préventives, est insupportable», a déclaré Jean-Yves Le Drian le 24 janvier, dans l'émission Questions politiques de la radio France Inter, du groupe France Télévisions et du quotidien Le Monde. Le ministre français des Affaires étrangères a également dit qu'il fallait «rendre opératoires» des sanctions anti-russes décidées en octobre par les pays membres de l'Union européenne.
En même temps, Jean-Yves Le Drian a relevé que la Russie était un «voisin» avec qui il fallait continuer à discuter «des questions de sécurité et de confiance».
La veille, le porte-parole du département d'Etat américain, Ned Price, avait condamné fermement «l'emploi de méthodes brutale contre les manifestants et les journalistes» lors des manifestations en Russie.
Près de 3 500 manifestants ont été arrêtés sur l'ensemble du territoire russe le 23 janvier, selon l'ONG OVD-Info. A Moscou uniquement, plus d'un millier de personnes ont été arrêtées, selon un bilan annoncé par le Commissaire aux droits de l'Homme de la capitale, Potyaeva Tatiana, le 24 janvier.
Des milliers de manifestants avaient battu le pavé dans de nombreuses villes du pays, lors de rassemblements n'ayant pas obtenu l'autorisation des autorités, et lors desquels des manifestants et des membres des forces de l'ordre ont été blessés. En outre, selon Vladimir Solovyov, président de l'Union russe des journalistes, une quarantaine de journalistes avaient été arrêtés le 23 janvier, mais tous ont été libérés immédiatement après la vérification de leurs documents.
Les protestataires exigeaient la libération de l'opposant Alexeï Navalny, incarcéré pour non respect des conditions d'une peine de prison avec sursis, à son retour en Russie le 17 janvier. Selon les services pénitentiaires russes, il ne s'est pas présenté à l'enregistrement auprès de l’inspection à au moins six reprises au cours de l'année 2020, entre janvier et mi-août.
A la fin du mois d'août, Alexeï Navalny avait été transféré dans le coma en Allemagne, après avoir été victime d'un malaise. Il accuse le pouvoir russe d'avoir tenté de l'empoisonner (une version également défendue par plusieurs gouvernements, dont ceux de la France, des Etats-Unis, et de l'Allemagne), ce que réfute Moscou. Il était sorti de l'hôpital sans séquelles.
Moscou dénonce une ingérence américaine en amont des manifestations
Le 19 janvier, quelques jours avant ces manifestations, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait prévenu que l'incarcération d'Alexeï Navalny constituait «une affaire totalement intérieure» et que la Russie ne permettrait à personne de pratiquer l'ingérence dans ses affaires.
Or, ce 24 janvier, le même Dmitri Peskov a dénoncé lors d'une interview à la chaîne publique russe Rossia 1 des publications sur le site de l'ambassade des Etats-Unis, qui «constituent indirectement une ingérence absolue» dans les affaires intérieures russes. En cause : le 22 janvier, le site de l'ambassade des Etats-Unis avaient listé les lieux et horaires où étaient prévus des rassemblements non-autorisés en Russie, tout en appelant les Américains à ne pas s'y rendre.
Le ministère russe des Affaires étrangères avait déjà dénoncé le comportement de l'ambassade des Etats-Unis, dans un communiqué. «On peut imaginer ce qu’il pourrait arriver si l’ambassade de Russie à Washington publiait une carte des itinéraires des manifestations, avec le Capitole par exemple pour point final», avait commenté la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova le 23 janvier, annonçant également : «Les collègues américains devront livrer des explications au ministère russe des Affaires étrangères.»
Beaucoup de personnes ont voté pour Poutine. Et beaucoup de personnes ont voté pour des amendements à la Constitution
Dmitri Peskov a souligné enfin que les manifestants étaient peu nombreux au regard des soutiens à l’exécutif au sein de la population russe : «Peu de gens sont descendus dans la rue. Beaucoup de personnes ont voté pour Poutine. Et beaucoup de personnes ont voté pour des amendements à la Constitution. Si vous comparez les chiffres, vous comprendrez qu’il y a eu très peu de personnes, bien qu’elles soient également des citoyens russes», a-t-il fait valoir – le président russe ayant été réélu dès le premier tour avec plus de 76% des voix en 2018. Le porte-parole du Kremlin a ajouté qu'il respectait tous les points de vue, mais s'opposait résolument aux manifestations illégales.