Biélorussie : Opposants et partisans de Loukachenko manifestent à Minsk
Par dizaines de milliers, des opposants au président biélorusse Loukachenko ont manifesté à Minsk ce 16 août. Auparavant, le chef d'Etat s'était exprimé lors d'un rassemblement de ses partisans, les appelant à défendre l'indépendance du pays.
Une semaine après l'élection présidentielle biélorusse, qui a vu le président sortant Alexandre Loukachenko l'emporter largement avec 80% des suffrages, partisans et opposants au dirigeant ont battu le pavé ce 16 août dans la capitale de la Biélorussie, Minsk. Les opposants, qui se rassemblement depuis plusieurs jours, contestent les résultats du scrutin, tandis que le chef d'Etat n'a de cesse de dénoncer la main d'acteurs étrangers dans le mouvement de contestation.
«On ne se mettra pas à genoux», scande Loukachenko
Lors d'un rassemblement «de solidarité» avec le vainqueur de la présidentielle biélorusse, plusieurs milliers de manifestants (jusqu'à 50 000 selon le service de presse d'Alexandre Loukachenko) se sont regroupés sur la place de l'Indépendance à Minsk. Alexandre Loukachenko y a fait une apparition pour s'adresser à ses soutiens.
«Chers amis, je vous ai appelés ici non pas pour que vous me défendiez mais parce que, pour la première fois en un quart de siècle, vous pouvez défendre votre pays et son indépendance», a-t-il lancé depuis une tribune.
On entend les chenilles des chars de l'OTAN près de nos portes
Et de continuer : «Avec vous, malgré toutes les difficultés et les ennuis, nous avons construit un beau pays. A qui avez-vous décidé de le donner ? Si quelqu'un voulait donner le pays, je ne vous laisserais pas faire cela même quand je serais mort.»
Affirmant entendre «les chenilles des chars de l'OTAN» aux frontières du pays, Alexandre Loukachenko a affirmé : «La Lettonie, la Lituanie et la Pologne ainsi que, malheureusement, notre pays frère l'Ukraine et ses dirigeants, nous ordonnent d'organiser de nouvelles élections. Si seulement nous cédons à leur volonté [...] nous serons morts comme Etat, comme peuple, comme nation.»
«[Les partisans de l'opposition] sont contrôlés par des gens de l'extérieur, des marionnettistes», a encore poursuivi le chef d'Etat, scandant par ailleurs : «On ne se mettra pas à genoux.»
Des dizaines de milliers d'opposants lors d'une «Marche pour la liberté»
Peu de temps après, dans la même journée, des dizaines de milliers de manifestants (près de 100 000 personnes selon des estimations de l'AFP) ont défilé lors d'une «Marche pour la liberté» à Minsk, pour exiger le départ du président, lors d'un des plus grands rassemblements d'opposition de l'histoire de la Biélorussie.
«Justice !», «Va-t'en !», ont scandé les protestataires à l'attention d'Alexandre Loukachenko. Après avoir marché le long de l'avenue de l'Indépendance, les manifestants se sont ensuite réunis autour de l'obélisque dédié aux victimes de la Seconde Guerre mondiale, portant à bout de bras un gigantesque drapeau blanc et rouge, les couleurs de l'opposition.
Le ministère biélorusse de l'Intérieur a fait savoir qu'il n'y avait pas eu d'arrestations lors de ce rassemblement à Minsk.
Répondant à l'appel de Svetlana Tikhanovskaïa, la principale rivale d'Alexandre Loukachenko à la présidentielle, des opposants ont également manifesté dans les d'autres villes du pays et dans de plus petites communes.
Les manifestants réclament la démission d'Alexandre Loukachenko et appellent également à la justice pour les victimes de la répression.
Le 15 août, plusieurs milliers d'opposants au président biélorusse s'étaient déjà réunis à proximité de la station de métro Pouchkine de Minsk, près de laquelle un protestataire a trouvé la mort, le 10 août. Selon la police, ce dernier aurait été tué par l'explosion d'un projectile qu'il s'apprêtait à lancer. Mais des médias d'opposition soutiennent qu'il aurait pu être atteint par un tir des forces de l'ordre.
La veille, l'ancienne candidate de l'opposition à la présidentielle en Biélorussie Svetlana Tikhanovskaïa avait appelé à la poursuite de manifestations «pacifiques de masse» tout au long du week-end du 15-16 août, depuis la Lituanie qu'elle a rejoint en début de semaine après avoir subi, selon son entourage, des pressions.
L'annonce de la réélection d'Alexandre Loukachenko a déclenché, dès le dimanche 9 août, des manifestations dans toutes les grandes villes du pays ; la police a réagi en procédant à des milliers d'arrestations. La répression des quatre premières soirées de manifestations, selon l'AFP, a fait «au moins deux morts et 150 blessés hospitalisés vendredi [14 août]».
Selon le ministère de l'Intérieur de la République biélorusse, plus de 2 000 personnes interpellées lors de manifestations avaient été libérées au 14 août. Des personnes libérées ont témoigné à l'AFP de conditions de détention atroces – privation d'eau, de nourriture et de sommeil, passages à tabac ou encore incarcération par dizaines dans des cellules prévues pour quatre ou six personnes.
La Commission électorale centrale de la Biélorussie a rejeté toutes les plaintes au sujet d'une non-validité des résultats de l'élection présidentielle.