1000 membres de MSF anciens et actuels accusent l'organisation d'être «institutionnellement raciste»
Les dénonciations du racisme au sein des institutions, entreprises et organisations diverses se multiplient en Occident. Le 10 juin, un collectif a accusé Médecins sans frontières de promouvoir le colonialisme et la suprématie blanche.
1 000 anciens et actuels membres de Médecins sans frontières accuse l'ONG d'être «institutionnellement raciste et [de] renforce[r] dans son travail humanitaire le colonialisme et la suprématie blanche», selon l'argumentation d'une lettre interne, dont le contenu a été relayé le 10 juillet par The Guardian.
Le communiqué accuse MSF de ne pas avoir reconnu l'étendue du racisme perpétué par ses politiques, ses pratiques d'embauche, sa culture d'entreprise et ses programmes de «déshumanisation», dirigés par une «minorité blanche privilégiée».
Dénonçant un racisme systémique au sein de MSF, la lettre appelle à une enquête indépendante sur ce fléau dans l'organisation et à une réforme urgente pour démanteler «des décennies de pouvoir et de paternalisme». Dans les témoignages des signataires, l'un se plaignait par exemple d'une mentalité de «sauveur blanc presque suffocante».
Les signataires incluent le président du conseil d'administration de MSF au Royaume-Uni, Javid Abdelmoneim, la présidente du conseil d'administration en Afrique australe, Agnes Musonda et le directeur général de MSF Allemagne Florian Westphal.
Le président international de MSF, Christos Christou, a même salué cette démarche, perçue comme un «catalyseur» pour agir plus rapidement sur une série de changements qui serait déjà prévue dans l'organisation.
Le mouvement Black Lives Matter a fait naître le débat au sein de MSF
D'après le quotidien anglais, cette lettre fait suite à une polémique interne qui a divisé les membres de MSF à propos du mouvement de protestations international Black Lives Matter (BLM – «les vies noires comptent»). Certains membres du personnel étaient en effet en colère contre une déclaration de MSF Italie, suggérant de ne pas utiliser le terme «racisme» et que «tout le monde, à commencer par MSF», devrait parler de «toutes les vies comptent».
Une position que ne défend d'ailleurs pas Claudia Lodesani, présidente de MSF Italie. D'après le média britannique, celle-ci aurait présenté ses excuses pour le préjudice éventuellement causé par la déclaration du conseil d'administration italien déconseillant l'utilisation du terme «racisme» le 28 juin : «Nous avons depuis écrit une nouvelle lettre pour clarifier notre intention et présenter nos excuses pour les torts causés à nos collègues du monde entier, réaffirmant que nous soutenons pleinement le mouvement BLM et que, comme l'ensemble de MSF, nous condamnons le racisme et toute discrimination.»
Comme le rappelle The Guardian, Médecins sans frontières a reçu le prix Nobel de la paix en 1999. La structure employait, en 2019, 65 000 personnes, dont environ 90% ont été embauchées localement. La lettre critiquerait toutefois le fait que la plupart des opérations de MSF soient dirigées par des cadres supérieurs «européens», situés sur cinq centres opérationnels en Europe occidentale ; un seul, au Sénégal – qui a ouvert l'année dernière – est localisé dans les pays du sud.