Des humanitaires de MSF accusés d'avoir recours à des prostituées en Afrique
Après un scandale en février visant MSF, des employées de l'ONG ont dénoncé des membres du personnel humanitaire en Afrique, qui auraient fait appel à des prostituées ou auraient donné des médicaments en l'échange de faveurs sexuelles.
Huit lanceuses d’alerte qui ont travaillé pour Médecins sans frontières (MSF) ont témoigné anonymement pour la BBC d'abus dont elles disent avoir été témoins. Elles dénoncent des employés d’âge mûr de MSF qui profitaient de leur statut pour abuser de jeunes Africaines. Les hommes visés ne seraient pas des médecins ou infirmiers mais feraient partie du personnel de logistique.
En particulier, une de ces femmes a raconté qu’un de ses collègues au Liberia se targuait d’échanger des médicaments contre des faveurs sexuelles. Rien de plus simple, selon lui, alors que les jeunes filles dont les familles avaient été décimées par le virus ebola auraient fait n’importe quoi en échange de traitements. Il aurait péroré : «Oh, c’est si facile de troquer des médicaments avec ces filles faciles au Liberia.» L'homme s’en serait vanté devant plusieurs collègues.
Une autre femme en mission au Kenya dit avoir vu un de ses collègues ramener plusieurs filles dans les locaux du personnel, tandis qu’un autre collègue confirmait la régularité de cette pratique. Souvent des employés de MSF étaient vus faire la fête avec de très jeunes filles, avec une intention clairement sexuelle. Elle décrit des abus de pouvoir, émanant d’hommes agissant tels des prédateurs, qui se considèrent «trop puissants pour être inquiétés».
Oh, c’est si facile de troquer des médicaments avec ces filles faciles au Liberia
Une autre employée envoyée en Afrique Centrale a dénoncé un homme d’âge mûr ayant logé une jeune fille dans leurs résidences, qu’il faisait passer pour sa petite amie alors qu’il s’agissait d’une prostituée. L'employée de MSF aurait aussi vu un salarié plus jeune se rendre aux toilettes avec une jeune hôtesse de bar, qui lui aurait ensuite révélé avoir été payée en échange d’un rapport sexuel. Un des collègues de la jeune employée l’aurait ensuite harcelée, amenant des prostituées sous ses yeux, et laissant des préservatifs usagés dans sa chambre pendant une de ses absences.
Lorsqu’elle a dénoncé les faits à son supérieur, celui-ci lui aurait proposé une médiation, mais l'aurait aussi menacée de licenciement si elle ne parvenait pas à régler le différend.
MSF déjà aux prises avec des cas de harcèlement sexuel en interne
MSF, qui emploie plus de 40 000 personnes dans le monde, avait publié le 14 février 2018 un communiqué dans lequel il évoquait «les abus et le harcèlement dans l’environnement de travail». L'organisation a reconnu avoir reçu, en 2017, 146 plaintes ou alertes pour abus de pouvoir, discrimination et autres comportements inappropriés, dont 40 «cas d'abus ou de harcèlement au terme d'une investigation interne». Ils avaient à l’époque, d'ores et déjà, répondu à des allégations au sujet d’employés, accusés d’avoir recours aux services de prostitués lorsqu’ils étaient expatriés.
MSF avait admis avoir licencié 19 employés pour harcèlement sexuel l’année précédente. Dans leur communiqué de février, l'ONG affirmait : «L’objectif de MSF est de garantir que ces cas soient traités dans la plus grande confidentialité, ce qui est crucial pour les victimes et/ou les témoins qui acceptent que MSF entreprenne des actions pour enquêter sur ces accusations. En fonction des cas, des enquêtes sont lancées pour établir les faits, prendre les mesures adéquates, appliquer des sanctions et identifier des mesures préventives. Les conséquences pour les employés MSF impliqués peuvent aller de l’avertissement officiel et formation obligatoire, au renvoi temporaire ou définitif.»
L’organisation insiste sur la protection des lanceurs d’alerte, mais le cas de la femme témoin menacée de licenciement tendrait à montrer que ce n’est pas le cas dans chaque unité.
Selon la BBC, MSF enquêtait depuis 2016 sur la question du harcèlement sexuel dans ses rangs. Un rapport interne révélerait qu’un tiers des employés avait été touchée de manière inappropriée dans le cadre de son travail.
Scandales sexuels éclaboussant les ONG
Plus globalement, les ONG d’aide humanitaire sont dans la tourmente après des révélations récentes de scandales sexuels impliquant les plus prestigieuses d’entre elles, comme l’organisation britannique Oxfam. En février 2017, des responsables d’Oxfam officiant à Haïti en 2011 et au Tchad en 2006 avaient été incriminés pour la tenue d’orgies et la location d’hôtels ou de chambres, aux frais de l’organisme de charité, pour s'y livrer à des pratiques sexuelles avec des prostituées. Penny Lawrence, la directrice générale adjointe, avait démissionné à la suite de ces révélations.