La Russie sous le choc après la menace de suspension de quatre ans des compétitions
Au lendemain de la recommandation de suspendre la Russie des compétitions sportives émise par un comité indépendant de l'Agence mondiale antidopage, les uns craignent le pire tandis que les autres appellent à ne pas céder à la panique.
«Injuste», «triste», «choc»... Le monde sportif russe était amer et abasourdi après la recommandation émise la veille par un comité de l'Agence mondiale antidopage (AMA) qui ouvre la voie à une suspension pour les prochains Jeux olympiques du pays, soupçonné de falsification de données.
Si le comité exécutif de l'AMA, qui se réunira le 9 décembre à Paris, confirme les mesures recommandées par son comité de révision de la conformité (CRC), la Russie sera purement et simplement mise au ban du sport international pendant quatre ans, avec exclusion des compétitions dont les Jeux olympiques.
Sans attendre cette réunion, le Comité international olympique (CIO) a déclaré qu'il «soutiendra les sanctions les plus sévères» prises à l'encontre de tous les responsables de cette manipulation, dénonçant «une atteinte à la crédibilité du sport lui-même et une insulte au mouvement sportif mondial».
Sentiment d'injustice chez les sportifs russes
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réagi le 27 novembre en conférence de presse : «Les autorités sportives russes ont été, sont et seront prêtes à coopérer pleinement avec la communauté sportive internationale et avec l'AMA.» Dmitri Peskov a qualifié de «très tristes» les sanctions préconisées, dont une possible exclusion des prochains Jeux olympiques.
Le ministre russe des Sports, Pavel Kolobkov, a lui répété que la Russie avait «rempli honnêtement ses obligations». Pour lui, il est encore «prématuré de dire que toutes les recommandations du CRC seront appliquées».
Les fédérations et responsables sportifs russes étaient eux partagés entre émotion et prudence, certains appelant à attendre la date fatidique, d'autres laissant éclater leur colère.
«La nouvelle est tout simplement choquante», a réagi la directrice de la fédération de patinage, Varvara Barycheva. La fédération de boxe a dénoncé une recommandation «très injuste» et un «diktat», tandis que l'ancien hockeyeur et ex-ministre russe des Sports Viatcheslav Fetissov s'est déclaré «inquiet pour les jeunes sportifs du pays». Le lutteur Mikhaïl Mamiachvili et la célèbre entraîneuse de patinage artistique Tatiana Tarassova ont tous les deux regretté que des «sportifs absolument innocents» puissent être écartés des compétitions internationales.
Du côté de l'Agence antidopage russe (Rusada), c'est un autre son de cloche. Son patron Iouri Ganous s'attend à ce que l'AMA suive les recommandations et suspende la Russie: «C'est la réalité. Pour quatre ans de plus, nous plongeons dans une nouvelle crise antidopage», a-t-il déclaré à l'AFP. Il a accusé les responsables sportifs russes d'avoir fait des athlètes nationaux leurs «otages» et exhorté le président Vladimir Poutine à prendre une part active dans la mise en place d'une nouvelle gouvernance sportive.
Quant à la diplomatie russe, le ministre des Affaires étrangère Sergueï Lavrov se veut plus optimiste. Lors d'une conférence de presse, le 26 novembre, il a appelé à ne pas tirer des conclusions hâtives. Le ministre a affirmé voir une dimension politique dans la recommandation du CRC, et une volonté de placer Moscou «dans une position défensive, accusée de tout et partout».
«On prend n’importe quel domaine : conflits, économie, énergie, gazoducs, commerce des produits militaires – partout la Russie serait coupable ou elle ferait quelque chose qui ne profite pas à un ou plusieurs pays occidentaux», a déclaré, non sans une certaine irritation, le ministre russe.
Une menace de taille
Pour le comité de révision de la conformité, la punition envisagée est à la hauteur «d'un cas extrêmement grave», en raison notamment de la disparition de «centaines» de résultats de contrôles antidopage suspects parmi les fichiers que Moscou avait remis à l'AMA au début de l'année. Or, la remise de ces données était une condition fixée par l'AMA pour lever de précédentes sanctions contre la Rusada, au cœur d'un système de dopage institutionnel entre 2011 et 2015 déjà à l'origine d'un vaste scandale.
Du coup, la manière forte est préconisée: pendant quatre ans, aucun officiel russe, ni le drapeau du pays, ni son hymne n'auraient droit de cité lors des Jeux olympiques et paralympiques.
Des sportifs ayant démontré «qu'ils ne sont impliqués en aucune manière» dans les affaires de dopage seraient admis sur les compétitions, sous drapeau neutre, comme ce fut le cas aux JO d'hiver 2018 de Pyeongchang ou lors des compétitions internationales d'athlétisme depuis 2015. La Russie ne serait également plus autorisée à poser sa candidature à l'attribution d'événements sportifs internationaux, JO compris.
Reste maintenant à savoir si le comité exécutif de l'AMA, composé à parts égales de représentants du mouvement olympique et des gouvernements, ira si loin. Dans tout les cas, il appartiendra au Tribunal arbitral du sport (TAS) de se prononcer en dernier recours.
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