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Annulation de la vente de Mistral par Paris: la Russie va fabriquer ses propres porte-hélicoptères

Suite au refus français de respecter le contrat signé en 2011, la Russie avance sur la construction deux porte-hélicoptères amphibies de sa fabrication. Ironie du sort : ils pourraient être fabriqués dans la ville de Kertch, en Crimée.

En mai 2015, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, annonçait finalement que la France refusait de livrer à la Russie deux porte-hélicoptères de type Mistral, dont la vente avait été conclue en 2011 entre la DCNS/STX française et la société russe Rosoboronexport, à cause de la position russe dans le conflit ukrainien.

Quatre ans plus tard, la Russie pourrait se lancer elle-même dans la construction de deux porte-hélicoptères. L’information a été révélée par l’agence de presse TASS qui cite des sources issues du secteur de la construction navale. La fabrication du premier bâtiment débuterait en mai 2020 et devrait être achevée en 2027 d’après les mêmes sources. Le contrat devrait être signé «dans les prochains mois», ont-elle également fait savoir.

Moderniser la flotte russe

Pour le colonel Mikhaïl Khodarionok, expert sur les questions de défense pour RT, ces navires devraient venir renforcer une flotte vieillissante composée de navires amphibies qui sont de «très mauvais nageurs» et ne peuvent «débarquer des troupes que dans des criques sécurisées en eau calme». En outre, Mikhaïl Khodarionok estime que les défis de la guerre moderne rendent totalement «impossible» le déploiement en conditions réelles de technologies datant de l’ère soviétique. Ce nouveau type de navire vient donc combler cette lacune.

En réalité, la Russie cherche depuis presque dix ans à acquérir ce type de bâtiment militaire. En 2010, elle avait lancé un appel d'offres international, remporté par la France, qui avait accepté de construire deux Mistral flambants neufs en les adaptant aux besoins de la marine russe. Le contrat devait devenir la plus grosse vente d'armes jamais réalisée par un pays de l'OTAN à la Russie. Ils devaient être construits aux Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire. Le premier porte-hélicoptères devait être livré à l’automne 2014 et le second un an plus tard.

Oui mais voilà, la crise ukrainienne est passée par là. Après le référendum d’autodétermination du 16 mars 2014, fondé sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et par lequel les habitants de la Crimée avaient largement décidé de rejoindre le giron russe (96% de «oui»), l’Union européenne avait décidé de frapper la Russie de sanctions. S’appuyant sur la diplomatie européenne, François Hollande, alors président de la République, avait fait le choix d'interrompre la livraison des deux navires. L'Egypte s'en était finalement portée acquéreuse

Moscou avait de son côté demandé à la France le remboursement des deux porte-hélicoptères ainsi que des indemnisations pour l’adaptation des hélicoptères Ka-52 aux ponts des Mistral ainsi que pour la modernisation du port de Vladivostok, qui devait accueillir les deux bâtiments. Paris avait dû par la suite rembourser la somme de 949,8 millions d’euros à la Russie. Le vice-Premier ministre, Dimitri Rogozine, s’était dit satisfait de l’opération, le montant étant trois fois supérieur à celui qui avait été versé initialement à la France, compte tenu de l'évolution du cours du rouble.

Des porte-hélicoptères construits en Crimée ?

Par ailleurs, ce contrat a permis à la Russie d’acquérir de nombreuses connaissances dans la construction navale afin d’exploiter au mieux ses futurs porte-hélicoptères. Paris avait accepté lors de la signature du contrat des transferts de technologies. De plus, environ 400 marins russes avait été envoyé à Saint-Nazaire pour y être formés durant la construction des deux navires. Les frais liés à leur déplacement avaient été eux aussi remboursés par la France. Mikhaïl Khodarionok a souligné que la Russie «utilisera certainement l'expérience acquise lors de la construction des Mistral».

Ironie de l’histoire, la Russie envisagerait de construire ses porte-hélicoptères en Crimée, territoire qui avait servi de prétexte en 2015 à la France pour refuser la vente de ces Mistral. Les navires pourraient être fabriqués au chantier naval de Zaliv, dans la ville de Kertch, sur la côte est de la péninsule. D’après le colonel Khodarionok, qui réfute l’idée selon laquelle cette décision serait un pied de nez à la France, ce choix apparaîtrait comme réaliste, le chantier de Zaliv étant doté d’un quai suffisamment grand pour accueillir ce type de bâtiment.

Le pont reliant la Crimée à la Russie, inauguré en mai 2018, devrait permettre des livraisons d’éléments lourds par la route ou le rail, essentielles pour la construction des deux porte-hélicoptères. «Je pense que la pose de la quille en mai 2020 n’a pas été choisie au hasard», explique Mikhaïl Khodarionok. «À ce moment-là, le pont ferroviaire de Crimée commencera à fonctionner à pleine capacité», précise-t-il.

Toutefois, Alexeï Rakhmanov, le président de la Société de construction navale (United Shipbuilding Corporation), s'est refusé à confirmer cette information auprès de RIA Novosti. «Pour l’instant, je n’ai rien à déclarer, tant qu’il n’y a pas de projet. Et où construire, laissez la Patrie décider», a-t-il déclaré, soulignant ainsi qu'aucune décision officielle n'avait été arrêtée.

L'annulation du contrat par Paris avait été contestée à l'époque par de nombreux parlementaires parmi lesquels Nicolas Dupont-Aignan ou encore Thierry Mariani. Le député du Pas-de-Calais José Evrard (DLF) a d'ailleurs rappelé dans une question au ministre des Armées le 27 août, que ce refus de livrer ces navires à la Russie, alors que la France livre des armes à l'Arabie Saoudite constitue un «deux poids, deux mesures». «Il y aurait des bons clients, éthiques, et d'autres non livrables parce que non fréquentables. La clause éthique dans la vente de matériel militaire est d'évidence à manier avec beaucoup de précaution», a-t-il également prévenu.

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