Situation humanitaire en Libye : l’ONU tire la sonnette d’alarme
- Avec AFP
Alors que les offensives du maréchal Haftar contre les forces loyales au GNA visant à conquérir Tripoli se poursuivent, bombardements et affrontements ont déjà fait fuir plus de 40 000 civils. L'ONU a alerté sur la catastrophe vécue par les civils.
Après plus de trois semaines de combats meurtriers entre camps rivaux dans la région de Tripoli, la situation humanitaire est «grave» et risque de se «détériorer», prévient Maria do Valle Ribeiro, l'adjointe à l'émissaire de l'ONU en Libye, dans un entretien à l'AFP.
Des combats se déroulent au sud de Tripoli entre les forces loyales au Gouvernement d'union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale, et celles du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est du pays qui a lancé le 4 avril une offensive pour conquérir la capitale.
«Tant que cette situation [belliqueuse] continue, [...] il faut s'attendre à une détérioration [de la situation humanitaire]», a déclaré Maria do Valle Ribeiro dans un entretien avec l'AFP le 28 avril.
«Quand on voit l'utilisation de moyens aériens, les bombardements sans discernement de zones densément peuplées comme on l'a vu la semaine passée, il est difficile d'être optimiste», estime la responsable adjointe de la mission d'appui de l'ONU en Libye (Unsmil), chargée notamment de l'aide humanitaire. La situation humanitaire est déjà «grave» selon elle, alors que le conflit est entré dans sa quatrième semaine.
Situation d'urgence humanitaire
Depuis le 4 avril, au moins 278 personnes ont été tuées et 1 332 ont été blessées, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Au moins 40 100 civils ont fui les combats, selon Maria do Valle Ribeiro, et d'autres sont toujours bloqués dans les zones de combats, notamment dans la périphérie sud de Tripoli, difficiles d'accès pour les services de secours et les humanitaires.
Par ailleurs, «3 500 migrants et réfugiés sont en danger dans des centres de détention situés près de zones d'affrontements», souligne-t-elle, en précisant que 800 ont déjà été évacués des centres d'Ain Zara, Abou Slim et Gasr ben Ghachir. «C'est pourquoi nous continuons d'appeler au respect des civils, à des pauses humanitaires [dans les combats] et surtout nous continuons d'espérer une solution pacifique de la crise», ajoute-t-elle.
La situation est grave ici, dans la région la plus peuplée du pays, et qu'il est crucial d'y répondre
Les conséquences des combats se répercutent bien au-delà des zones d'affrontement, et suscitent des «inquiétudes» sur «les services de base» dans la capitale, les «approvisionnements en eau et électricité» et les services médicaux, ou «la disponibilité des produits de base et leurs prix».
En proie à l'instabilité depuis la chute de Mouammar Kadhafi, provoquée par l'intervention militaire de l'OTAN en 2011, la Libye est le théâtre depuis le 4 avril d'une offensive lancée par Khalifa Haftar sur Tripoli, siège du GNA dirigé par Fayez al-Sarraj. Après une rapide progression, les troupes de son autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) ont été repoussées par les forces loyales au GNA et les combats se concentrent au sud de la ville.
Cet énième conflit en Libye aura aussi des effets à long terme, estime Maria do Valle Ribeiro, citant l'exemple «symbolique» du bombardement d'un entrepôt du ministère de l'Education qui a détruit «plus d'un million de manuels scolaires». «Ça en dit long sur l'impact de ces combats, non seulement sur la survie immédiate des gens, mais aussi sur l'avenir des enfants de Tripoli».
Selon l'adjointe à l'émissaire de l'ONU en Libye, remédier à cette situation d'urgence humanitaire nécessite 10,2 millions de dollars (9,1 millions d'euros), qui «ne couvrent pas l'ensemble des besoins que nous anticipons mais au moins la réponse essentielle pour les trois, quatre premières semaines». Deux millions de dollars ont été donnés par le fonds d'urgence de l'ONU, «et nous avons reçu des assurances de beaucoup d'Etats membres qu'ils contribueraient», affirme-t-elle.
«Ils comprennent que la situation est grave ici [...] et qu'il est crucial d'y répondre», affirme-t-elle, en refusant toutefois de commenter l'impasse diplomatique entre grandes puissances au Conseil de sécurité de l'ONU. Alors que la France est accusée de tenir une position ambiguë sur la crise qui oppose le GNA et les forces pro-Haftar, le Quai d'Orsay a réfuté les accusations et a déclaré soutenir Tripoli.
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