Le rapport d'une commission canadienne illustré par une fillette voilée fait polémique
Dans son dernier rapport, la Commission canadienne des droits de la personne s'est réjouie de lois ayant permis à des citoyens d'être «acteurs du changement». Mais la photographie choisie par l'institution pour illustrer le document fait polémique.
«Grâce à la Loi canadienne sur les droits de la personne [...] les gens ont obtenu le pouvoir de briser le silence, de dénoncer la discrimination et d’être des acteurs de changement», s'est félicitée la Commission canadienne des droits de la personne dans son rapport annuel 2018 rendu public le 17 avril. Toutefois, pour accompagner la publication de ce document sur son site et sur les réseaux sociaux, l'institution a fait un choix qui n'a pas manqué de susciter une vague d'indignation. Sous le titre «Brisons le silence», la page de couverture du rapport est en effet illustrée par la photographie d'une fillette portant le hijab – voile islamique destiné à couvrir la tête des femmes en laissant le visage apparent.
ACTUALITÉ: Dans son Rapport annuel 2018 rendu public aujourd’hui, la CCDP déclare que, dans toute son histoire, un nombre record de personnes ont communiqué avec elle pour obtenir de l’aide.
— DroitsPersonneCanada (@DroitPersonneCa) 17 avril 2019
➡️ Communiqué : https://t.co/Ows9EYSQCf
➡️ Rapport : https://t.co/EFsBcAcuNTpic.twitter.com/hMK6tpIYfx
Le tweet publié par la Commission canadienne n'a pas tardé à provoquer la colère de nombre d'internautes, ces derniers dénonçant à l'unisson l'idéologie véhiculée selon eux par l'image sélectionnée.
Laïcité contre multiculturalisme ?
«Un message clair aux intégristes. Voilez donc vos fillettes dès 5 ans !», a commenté l'un, «Honte à vous pour cette photo d'une fillette voilée», a ajouté un autre. L'actrice et commentatrice politique canadienne, Sophie Durocher, a elle écrit son indignation dans le Journal de Montréal dans un billet intitulé Honte à la Commission canadienne des droits de la personne. «Pour illustrer leur rapport 2018, les bien-pensants de la Commission canadienne des droits de la personne n'ont rien trouvé de mieux qu'une petite fille voilée !», s'insurge-t-elle, fustigeant également le fait que la photographie ait été «tirée d'une manifestation anti-CAQ, anti-laïcité organisée dans les rues de Montréal». Dans un tweet, elle a interpellé Marie-Claude Landry, la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, avec ce commentaire : «Mais à quoi avez-vous pensé ?»
Mais à quoi avez-vous pensé @MClaude_Landry ????? https://t.co/1Tpu9NpioW
— sophie durocher (@sophiedurocher) 21 avril 2019
Le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté a de son côté estimé : «Le Canada normalisait déjà le niqab. Maintenant, au nom des droits de la personne, il normalise le voile chez les fillettes.»
Le Canada normalisait déjà le niqab. Maintenant, au nom des droits de la personne, il normalise le voile chez les fillettes. pic.twitter.com/dCwfQxzjfW
— Mathieu Bock-Côté (@mbockcote) 20 avril 2019
Cette polémique intervient alors que la question de la laïcité est actuellement débattue au Parlement québécois. Le gouvernement de la Belle Province entend en effet «inscrire pour la toute première fois dans les lois du Québec le principe de laïcité de l'Etat». Mais l'initiative se heurte aux fervents défenseurs du multiculturalisme. «Le Québec c'est pas la France, vive la différence !», scandaient ainsi par exemple les manifestants rassemblés le 7 avril à Montréal pour protester contre le projet de loi controversé du gouvernement Legault.
Le 28 mars, le chef du gouvernement canadien, Justin Trudeau, s'est prononcé sur l'initiative historique prise par le gouvernement québécois. Désapprouvant le projet de loi, il avait tancé un texte qui, selon lui, légitimait «la discrimination contre des citoyens en raison de leur religion».