Libye : l'ONU réclame un cessez-le-feu pour éviter une «bataille sanglante» à Tripoli
- Avec AFP
Antonio Gueterres, secrétaire général de l'ONU, a appelé au cessez-le-feu en Libye, où les combats font rage autour de Tripoli. Le risque humanitaire préoccupe tous les observateurs.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a réclamé un «cessez-le-feu» en Libye, où les combats s'intensifient près de Tripoli, pour éviter une «bataille sanglante» dans la capitale, après une réunion d'urgence du Conseil de sécurité le 10 avril. «Il est encore temps d'arrêter» les affrontements, «encore temps d'avoir un cessez-le-feu, d'éviter le pire», a déclaré Antonio Guterres après deux heures et demie de discussions avec le Conseil.
Le Conseil de sécurité, qui s'était réuni à huis clos à l'invitation de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne pour discuter d'un projet de résolution demandant un cessez-le-feu, devrait adopter prochainement un texte poussant à l'arrêt des combats, selon des diplomates. Les combats se sont intensifiés au sud de la capitale, cible depuis le 4 avril d'une offensive du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est du pays.
«Nous avons besoin de relancer un dialogue politique sérieux», a déclaré le secrétaire général, en reconnaissant que son appel à Khalifa Haftar de ne pas entreprendre d'offensive sur la capitale, alors qu'il se trouvait en visite en Libye, «n'avait pas été entendu». L'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar a affirmé avoir pris aux troupes loyalistes une caserne à une cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale. Ses forces semblent avancer sur deux axes : par le sud et le sud-est, où des combats violents ont opposé l'ANL à des forces loyales au Gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale et basé à Tripoli. A une trentaine de kilomètres au sud de la capitale, l'aéroport international de Tripoli, inutilisé depuis des combats en 2014, est aussi le théâtre de combats, selon des journalistes de l'AFP dans le secteur.
Violents affrontements
«Pour le moment, c'est toujours le jeu du chat et de la souris», lance sur la route de l'aéroport un commandant d'un groupe armé loyal au GNA. «Ça tire à l'artillerie lourde et aux obus. L'aéroport est sur la ligne de front aujourd'hui. C'est très dangereux pour vous», explique cet officier pour justifier son interdiction à une équipe de l'AFP de s'approcher des combats. A Ain Zara, plus à l'est, une ville de la banlieue de Tripoli parsemée de fermes agricoles, les combats font rage.
Après une percée des combattants de l'ANL dans cette zone, située à une dizaine de kilomètres au sud de Tripoli, les forces du GNA ont réussi à les repousser plus au sud. Sur l'avenue principale de la ville, un monticule de sable érigé par les forces pro-GNA sépare les deux camps, selon des journalistes de l'AFP sur place.
«Les affrontements se sont intensifiés. Nous avons peur de quitter la maison (...). Ca tape fort!», a indiqué à l'AFP par téléphone une habitante du quartier. Le Croissant-Rouge libyen a fait savoir que ses équipes avaient pu «intervenir le 10 avril au matin pour évacuer des civils dans les zones de combats». L'organisation n'a pour l'instant accès qu'aux zones contrôlées par le GNA, de façon discontinue.
Dans un pays plongé dans le chaos depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011, les organisations internationales craignent que les civils ne fassent une nouvelle fois les frais des violences. Quelque 4 500 personnes ont déjà été déplacées par les combats, selon l'ONU. Le centre d'analyses International Crisis Group (ICG) a estimé qu'un «déploiement plus important de combattants» ou «une intervention militaire extérieure» en Libye pourraient précipiter une «catastrophe humanitaire».
Risques humanitaires importants
Selon le dernier bilan du ministère de la santé du GNA arrêté le 7 avril au soir, au moins 35 personnes ont été tuées depuis jeudi. Selon l'ICG, «l'ANL pourrait capturer Tripoli [...] à la seule condition que ses adversaires changent de camp ou fuient comme ce fut le cas dans le centre et le sud» du pays. Il a toutefois jugé que cette perspective était incertaine, «car les deux côtés semblent de force égale sur le plan militaire».
Les combats compromettent le processus politique, et le report, annoncé le 9 avril, de la Conférence nationale libyenne prévue du 14 au 16 avril à Ghadamès paraissait inéluctable. En préparation depuis plusieurs mois par l'ONU, elle devait permettre de dresser une «feuille de route» à même de sortir le pays du chaos.
Soutenu par une autorité basée dans l'est du pays mais non reconnue internationalement, le maréchal Haftar espère étendre son emprise sur l'ouest de ce pays pétrolier, alors qu'il contrôle déjà l'est et - plus récemment - le sud. En face, les forces loyales au GNA de Fayez al-Sarraj affirment être déterminées à mener une contre-offensive généralisée.
Préoccupation de l'Otan
Le porte-parole de l'ANL, Ahmad al-Mesmari, a accusé le GNA de s' «allier avec des milices islamistes». «La bataille n'est plus aux mains de Fayez al-Sarraj. Elle est désormais aux mains des terroristes», a-t-il précisé le 9 avril, citant notamment des milices venues de Misrata (200 kilomètres à l'est de Tripoli).
L'OTAN est «profondément préoccupée» par les combats entre forces rivales en Libye, a expliqué le 10 avril son secrétaire général Jens Stoltenberg, appelant à une solution politique. La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a rappelé «toutes les parties» à «leur obligation, en vertu du droit international, de garantir la protection des civils et des infrastructures civiles». Le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a demandé d' «épargner les civils, notamment les réfugiés et les migrants bloqués» en Libye. L'Unicef a indiqué de son côté que «près d'un demi-million d'enfants à Tripoli et des dizaines de milliers d'autres dans les régions occidentales» étaient «directement menacés».