Israël demande à France 2 d'annuler la diffusion d'un reportage sur Gaza
La diffusion prévue le soir du 11 octobre de l'enquête d'Envoyé Spécial «Gaza, une jeunesse estropiée», suscite la fureur de l'ambassadeur d'Israël en France et du CRIF. Ils affirment que le reportage «véhicule la haine d'Israël».
«Quel avenir pour ces jeunes Gazaouis amputés d'une jambe par des tirs de soldats israéliens lors d’une "marche du retour" ?» C'est la question qu'a choisi de poser l'émission Envoyé Spécial diffusée ce 11 octobre au soir sur la chaîne France 2. Un sujet dont la bande-annonce, diffusée sur les réseaux sociaux, a déplu à l'ambassadeur d'Israël en France.
Aliza bin Noun, a ainsi interpellé, dans un courrier, la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte afin de réclamer l'annulation pure et simple de la diffusion du reportage Gaza, une jeunesse estropiée.
Très déçue que notre demande à @France2tv de reconsidérer la diffusion du reportage “Gaza, une jeunesse blessée” à charge contre Israël n’ait été entendue, de même que notre volonté d’y réagir pour rétablir un semblant de vérité et de mesure. pic.twitter.com/MVmuwlE9Ux
— Aliza Bin Noun (@AlizaBinNoun) 11 octobre 2018
Estimant que l'enquête présente un «point de vue déséquilibré», Aliza bin Noun s'inquiète que ce contenu puisse «inciter à la haine à l'encontre d'Israël et [qu'il puisse] ainsi avoir des répercussions directes, notamment physiques, sur les Français de confession juive». L'ambassadeur de l'Etat hébreu se désole ensuite d'un «amalgame fréquent et désolant entre Juifs et Israël».
Dans une position relativement similaire, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) Francis Kalifat écrit sur Twitter : «J’ai alerté Delphine Ernotte [...] Le service public ne doit pas participer à véhiculer la haine d'Israël dont on connaît les conséquences dramatiques sur les Français juifs.»
J’ai alerté @DelphineErnotte sur la vive émotion que suscite la bande annonce du reportage sur Gaza sur #Envoyespecial#France2 ce soir.Le service public ne doit pas participer à véhiculer la haine d’Israel dont on connaît les conséquences dramatiques sur les français juifs.
— Francis Kalifat (@FrancisKalifat) 11 octobre 2018
Meyer Habib, député UDI des Français de l'étranger et ami de Benjamin Netanyahou, a de son côté fait savoir sur Facebook qu'il avait «mal à sa France». «Halte à la haine d'Israël et la propagande anti-israélienne sur France 2 ! Elle tue !», a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.
«La quasi-totalité des jeunes tués ou blessés étaient des activistes du Hamas, envoyés à la mort par l’organisation djihadiste», juge encore le député franco-israélien au sujet des dizaines de Palestiniens tués et des milliers de blessés par les balles de Tsahal ces derniers mois.
Rappelant la mort récente de deux Israéliens, assassinés par balles par un Palestinien en Cisjordanie occupée, Meyer Habib écrit : «Le gouvernement [français] ne peut tolérer plus longtemps sur le service public l’expression d’une pareille soumission à la stratégie cynique du Hamas.»
Le média public israélien en français i24News rapporte enfin qu'une petite centaine de personnes ont manifesté le soir du 10 octobre devant le siège de France Télévisions à Paris pour protester contre la diffusion du reportage.
Delphine Ernotte n'a pas communiqué au sujet de ces requêtes.
Des victimes palestiniennes et un porte-parole de l'armée israélienne
Dans la bande-annonce du reportage, l'équipe d'Envoyé Spécial suit Alaa, un jeune palestinien. «C'est la première fois qu'Alaa remonte sur son vélo. La première fois depuis qu'une balle a emporté sa jambe droite et ses rêves de coureur cycliste», peut-on entendre. Les journalistes français suivent ensuite des manifestants palestiniens à la frontière israélienne, donnant la parole à plusieurs victimes touchées par des balles de l'armée israélienne. Un porte-parole de l'armée israélienne donne ensuite sa version des faits, assurant que «les forces armées israéliennes font preuve de beaucoup de professionnalisme, de sang froid et de retenue».
A la frontière entre la bande de Gaza et Israël, au moins 198 Palestiniens ont été tués et un soldat israélien est mort depuis le début de la mobilisation de la Marche du retour, le 30 mars, contre le blocus israélien. Des milliers de Palestiniens ont en outre été blessés par balles. Les manifestants réclament aussi le droit au retour des Palestiniens sur les terres dont ils ont été chassés ou qu'ils ont été contraints de fuir lors de la création d'Israël en 1948.
Louis Maréchal