Italie : le gouvernement va-t-il supprimer les aides à la presse, jugée trop hostile ?
Un débat houleux agite la classe politique italienne autour de la défense de la presse, après que Luigi Di Maio, vice-Premier ministre et leader du Mouvement 5 étoiles, a menacé de réduire les subventions indirectes de l’Etat aux journaux.
Luigi Di Maio, vice-Premier ministre italien et homme fort du Mouvement 5 étoiles (M5S, gauche antisystème anti-immigration), a déclenché une vaste polémique en annonçant qu'il supprimerait les financements publics de la presse italienne le 12 septembre dernier. Le président italien Sergio Mattarella (Démocratie chrétienne, centriste) est monté au créneau pour défendre les médias.
Le chef de l'Etat a ainsi déclaré le 15 septembre au quotidien La Repubblica : «La liberté inconditionnelle de la presse constitue un élément important et fondamental de la démocratie.» Il a fustigé toute volonté d'attenter à «sa pleine autonomie» et de «restreindre le rôle des journalistes».
Cela n'a pas dissuadé le très jeune ministre de réitérer ses attaques envers un journaliste du quotidien milanais Corriere della Sera, le 18 septembre sur Facebook. Luigi Di Maio l'a accusé, ainsi que tout le système médiatique, de ne penser qu'à «protéger ses intérêts». Il a conclu : «S'il vous plaît, résistez au lavage de cerveau des journaux. Comme le disait Malcolm X : "Si vous ne faites pas attention, les médias vous feront haïr les personnes qui sont opprimées et aimer celles qui oppriment".»
Couper les vivres à la presse
Le financement des médias italiens, qui bénéficient d'un système d'aides mixtes directes et indirectes, est au cœur des menaces proférées par le chef de file du M5S. La polémique remonte au 12 septembre, quand sur son compte Facebook, Luigi Di Maio a annoncé qu'il comptait supprimer les apports financiers indirects de l'Etat à la presse dans une prochaine loi de finances. «Nous prévoyons une réduction des contributions publiques indirectes et nous préparons une lettre aux sociétés dans lesquelles l'État détient des participations pour leur demander d'arrêter de payer», a-t-il écrit.
Nous prévoyons une réduction des contributions publiques indirectes
Dans sa ligne de mire : les pages de publicités achetées par des entreprises publiques, des institutions ou des collectivités territoriales aux médias italiens. Or la suppression de tels subsides condamnerait un grand nombre de publications à fermer, notamment à l'échelle locale. Paradoxalement, ce n'est pas cette presse qui se montre la plus hostile envers le gouvernement.
Toutefois, selon le ministre, ces apports financiers «pollueraient le débat public». Il entend lutter contre d'éventuelles collusions entre les collectivités et les institutions publiques d'une part et les journalistes d'autre part. «Ce n'est pas du journalisme, ce n'est que de la propagande pour défendre les intérêts d'une petite élite qui pense pouvoir continuer à faire le bon et le mauvais temps. Ce ne sera plus comme ça. Notre pays a besoin d’informations gratuites et d'éditeurs honnêtes sans autre intérêt que ceux des lecteurs», a-t-il argumenté.
Relations houleuses entre le M5S et la presse italienne
Le M5S est en guerre avec les médias traditionnels, qui ont, depuis la création du mouvement, toujours eu la dent dure avec ceux que de nombreux journaux qualifient de «populistes». Leur chef de file, l'ancien comique Beppe Grillo, avait provoqué un tollé dans l'establishment italien en 2016 en proposant l'instauration de «jurys populaires» pour recadrer les médias «fabricants de fausses informations».
«Les journaux et la télévision sont les plus gros fabricants de fausses nouvelles dans le pays, dans le but de s'assurer que ceux qui ont le pouvoir le gardent», avait-il affirmé. Ayant construit sa réputation en ligne et communiquant beaucoup grâce aux réseaux sociaux, le parti ne compte pas sur le soutien de la presse, et s'appuie même sur la défiance du public envers elle.
La presse italienne fait aussi l'objet de critiques du côté de la Ligue, parti nationaliste anti-immigration allié au M5S. Matteo Salvini, le vice-président du Conseil des ministres italien, ministre de l'Intérieur et leader de La Ligue, a récemment décrit la liberté de la presse comme «une chose subjective». Une remarque somme toute anodine mais qui a fait bondir de nombreux journalistes.