Une unité d'élite de l'armée irakienne accusée de torturer des civils à Mossoul (IMAGES CHOQUANTES)
Un photographe irakien a suivi les méthodes d'interrogation d'une unité irakienne à Mossoul, révélant des exactions et des crimes de guerre. Des ONG ont réclamé une enquête internationale impartiale et pointé du doigt la responsabilité américaine.
Que se passe-t-il à Mossoul ? Publiées en mai et en juin par les magazines Der Spiegel et Télérama et diffusées sur la chaîne américaine ABC et sur RT, les images du photographe indépendant Ali Arkady ont braqué les projecteurs sur les exactions commises par l'armée irakienne dans la deuxième ville du pays.
Une nouvelle série de photographies et de vidéos apporte des preuves supplémentaires attestant que des officiers irakiens de l'unité d'élite Emergency Response Division (ERD - Unité d'intervention rapide) n'hésitent pas à torturer des civils soupçonnés d’accointance avec l'Etat islamique.
La situation des prisonniers victimes de sévices est ici illustrée par le destin tragique de deux frères, Ahmed Abdullah Hassan et Leish Abdullah. Evadés avec leurs familles d'un quartier de Mossoul contrôlé par Daesh, ils pensaient trouver refuge auprès des forces gouvernementales. Mais c'était sans compter sur l'ERD.
Arrêtés, les deux frères ont été sévèrement battus, brimés et humiliés par l'unité d'élite. Les images d'Ali Arkady montrent que les deux hommes ont été torturés. Les yeux bandés et les mains attachées dans le dos, ils sont «questionnés» par quatre soldats irakiens.
Ces photographies montrent des scènes d'une grande cruauté : on y voit des bourreaux gifler violemment les deux hommes, ou mettre leurs doigts dans les yeux de Leith Abdullah Hassan. D'autres images montrent un soldat manier un couteau sur l'oreille d'une des deux victimes.
Selon Ali Arkady, les deux frères ont été tués après avoir enduré toutes sortes de sévices. Le photographe a finalement fui l'Irak, emportant de manière clandestine les clichés des tortures et des violences pratiquées à l'encontre de certains prisonniers.
Confrontés à ces révélations, les Etats-Unis et l'Irak réagissent a minima
Washington a nié être au courant des cas de torture qu'Ali Arkady a révélé au péril de sa vie. Les Etats-Unis ont également réfuté avoir participé à l'entrainement des soldats mis en cause. La coalition internationale anti-Daesh dirigée par les Américains a affirmé que l'ERD était inscrite sur une liste noire depuis 2015 et que la loi (américaine) Leahy leur interdisait de fournir un soutien militaire à tout groupe ayant violé les droits de l'Homme.
«Les forces américaines n'ont jamais été informées de ces allégations avant que vous ne les portiez à notre attention», a déclaré à RT le commandement de la coalition internationale menée par les Etats-Unis en Irak et en Syrie (CJTF). Le CJTF a ajouté que toute violation du droit de la guerre était inacceptable.
«Les Etats-Unis ne forment pas et ne fournissent pas d'équipement à l'ERD», a également précisé le Pentagone.
Or, selon un membre du Comité de sécurité de Bagdad, Saad Al-Muttalibi, les militaires irakiens sont «principalement supervisés par des commandants américains». Interrogé par RT, il a aussi affirmé : «Les unités d'intervention rapide ont été formées par les Américains et sont proches du commandement américain.»
«[Les Américains bénéficient] d'une certaine forme d'immunité, nous ne pouvons pas les interroger», a-t-il expliqué. Selon ce membre du Comité de sécurité de Bagdad, l'investigation diligentée par le gouvernement serait menée de manière très efficace et impartiale.
Toutefois, Saad Al-Muttalibi n'a pas hésité à justifier le contrôle des médias couvrant la bataille de Mossoul. «C'est une zone de guerre [...] Beaucoup de pays soutiennent ouvertement l'Etat islamique, les médias doivent être contrôlés, en particulier si des médias travaillent contre nous», a-t-il déclaré à RT. «Nous ne pouvons pas être trop prudents avec les médias, vous ne pouvez vraiment pas faire confiance à tous les médias [...] Il peut arriver [...] que des médias fabriquent des preuves en fonction de leurs instructions politiques», a-t-il estimé.
Plusieurs ONG réclament une enquête internationale impartiale
Alors que le ministère irakien de l'Intérieur a promis d'enquêter «de manière claire et impartiale» et de «prendre des mesures légales conformément aux lois [en vigueur]», des ONG de défense des droits de l'Homme ont exigé une enquête internationale impartiale sur ces exactions, en s'interrogeant si Washington autoriserait une telle investigation.
Pour Human Rights Watch, «les Etats-Unis et d'autres membres de la coalition anti-Daesh risquent d'être complices des exactions [commises en] Irak au regard de leur participation à des opérations militaires aux côtés des forces de sécurité [irakiennes]».
Pour #Amnesty international, les #EtatsUnis pourraient être accusés de crimes de guerre à #Mossoulhttps://t.co/CILw4GWxqPpic.twitter.com/w1Ahi85jCD
— RT France (@RTenfrancais) 28 mars 2017
«Le gouvernement américain joue un tour de passe-passe maladroit, prétendant priver de son aide des unités irakiennes violentes comme l'ERD, tout en continuant à travailler avec eux, en les formant et en se coordonnant avec eux», a affirmé Leah Whitson, directrice de HRW pour le Moyen-Orient.
Le Pentagone évoque une gigantesque bavure de la coalition dans sa campagne contre Daesh https://t.co/UJdTeOx82wpic.twitter.com/1XNuiK2J1M
— RT France (@RTenfrancais) 26 mai 2017
Pour une militante de HRW, la coalition internationale anti-Daesh est éclaboussée par les révélations
«Torturer [et exécuter] des prisonniers est un crime très sérieux, c'est une violation des droits de l'Homme et des lois de la guerre», a déclaré à RT Belkis Wille, membre de l'ONG Human Rights Watch (HRW) et experte des questions irakiennes. Selon elle, «peu importe si les captifs [torturés] font partie ou non de l'Etat islamique», n'importe quelle force armée qui commettrait de tels actes devrait faire face à la justice.
Au micro de RT, Belkis Wille a dénoncé l'impunité «totale» dont bénéficieraient les forces armées irakiennes depuis de très nombreuses années : «Tortures, exécutions, destructions de villages entiers, déplacements forcés de centaines de familles. Et [...] sans jamais recevoir de punitions de la part du gouvernement.»
«Malheureusement, il y a ce sentiment que si vous vous battez contre Daesh vous menez le juste combat [...] et par conséquent votre conduite est moins sujette à surveillance», a-t-elle ajouté, estimant par ailleurs que cela conduisait les forces irakiennes à se comporter de la même manière que les djihadistes de l'Etat islamique.
Selon Belkis Wille, aucune enquête locale n'a été menée par le gouvernement irakien. «Franchement nous n'avons pas constaté beaucoup de réactions scandalisées de la part des Américains, des Britanniques, ou d'autres membres de la coalition qui soutiennent l'armée irakienne dans sa guerre contre l'Etat islamique», a-t-elle ajouté.
Et la militante des droits de l'Homme de conclure : «Si cette guerre contre Daesh permet aux forces armées [irakiennes] de commettre des exactions horribles, alors la coalition est également éclaboussée.»