Valérie Pécresse : le devoir de se différencier d'Emmanuel Macron pour 2022
Officiellement candidate du parti Les Républicains à la présidentielle de 2022, la libérale Valérie Pécresse arrivera-t-elle à rassembler et à s'imposer ? Le congrès lui a en tout cas permis de réunir des centristes et des conservateurs.
Place à la campagne présidentielle pour Valérie Pécresse, qui a désormais le premier tour du 10 avril 2022 en ligne de mire. Les Républicains (LR) ont donc fait le choix d'une personnalité incarnant le centre-droit en votant pour la présidente de la Région Ile-de-France lors du congrès du 4 décembre, face à Eric Ciotti, plus conservateur.
L'investiture de Valérie Pécresse lui donne à présent la légitimité de réunir l'aile centriste et les plus conservateurs du parti, de Xavier Bertrand à Eric Ciotti, en passant par Laurent Wauquiez. Une manœuvre de rassemblement qui doit d'ailleurs beaucoup aux efforts du président LR Christian Jacob.
Cependant, avant le scrutin des adhérents LR, l'élue francilienne n'apparaissait pas forcément comme la favorite face à Xavier Bertrand ou Michel Barnier. D'autant plus avec le défi qui sous-tendait la mini-primaire : parvenir à se démarquer de La République en marche (LREM). Or, Valérie Pécresse a souvent été considérée médiatiquement comme une candidate possible au poste de Premier ministre d'Emmanuel Macron, notamment lors du départ d'Edouard Philippe en juillet 2020.
Malgré la nomination de Jean Castex, elle a dû se justifier de toute proximité avec la macronie, quand la question lui a été posée un an plus tard en juillet 2021. Un nouveau mandat d'Emmanuel Macron pouvait-il la convaincre d'intégrer Matignon ? «Nous ne sommes pas sur la même ligne, nous ne sommes pas sur le même logiciel», avait-elle répliqué. Pourtant, idéologiquement, même si la campagne de la primaire LR a révélé de nouveaux axes de différenciation, la ligne Pécresse a pu se confondre avec l'ambition macronienne. C'est le cas par exemple lorsqu'elle a affirmé vouloir davantage décentraliser le pays, cela pouvant rappeler le «pacte girondin» d'Emmanuel Macron.
Se définissant – à l'instar de l'actuel président – comme une «réformatrice», l'un de ses réflexes libéraux est de réduire coûte que coûte la dépense publique. Cela passe, selon elle, par la suppression de 150 000 postes de fonctionnaires.
Tout comme Emmanuel Macron avait séduit les retraités en 2017, elle promet également de les bichonner, en garantissant par exemple une hausse des pensions de réversion ou le versement d’un minimum contributif équivalent au minimum à un Smic net en 2030. Concernant le système des retraites, là encore, comme la macronie, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy veut le remettre en cause. Elle prône le report de l’âge légal de départ à 65 ans.
Valérie Pécresse, la candidate à droite qu'il ne fallait pas pour Emmanuel Macron ?
Elle qui se présente en outre comme «2/3 Merkel, 1/3 Thatcher», dévoile une vision mêlant conservatisme et néo-libéralisme, y compris sur les acquis liés au droit du travail. Valérie Pécresse a par exemple souligné sa volonté de mettre fin aux 35h.
Pro-UE, voulant combattre comme Emmanuel Macron les «populistes», elle a néanmoins contesté durant cette première campagne la primauté du droit européen sur les «identités constitutionnelles» des Etats membres de l'UE. Par voie de conséquence, elle a une idée de l'UE probablement moins fédéraliste qu'Emmanuel Macron.
Sur l'immigration, elle a au demeurant un cap plus droitier que le chef d'Etat, en proposant des «quotas annuels» votés par le Parlement, une «intensification» des charters ou un durcissement du regroupement familial.
2/3 Merkel, 1/3 Thatcher
Mais Valérie Pécresse a parfois évolué sur ses positions, au gré des périodes. En 2018, elle confiait par exemple sa volonté de sortir progressivement du nucléaire, en développant les énergies renouvelables telles les éoliennes en Ile-de-France. Désormais, pour le reste de la France, elle promeut la construction de six nouveaux EPR et est devenue plus mesurée sur les éoliennes, les conditionnant à l'acceptation des populations concernées. Sur les valeurs liées à la République, là aussi Valérie Pécresse semble avoir effectué un glissement. Elle qui souhaite l'interdiction du port du voile pour les accompagnatrices scolaires, ou défend l'«indivisibilité» de la République, a en 2010 participé à une tribune, au côté notamment de la militante controversée Rokhaya Diallo, «pour une République multiculturelle et postraciale».
De fait, Valérie Pécresse peut-elle gêner la réélection d'Emmanuel Macron – probable candidat à sa succession ? Avant le résultat final de la mini-primaire LR, certains macronistes s'inquiétaient en effet de la voir gagner. Pour Le Parisien, le sénateur LREM François Patriat confessait : «Ce sera moins facile à battre que Bertrand, car c’est une femme. Son élection pourrait lui donner un vrai coup de booster !» Un ministre souhaitant garder l'anonymat avouait lui aussi que l'affrontement avec une femme serait d'autant plus délicat que, «nous, on nous reproche d’être des hommes».
Dans tous les cas, ce premier succès de Valérie Pécresse va certainement réduire l'une des espérances macronistes : voir une vague de centristes au sein des Républicains les rejoindre.
Bastien Gouly