Le Conseil constitutionnel valide la loi généralisant le pass sanitaire et censure certaines mesures
Les Sages ont validé la loi instaurant l'extension du pass sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants mais ont néanmoins censuré certaines mesures, dont la rupture anticipée du CDD ou encore l'isolement obligatoire.
Dernière étape avant l'entrée en vigueur du controversé projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, la décision du Conseil constitutionnel était particulièrement attendue.
Validés : pass sanitaire, obligation vaccinale, suspension du contrat
Ce 5 août, les Sages ont validé la loi instaurant l'extension du pass sanitaire notamment pour les cafés, restaurants, avions, trains, autocars pour les longs trajet. Ce dispositif sera également en vigueur dans les hôpitaux, établissements de santé et maisons de retraite pour les visiteurs ou les patients non urgents, si son usage ne fait pas «obstacle à l'accès aux soins». Cette extension du pass sanitaire devrait donc entrer officiellement en vigueur le 9 août, comme l'avait déjà annoncé il y a plusieurs jours le gouvernement.
Le pass sanitaire devra également être présenté dans certains centres commerciaux «au-delà d'un certain seuil défini par décret» et si la «gravité des risques de contamination» à l'échelle d'un département le justifie, selon les termes employés par le Conseil.
La vaccination obligatoire pour les soignants et d'autres professions comme les pompiers (mais pas les forces de l'ordre), a elle aussi été validée lors de cette séance présidée par l'ancien ministre Laurent Fabius.
Les employés soumis à l'obligation du pass sanitaire qui ne s'y conformeraient pas pourront par ailleurs voir leur contrat de travail suspendu sans rémunération, comme l'a confirmé le Conseil.
Censurés : isolement obligatoire, rupture anticipée du CDD
Plusieurs mesures ont en revanche été censurées par le Conseil, comme notamment les dispositions relatives à l'isolement obligatoire de 10 jours des personnes diagnostiquées positives au Covid-19, qui prévoyait par exemple un renforcement drastique des contrôles. Les Sages estiment ainsi que ce dispositif n'est ni «nécessaire, adapté [ni] proportionné» et qu'il constitue une mesure privative de liberté «sans décision individuelle fondée sur une appréciation de l'autorité administrative ou judiciaire».
Parmi les autres dispositions du projet de loi, figurait notamment la possibilité pour l'employeur de rompre un CDD ou contrat d'intérim «avant son terme», faute de pass sanitaire dans les situations où il sera obligatoire. Celle-ci a également été censurée, les Sages estimant qu'une «différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail» résultait du projet de loi qui prévoyait une suspension du contrat de travail sans rémunération pour les CDI. Tous seront donc logés à la même enseigne et soumis, le cas échéant, à une suspension du contrat.
«Au-delà d'une durée équivalente à trois jours travaillés, l'employeur doit convoquer le salarié ou l'agent public à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation. S'il s'agit d'un salarié, cet autre poste doit être proposé au sein de l'entreprise», précise toutefois l'institution.
Une partie de l'opposition a critiqué la décision des Sages. Elle a fait réagir la classe politique dans son spectre le plus large, de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen. Les élus de La République en Marche (LREM) se sont au contraire félicités de la décision des Sages. Le Premier ministre, Jean Castex, s'est lui aussi félicité de la décision du Conseil constitutionnel, qui «permettra le plein déploiement de la stratégie de lutte contre la Covid-19», d'après le chef du gouvernement.
Le pass sanitaire : symbole pour les opposants aux restrictions
Dans le viseur des opposants aux restrictions anti-Covid, figure notamment l'obligation vaccinale, qui a déclenché des préavis de grève dans des hôpitaux ou chez les pompiers, mais surtout le pass sanitaire.
Ce dernier, qui prend la forme d'un QR code, peut être obtenu grâce une vaccination complète, à un certificat de rémission du Covid-19, ou à un test négatif. Le 12 juillet, lors d'une allocution télévisée, Emmanuel Macron avait affiché la volonté de contraindre le plus de Français possible à se faire vacciner par la nécessité de présenter le pass sanitaire dans tout lieu accueillant du public avec une jauge de 50 personnes, les centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés ou encore certains transports en commun comme les avions. Les personnes en contact avec des publics vulnérables comme le personnel soignant seront quant à elles obligées de se faire vacciner. Ces nouvelles dispositions entrent en contradiction avec les gages pourtant donnés à plusieurs reprises par Emmanuel Macron lui-même et sa majorité parlementaire.
Cette annonce de l'extension du pass sanitaire a dès le 17 juillet provoqué de nombreuses manifestations dans toute la France. Des manifestations qui se sont régulièrement répétées depuis, comme celle du 31 juillet ayant réuni plus de 200 000 personnes à Paris (selon les estimations du ministère de l'Intérieur) et dans plus de 150 villes de l'Hexagone.
L'extension du pass sanitaire a été validée par le Conseil d'Etat le 19 juillet, celui-ci ayant en revanche adressé des réserves notamment sur la question des centres commerciaux.
Le projet de loi «relatif à la gestion de la crise sanitaire» a été adopté le 25 juillet par le Sénat et enfin l'Assemblée nationale quelques heures après un accord entre députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire. Le vote de cette loi avait entraîné de vives réactions de l'opposition de droite comme de gauche, l'ancien eurodéputé Florian Philippot la qualifiant par exemple de «loi la plus anti-humaniste et liberticide qui soit», tandis que le chef des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a déploré un texte qui «change la nature de la société dans laquelle nous voulons vivre».
Le 26 juillet, 74 députés issus des groupes Gauche démocrate et républicaine, La France insoumise, Socialistes et apparentés et Libertés et territoires ont saisi le Conseil constitutionnel au sujet du projet de loi sanitaire. Egalement saisis par Matignon, les Sages de la rue de Montpensier ont rendu leur décision le 5 août.
Plusieurs syndicats ont par ailleurs appelé à la grève illimitée à compter du 4 août pour se mobiliser contre la vaccination obligatoire du personnel soignant qui sera effective à partir du 15 septembre. A compter de cette date, il sera possible de suspendre les contrats de travail, voire d'enclencher des procédures de licenciement à l'encontre de ceux qui ne se seraient pas acquittés de cette obligation. La FA SPP-PATS, l'un des principaux syndicats de sapeurs pompiers, a également déposé le 4 août un préavis de grève nationale illimitée qui débutera le 9 août, date à laquelle l’obligation vaccinale imposée à leur profession entrera en application.