Régionales/départementales : La République en marche se prépare à ne pas «faire un tabac» (ANALYSE)

Régionales/départementales : La République en marche se prépare à ne pas «faire un tabac» (ANALYSE)© FRANCOIS LO PRESTI Source: AFP
Eric Dupond-Moretti fait campagne aux côtés de Laurent Pietraszewski dans les Hauts-de-France, ici à proximité de Lens le 8 mai 2021.
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En manque d'élus locaux et sondages peu flatteurs dans une campagne que La République en marche a tendance à nationaliser, les macronistes ne paniquent pas sur les indicateurs peu favorables à leur encontre. Leurs candidats restent positifs.

La dynamique de 2017 paraît lointaine pour le parti présidentiel. Après la défaite aux européennes de 2019 puis aux municipales et sénatoriales de 2020, les dernières échéances avant la cardinale présidentielle arrivent à grand pas sans que La République en marche (LREM) ne soit en mesure d'inverser la tendance. «Je ne vais pas vous dire qu'on va faire un tabac», reconnaît d'ailleurs pour RT France le sénateur LREM Bernard Buis et candidat aux départementales dans le canton du Diois (Drôme).

La République en marche pense déjà à 2022

Avec 2022 comme seul horizon, Emmanuel Macron semble lui-même enjamber les élections du 20 et 27 juin. A défaut de succès pour son mouvement, ces régionales et départementales peuvent malgré tout lui servir. Avec une gauche au plus bas, l'exécutif contribue désormais à déstabiliser la droite modérée. Les deux exemples les plus significatifs étant, tout d'abord, en région Paca, la tentative du Premier ministre Jean Castex d'officialiser une fusion entre LREM et la liste menée par le président sortant Les Républicains (LR) Renaud Muselier. Si finalement aucun accord d'appareil n'a été conclu, l'imbroglio demeure avec des listes LR intégrant des membres de la majorité et obtenant le soutien de celle-ci.

L'autre cas emblématique étant celui des Hauts-de-France où pas moins de cinq ministres se présentent pour essayer d'empocher une victoire macroniste face au candidat à la présidentielle – et menace potentielle pour Emmanuel Macron – Xavier Bertrand. Si les sondages restent peu flatteurs pour les listes conduites par le secrétaire d'Etat chargé des Retraites, Laurent Pietraszewski, avec une estimation aux alentours de 10%, LREM peut jusqu'au bout jouer les trublions. Dans une bataille qui s'annonce serrée entre Xavier Bertrand et le député du Rassemblement national (RN) Sébastien Chenu, LREM peut encore parasiter l'ancien ministre sarkozyste par diverses méthodes, notamment en s'effaçant lors du second tour malgré un maintien possible. Une victoire de Xavier Bertrand aidé par LREM ne clarifierait pas forcément le clivage alors que celui-ci tente justement d'incarner une opposition à la majorité présidentielle. En ce sens, certains commentateurs ont constaté que l'objectif premier de LREM pour ces élections locales était moins de les remporter que bel et bien de torpiller la droite modérée et Les Républicains en vue de 2022.

Nous avons besoin d’être à la Région pour articuler le programme national

Une stratégie dont se défend à demi-mot la tête de liste en binôme dans l'Aisne pour les régionales en Hauts-de-France, Sawsen Clément-Jebbari. Car pour la référente LREM dans ce département, il s'agit tant de combattre Xavier Bertrand que l'implantation forte du RN. Pour ce faire, Sawsen Clément-Jebbari va jusqu'à nationaliser les enjeux. «Nous avons un message à porter aux électeurs sur ce que l’on a fait et voulons faire sur le plan national. Nous avons besoin d’être à la Région pour articuler le programme national, c'est fondamental pour la relance», explique-t-elle.

Une nationalisation de la campagne

Se voyant avec ses colistiers comme des «challengers» face à Xavier Bertrand et Sébastien Chenu, Sawsen Clément-Jebbari n'hésite pas à étriller ses rivaux. Elle déplore entre autres le fait que l'actuel président de la région des Hauts-de-France ait refusé de «conjuguer ses forces» avec les marcheurs, se mettant« constamment en compétition avec l'Etat».

Sawsen Clément-Jebbari critique en outre le bilan de Xavier Bertrand : «Dans les Hauts-de-France, nous avons un problème d’emploi avec des résultats inférieurs à la moyenne nationale. Regardez le revenu par habitant, il est inférieur à la moyenne nationale. Sur la santé, c’est incroyable, nous avons encore une espérance de vie inférieure à la moyenne nationale.» Sauf que ces enjeux-là semblent davantage concerner la compétence étatique que celle de la Région. D'autant plus que les Hauts-de-France sont une terre industrielle sinistrée, ce qui date de bien avant l'arrivée à sa tête en 2016 de l'ancien ministre de la Santé. Les délocalisations et les fermetures d'usines comme celles de Whirlpool à Amiens dépassent par exemple la simple responsabilité de la Région. Attaqué sur ce terrain-là dans les débats, Xavier Bertrand rappelle sur LCI le 9 juin que, si le chômage est effectivement élevé à «9,3%», il était à «12,3% en 2016» peu avant sa prise de fonction.

Pour Sawsen Clément-Jebbari, la Région peut malgré tout «insuffler une relance» en finançant des projets comme la création d'«une banque régionale d’investissement pour le développement durable» ou améliorer la formation professionnelle. Elle parie aussi sur la capacité de la Région à «rendre l'orientation moins inégalitaire».

La nationalisation du scrutin avec des thèmes dépassant le cadre régional est une tactique que l'on a vu également en Ile-de-France où la laïcité et la sécurité sont invoquées par les candidats macronistes tels que Marlène Schiappa ou Laurent Saint-Martin.

Dans les Hauts-de-France, LREM a même envoyé l'artillerie lourde avec l'implication directe des membres du gouvernement dont le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Rien de plus logique aux yeux de Sawsen Clément-Jebbari puisque ce sont des politiques «natifs de la région ou qui ont grandi ici, qui démissionneront du gouvernement s'ils sont élus». «Nous avons fait cet engagement-là que nos ministres priorisent la Région», insiste-t-elle. Avec le risque, en cas de claque lors de ces échéances, d'un affaiblissement certain du pouvoir et de la majorité. Pas de quoi inquiéter la candidate qui se réjouit de voir dans les opérations tractage, sur les marchés ou lors de brocantes, que les «retours sont bons», notamment parce que les commerçants, les salariés et les ainés reconnaissent, selon elle, qu'ils «ont été protégés financièrement pendant la crise sanitaire». Elle estime de plus qu'il est «agréable» que les électeurs reviennent à la figure tutélaire d'Emmanuel Macron pendant cette campagne, argumentant sur la cote de popularité du chef de l'Etat de près de 50%, qu'elle perçoit comme «historique».

Départementales : LREM en manque de candidats pour se présenter partout

Néanmoins, tous les candidats LREM ne jouent pas sur la côté national pour convaincre. Le parlementaire et conseiller départemental de la Drôme, Bernard Buis, mise sur la proximité avec les citoyens de sa circonscription rurale, qui compte 64 communes dont la plus petite n'a qu'un seul habitant : «Notre avantage dans les petites communes c’est que les élus départementaux sont connus. Après le maire, on connait l’élu départemental. Je suis au Département depuis 2004, les gens savent un peu comment nous travaillons avec ma binôme Martine Charmet.»

Bernard Buis se considère tel «un intermédiaire entre le citoyen lambda et les instances décisionnaires comme la Région ou l'Etat pour porter les projets». «Les gens savent très bien à quoi on sert : le Département, pour les petites communes, c’est celui qui amène de l’argent et qui va les aider à monter leur dossier pour avoir leur réseau d’assainissement, pour restaurer leur mairie, leur église, faire un skate park…»

«Identifié comme conseiller départemental ou un super-maire» par les administrés, il n'a pas ce «ressenti» d'une campagne réduite à la politique nationale ou gouvernementale. En somme, Bernard Buis ne pense pas qu'à son niveau son étiquette ait donc une quelconque influence sur le suffrage et ce, malgré sa double-fonction de sénateur. Il souligne que les propositions qu'il aborde sont locales, promouvant un investissement dans le tissu associatif, le recrutement de personnels dans les centres médico-sociaux ou un appui financier conséquent dans les voiries, tout cela étant possible grâce à un «département désendetté qui dispose de marges de manœuvre».

D'autre part, il ne cache pas sa volonté d'endosser le rôle de «charnière», c'est-à-dire la possibilité de s'allier dans une majorité qu'elle soit de gauche ou de droite, si celle-ci reprend ses projets. Il ne se fait toutefois pas «d'illusion» : si Bernard Buis souhaite que LREM soit représentée au département, il concède qu'une victoire est improbable face à des partis qui sont représentés dans chaque territoire. «Demain je pense qu’il y aura des majorités, y compris dans certains départements, qui devront se faire avec nous», parie-t-il.

Autant il suffisait de s’afficher en 2017 lors des législatives avec la photo d’Emmanuel Macron pour être élu. Autant sur une élection locale il ne suffit pas de s’afficher avec la photo d’Emmanuel Macron

A première vue, les régionales et départementales devraient profiter aux élus sortants. Nos deux candidats en sont tout autant persuadés. Une caractéristique qui ne plaide pas en faveur de la macronie. Bernard Buis reconnaît qu'il s'agit du point faible de leur parti : «Autant il suffisait de s’afficher en 2017 lors des législatives avec la photo d’Emmanuel Macron pour être élu et on a eu un raz de marée. Autant sur une élection locale il ne suffit pas de s’afficher avec la photo d’Emmanuel Macron. Les gens votent pour des gens connus localement.» Et l'épisode des municipales n'a rien arrangé aux affaires macronistes. «Il ne faut pas se voiler la face, des gens qui sont partis aux municipales et ayant subi un échec n’ont pas envie de revivre un deuxième échec. A certains endroits, ils se disent que si c’est pour faire le même résultat, cela ne sert à rien d'y aller», note Bernard Buis qui concède que LREM n'a pu se présenter dans tous les cantons, faute de militants ayant le temps, les finances et l'envie pour faire campagne dans un contexte difficile. «On n'a peut-être pas ce vivier-là mais on l’aura peut-être dans dix ans», se rassure-t-il. Comme Sawsen Clément-Jebbari, il se satisfait d'observer que LREM dispose de militants sur le terrain, prêts à coller les affiches notamment. Un mouvement cependant encore trop jeune d'après eux pour pouvoir posséder un ancrage à l'image des autres grands partis. Les échéances de juin seront néanmoins un révélateur de la capacité macroniste à éviter un éventuel nouveau fiasco électoral.

Bastien Gouly

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