Vague verte ? L'abstention record est en réalité le seul vainqueur des municipales

Vague verte ? L'abstention record est en réalité le seul vainqueur des municipales© POOL New Source: Reuters
Si Agnès Buzyn a subi une humiliation électorale à Paris avec seulement 14,87% des voix, c'est bien l'abstention qu'il faut regarder de plus près.
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Si EELV semble être la grande gagnante des municipales, les autres partis tentent, comme de coutume, de revendiquer une part de la victoire. Sauf que les maires ont été élus petitement avec une abstention historique. La crise politique est latente.

Yannick Jadot était tout sourire en voyant les villes progressivement basculer du côté d'Europe Ecologie-Les Verts, avec trois jolis trophée à son actif : Lyon, Strasbourg et plus surprenant, Bordeaux (ville administrée par la droite depuis 1947).

De leur côté, les responsables de La République en marche (LREM) minimisent leur fiasco. Ils mettent, par exemple, en exergue la victoire au second tour d'Edouard Philippe – avec moins de 60% des voix – face à l'outsider communiste Jean-Paul Lecoq. LREM a beau clamé qu'elle débute une implantation sur l'échelon local, force est de constater que le parti de la majorité gouvernementale a subi des camouflets sévères, notamment dans les villes qui devaient être deux vitrines électorales : Lyon et Paris. 

Quant au parti Les Républicains (LR) et au Parti socialiste (PS), les deux formations voient également des succès. Le patron de LR , Christian Jacob se félicite ainsi de «renouer avec la victoire [...] avec plus de 55% des villes qui sont détenues par Les Républicains», quand le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, célèbre lui aussi une éventuelle réussite de son parti :  «Partout, où nous étions rassemblés, nous sommes plus forts et nous gagnons la confiance des Français. La vague est là.»

Le Rassemblement national (RN), pour sa part, valorise la conquête de Perpignan par Louis Aliot, soit la première grande ville de plus de 100 000 habitants acquise au parti de droite nationaliste depuis près de 20 ans. Mais le RN n'a pourtant pas percé durant cette échéance et il perd d'ailleurs des conseillers municipaux par rapport à 2014.

Dans une stratégie différente, La France insoumise (LFI) a plutôt misé sur la discrétion durant le scrutin. Hormis Paris où il a subi une gifle, le mouvement s'est majoritairement positionné derrière des listes de gauche ou citoyennes. Et comme les autres formations politiques, LFI semble voir le verre à moitié plein, comme l'explique le député Eric Coquerel : «La France Insoumise est dans de nombreuses coalitions gagnantes, comme à Marseille.»

Tout ce manège d’autocongratulation ne vise-t-il pas finalement à occulter l'échec de toutes les formations politiques et à masquer la colère des Français ? 

L'abstention traduit une exaspération contre le et la politique

En effet, nul doute que cette abstention record pour des élections municipales, autour de 60% (58,4%), est le marqueur le plus significatif. Depuis 1958, soit le début de la Ve République, seuls les européennes de 2009 et le référendum sur le quinquennat en 2000 ont affiché une participation plus basse. Dans leur immense majorité, les maires ont été élus avec une minorité de citoyens, y compris dans les communes où la participation est généralement plus élevée, à l'instar de Paris (seulement 36,68 % des électeurs se sont déplacés).

Les causes d'une telle abstention semblent être multiples. Alors que la France est actuellement présentée comme étant en fin d'épidémie, les citoyens se sont ainsi moins déplacés que lors du premier tour des municipales, le 15 mars – dans un pays qui voyait pourtant le Covid–19 largement parasiter les esprits.

Le suffrage paie sans doute les pots cassés d'une organisation bancale et originale des échéances. En reportant de trois mois le second tour, jamais les conditions de la tenue d'un moment démocratique n'ont fait l'objet de tant de débats et de critiques. Jamais, une élection française avait vu deux tours se scinder avec tant de délai entre les deux, avec une absence quasi-totale de campagne politique et de meetings. Malgré tout, cette défaite démocratique n'a pas pour seule cause le mode de scrutin.

Ainsi, quel autre facteur a pu fragiliser cette élection ? On peut suivre la piste du refus des Français face aux tambouilles politiques qui se sont mises en place, La République en marche en étant l'illustration avec parfois l'aide des LR ou du PS.

La majorité silencieuse a donc évité les urnes durant les deux tours des municipales et celle-ci s’accroît globalement au fil des élections – législatives et présidentielle particulièrement. La mélancolie s'est installée chez les électeurs. Cette vision est semble-t-il confirmée par le chef de file des députés de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

Avec gravité, il juge que la «masse du peuple français est en grève civique, [dans] une forme d'insurrection froide contre toutes les institutions du pays». Il y perçoit d'autre part «un moment compliqué et dangereux dans la vie de la nation».

Le délégué général de La République en marche, Stanislas Guérini, lui-même, reconnaît qu'il y a «un problème profond de défiance dans la vie politique».

Les résignés de la démocratie prennent sans doute racine dans le déni de démocratie, après le «non» français lors du référendum du traité constitutionnel de 2005. Dans la même veine, les abstentionnistes sont ceux qui, au fil des mandats, ne voient plus de réelles alternance politiques et se retrouvent progressivement orphelins de tout représentant.

L’abstentionnisme étant l'un des symptôme patents d'une démocratie malade, les premiers responsables sont peut-être les acteurs politiques eux-mêmes, des partis aux différents gouvernements. Sans chercher à minimiser la percée des écologistes, l'erreur ne serait-elle pas de considérer l'avantage politique pris par EELV, durant ces municipales, comme étant la victoire de l'écologie ou des mesures souhaitées par la convention dite «citoyenne» ? EELV, comme le gouvernement, auraient tort de conclure que les Français soutiennent massivement un projet précis. La France des petites et moyennes villes a plutôt élu des maires LR (généralement anti-éoliens), quand la plupart des grandes villes sont restées aux mains des socialistes (parfois alliés à EELV, parfois avec le Parti radical de gauche, parfois avec Génération.s, parfois soutenus par LREM,...).

Les mouvements de contestation des Gilets jaunes, dénonçant justement une écologie punitive, n'étaient-ils pas d'ailleurs les prémices de cette majorité silencieuse qui se détourne désormais massivement des urnes ? Dans tous les cas, la vague verte est moins imposante que la houle des abstentionnistes.

Bastien Gouly

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