Ecole : un député LREM veut faire méditer vos enfants dès la rentrée (ENTRETIEN)

Ecole : un député LREM veut faire méditer vos enfants dès la rentrée (ENTRETIEN)© RODGER BOSCH Source: AFP
Une séance de méditation dans une école en Afrique du Sud (image d'illustration).
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Le parlementaire Gaël Le Bohec en est convaincu : la méditation pleine conscience peut aider à réduire les inégalités à l'école. Il souhaite ainsi lancer une expérimentation scientifique pour le prouver... ou non. L'idée est-elle saugrenue ?

Les enfants auront-ils bientôt des séances de méditation pleine conscience en classe ? Le député de La République en marche (LREM) Gaël Le Bohec s'active depuis plusieurs mois pour convaincre le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer sur le sujet. Issue du bouddhisme, cette forme de méditation, aussi appelée mindfulness, ne fait pas l'unanimité dans les recherches scientifiques. Chez certains sujets, elle pourrait en effet «réveiller des tendances suicidaires» ou «aggraver la santé mentale de personnes atteintes de pathologies [comme la dépression]».

En France, une première étude menée par le psychologue Grégory Michel de l'université de Bordeaux est pour sa part positive quant aux bienfaits de cette méditation sur les enfants de la maternelle au CM2. Interviewé par RT France, Gaël Le Bohec s'appuie largement sur celle-ci pour proposer au ministère de l'Education nationale une expérimentation scientifique sur 500 classes d'une durée de trois ans, pour des enfants allant de la fin de la primaire jusqu'en 6e et 5e. Le marcheur de l'Ille-et-Vilaine espère que celle-ci débutera dès la prochaine rentrée scolaire. La réponse du ministère devrait arriver «d'ici deux à trois semaines», nous confie-t-il. Des élèves qui seraient de fait des cobayes, dans une recherche assumée par Gaël Le Bohec : «C’est le principe de l’expérimentation, sauf si vous ne voulez pas du tout bouger voire revenir en arrière. Et, dans ce cas, vous ne faites rien.»

La méditation pleine conscience serait déjà pratiquée dans une dizaine d'académies : «Un bordel ambiant»

Son zèle sur le sujet, à l'image de son dernier entretien dans le JDD, en janvier, ne passe pas inaperçu. Dans celui-ci, il avance notamment que la méditation peut «réduire les inégalités entre les élèves».

De quoi réveiller la twittosphère, qui s'étonne qu'un député propose une forme de méditation pour réduire les inégalités, alors que certains politiques et «experts» de l'école formulent, depuis plusieurs années, d'autres propositions pour stopper la baisse du niveau des élèves dans certaines matières fondamentales (mathématiques ou français) – comme celle appelant à revoir certaines politiques menées depuis plus de 30 ans dans l'Education nationale, en remettant par exemple au cœur l'apprentissage des savoirs. Gaël Le Bohec se défend. Il entend les critiques. Mais, pour lui, la pleine conscience est un des outils qui peut aider les enfants les plus défavorisés : «J'ai été contacté par de nombreux professeurs, particulièrement en REP, REP+ [Réseau d'éducation prioritaire] qui m'ont affirmé qu'ils utilisaient déjà cette méditation sans le dire. Pour les enfants les plus en difficulté, ils me disent que cela leur permet de retrouver de l’attention et de retrouver le niveau du groupe classe.» Pour Gaël Le Bohec, ces témoignages appuient l'étude de Grégory Michel, attestant que, «sur les six critères d’attention et de bonheur, 30% des élèves les plus en difficulté rattraperaient le groupe classe» grâce à la méditation pleine conscience.

De nombreux professeurs, particulièrement en REP, REP+ m'ont affirmé qu'ils utilisaient déjà cette méditation

L'élu LREM note qu'actuellement, une dizaine d'académies en France sur 30 «ont, dans leur plan académique de formation, des conseils pour les enseignants sur la pratique de la pleine conscience». Et Gaël Le Bohec touche là un point qui ne peut faire que consensus : le fait qu'il existe aujourd'hui «un bordel ambiant» autour de cette méditation, avec des enseignants qui «l'utiliseraient sans trop savoir comment», de manière disparate. Gaël Le Bohec reconnaît ainsi les risques que cela peut comporter et craint d'ailleurs des dérives «sectaires» autour de la pratique. Une expérimentation constitue donc pour l'élu une première étape afin d'encadrer la pratique et de confirmer ou non son utilité. 

En ce sens, sa proposition d'expérimentation avec des «chercheurs reconnus issus de différentes universités comme celles de Bordeaux, Grenoble ou Lyon», pourrait permettre de «formaliser la pratique avec des méthodologies» qui auraient fait leurs preuves, en les «identifiant». L'aboutissement serait d'accompagner les enseignants intéressés «sur des programmes validés», les guidant également «sur les risques et les limites de cette méditation». L'encadrement est un point essentiel, car la démocratisation de cette méditation peut en effet attirer des opportunistes sur le marché de la formation. «Ce n’est pas parce qu’il y a eu des dérives qu’il ne faut plus rien faire», rétorque Gaël Le Bohec. Il fait remarquer que plusieurs entreprises et secteurs ont déjà intégré la méditation pleine conscience dans leurs formations, comme au sein de l'AFP, dans le domaine de la santé et dans le milieu militaire.

Le Canada et le Danemark, des modèles pour Gaël Le Bohec

Gaël Le Bohec est persuadé qu'in fine, l'expérimentation à l'école ne peut être que positive. Il se fie entre autres à cette visite qu'il a faite il y a quelques années au Canada dans une classe pratiquant le mindfulness : «Les évaluations au sein de leur établissement ont montré que le niveau d'anxiété était bien en deçà des moyennes canadienne et québécoise, que ce soit pour les enfants mais aussi pour toute cette communauté d’apprentissage pédagogique, y compris les professeurs.»

Pour convaincre des bienfaits de cette méditation, l'élu breton s'appuie aussi sur le site du gouvernement canadien, qui «conseille officiellement de pratiquer la pleine conscience, particulièrement en période de Covid» ou le fait que «les Danois, depuis 30 ans, ont une heure de cours d’empathie par semaine, à partir de cinq ou six ans».

Reste le coût. Dans le JDD, Gaël Le Bohec a avancé le chiffre de 500 000 euros pour cette expérimentation en France. Une somme qui est amenée à évoluer, nous confie-t-il, affirmant toutefois que, «contrairement à certaines recherches, celle-ci ne coûtera pas des millions d'euros». Si ces 500 000 euros représentent peu dans le budget de l'Education nationale (d'environ 55 milliards d'euros), des enseignants ont évidemment tiqué. Comment cette enveloppe pourrait-elle être débloquée alors qu'ils font partie des plus mal payés parmi les pays développés, et le font entendre depuis plusieurs années ? «Ce n’est pas parce qu'on va faire une expérimentation qu’on ne va pas revaloriser les professeurs», tente de rassurer Gaël Le Bohec. Sauf que si une revalorisation est effectivement prévue pour les professeurs débutants, la plupart des enseignants – sauf rebondissement – vont encore devoir patienter avant d'obtenir un geste de l'Etat.

Je constate qu'on a 20 ans de retard par rapport à ce qui se fait dans certaines entreprises privées sur le bien être

Depuis son entrée à l'Assemblée nationale en 2017, le marcheur Gaël Le Bohec milite activement pour la méditation pleine conscience, proposant même des séances pour les parlementaires et leurs collaborateurs. Si certains suspectent son enthousiasme, Gaël Le Bohec contre-attaque : «Mes comptes sont en ligne et sont transparents. Je suis très à l'aise avec cela. A l'Assemblée, je suis arrivé avec mon regard neuf, extérieur, et je constate qu'on a 20 ans de retard par rapport à ce qui se fait dans certaines entreprises privées sur le bien-être.»

Le macroniste refuse d'autre part l'étiquette de lobbyiste qui peut lui être collée, simplement parce qu'il s'investit sur la question de la méditation pleine conscience. S'il a en tout cas convaincu une trentaine de députés et de collaborateurs dans ces séances, reste à persuader Jean-Michel Blanquer d'une application en milieu scolaire.

Bastien Gouly

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