Article 24 de la proposition de loi Sécurité globale : le gouvernement fait-il mine de reculer ?
Gérald Darmanin disait vouloir imposer le floutage des policiers et gendarmes aux médias alors que le texte de loi n'allait pas si loin. A présent, le gouvernement annonce des amendements face à la mobilisation, centrée autour de l'article 24.
En dépit des autres implications majeures de la proposition de loi LREM sur la Sécurité globale, c'est bel et bien le controversé article 24, introduisant un nouveau délit de presse en modifiant la loi de 1881, qui cristallise les débats. Pour tenter de répondre à la contestation, le ministre de l'Intérieur a rencontré son prédécesseur, Christophe Castaner et le Premier ministre le 19 novembre à Matignon. Jean Castex a réuni les présidents de groupes parlementaires et les responsables de la majorité.
Ainsi que cela avait été annoncé plus tôt dans la journée, il a été convenu le soir du 19 novembre d'apporter un amendement gouvernemental à l'article 24 concernant la diffusion d'images présentant des policiers nationaux et des gendarmes dans l'exercice de leurs fonctions. Ce dernier doit justement être débattu dans l'Hémicycle ce 20 novembre. Ce nouvel amendement précisera, selon un communiqué de Matignon que «les dispositions envisagées ne feront nul obstacle à la liberté d’informer et que le délit créé par le texte visera uniquement le fait de diffuser des images dans le but qu’il soit manifestement porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique».
«l’article 24 fera l’objet d’un amendement précisant que les dispositions ne feront nul obstacle à la liberté d’informer et que le délit créé visera uniquement le fait de diffuser des images dans le but manifestement de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique» pic.twitter.com/OPdKejeaCm
— Perrine Tarneaud (@Perrine_tarneau) November 19, 2020
Selon les informations de l'AFP citant une source au sein du parti présidentiel, une mention doit figurer au début de l'article 24 qui précisera : «Sans préjudice du droit d'informer.»
Ainsi, alors que Gérald Darmanin livrait une vue encore plus contraignante du texte à France info le 13 novembre, évoquant un floutage obligatoire des fonctionnaires et des militaires de la sécurité intérieure dans les médias (la mesure que demandaient initialement certains syndicats de police et qui est soutenue par certains députés, à l'instar du LR Eric Ciotti), le gouvernement fait à présent mine de prendre un pas de côté sur la proposition de loi des rapporteurs marcheurs, Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot.
Exit donc le floutage obligatoire, dont une partie cruciale de la majorité ne voulait pas... Il est à noter que le groupe Modem, fondé par le nouveau ministre au Plan, François Bayrou, plaidait même pour un retrait de l'article 24.
Simple déclaration de bonnes intentions ?
Si ce nouvel amendement envoie le signal que le gouvernement ne se prononcera plus en faveur d'un durcissement de la PPL Sécurité globale, on peut toutefois remarquer que cette promesse ne change que très superficiellement la substance du texte.
C'est ce qu'a par exemple fait le député LR, Guillaume Larrivé, cité par l'AFP, déclarant que l'amendement gouvernemental était un «neutron législatif», équivalant à une disposition «dont la charge juridique est nulle».
Effectivement, dans le texte original, figuraient déjà la notion d'intention de nuire à l'intégrité physique ou psychique des policiers et gendarmes, ainsi que la possibilité de transmettre lesdites images captées «aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale.»
Gérald Darmanin annonçait dans la journée du 19 novembre que l'amendement gouvernemental visait in fine à faire voter la proposition de loi parlementaire «par la plus large majorité» et «pour protéger nos forces de l'ordre». Faut-il y voir une allusion aux réticences affichées par le groupe Modem dans ses demandes d'amendements ?
Citant une source proche du dossier, l'AFP explique : «Darmanin a pesé pour ne pas supprimer l'article 24.» Et l'agence de presse d'ajouter, citant un député macroniste anonyme : «Gérald Darmanin est un sarkozyste, prêt à tout pour monter, y compris à raconter n'importe quoi.»
Selon les informations de la même agence de presse, Christophe Castaner a confirmé auprès de la majorité le dépôt d'amendements destinés à «réaffirmer» le soutien de la majorité aux forces de l'ordre et son «attachement à la liberté de la presse».
Mais ce nouvel amendement ne se résume-t-il pas à une simple déclaration de bonnes intentions de la part du gouvernement ? Bonnes intentions dont semblent douter les opposants au projet de loi, qui doivent manifester une nouvelle fois le 21 novembre dans l'après-midi.