La loi Avia aurait-elle permis d'empêcher l'attentat de Conflans ?

La loi Avia aurait-elle permis d'empêcher l'attentat de Conflans ?© Eric Feferberg Source: AFP
Laetitia Avia le 8 mars 2017 à Paris pendant la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron (image d'illustration).
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Le projet de la députée marcheuse de Paris Laetitia Avia revient dans le champ médiatique après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, mais cette loi déclarée anticonstitutionnelle aurait-elle permis de protéger l'enseignant Samuel Paty ?

Le projet de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, également connu sous le nom de «loi Avia», déclaré inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel au mois de juin 2020 aurait-il pu empêcher l'attaque de Conflans-Sainte-Honorine ? Directement interrogée à ce sujet sur France Culture, la députée Laetitia Avia qui avait porté ce projet législatif a botté en touche le 20 octobre et s'est contentée d'opposer au journaliste Emmanuel Laurentin : «Moi je ne réponds pas à cette question parce qu'elle est humainement hyper difficile [...] Je ne sais pas si vous réalisez l'horreur de la question que vous me posez [...] On me demande, "mais finalement si tu n'avais pas échoué en juin, est-ce-que Samuel Paty serait en vie aujourd'hui ?" [...] On a besoin de faire de nos réseaux sociaux un lieu davantage sécurisé.»

Et l'invité de l'émission, Arthur Messaud, juriste de la Quadrature du Net, de répliquer : «Non cette loi n'aurait servi à rien. C'est le principal reproche que nous faisons à la loi depuis le début, c'est qu'elle n'aura aucun effet utile pour les victimes de harcèlements et de violences ou de meurtres, parce que cette loi se contente de prévoir ce qu'il y avait déjà dans la loi depuis 2004.»

Mais les «armes» n'existent-elles pas déjà ?

Interrogé par Europe 1, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin déclarait pour sa part : «Je voudrais dire d'ailleurs que le gouvernement a essayé, avec le Parlement, d'avoir des armes pour lutter contre la haine en ligne. La proposition de loi de madame Avia, qui aurait permis justement de faire retirer et de poursuivre ce père de famille [Brahim Chnina] a été censurée par le Conseil constitutionnel.»

Agir avant de censurer toujours plus !

Mais les «armes» n'existent-elles pas déjà ? Selon des révélations de France Info publiées ce 22 octobre, un message publié sur Twitter par Abdouallakh Anzorov le 10 octobre, seulement six jours avant son attentat, a immédiatement été transmis à la plateforme Pharos dépendant du ministère de l'Intérieur, et qui doit normalement faire suivre le signalement au service concerné, dans ce cas, l'antiterrorisme.

Pourtant, précise France Info, «à ce jour, les services d'enquête ignorent encore le contenu de ce message». Le djihadiste a désactivé ce compte Twitter promptement après la diffusion du message.

Selon les informations de France Info, le Tchétchène de 18 ans se montrait très actif sur internet depuis le printemps 2020 et plusieurs de ses comptes sur les réseaux sociaux avaient été signalés depuis le mois de juillet par des utilisateurs pour des propos extrémistes. Malgré cela, le dernier message est «passé sous les radars» selon cette même source qui précise qu'après le signalement, les responsables de la plateforme de Beauvau ont transmis le dossier aux services spécialisés de l'UCLAT à la DGSI... sans que Abdouallakh Anzorov ne soit inquiété.

Gérald Darmanin se défendait devant la chambre haute du parlement le 22 octobre : «Des comptes comme ceux-là, mesdames et messieurs les sénateurs, il y en a des milliers, pour ne pas dire plus.»

La levée de l'anonymat d'une part, la loi Avia de l'autre

Dans l'arène médiatique, deux débats parallèles font rage depuis l'attentat : d'une part, certains veulent le retour de la loi Avia, d'autre part certains responsables politiques veulent lever l'anonymat sur les réseaux sociaux. C'est notamment le cas du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui s'est prononcé sur RTL le 17 octobre en faveur de cette mesure en cas «d'appel à la haine ou d'apologie du terrorisme».

C'est également le cas du député de l'UDI Jean-Christophe Lagarde qui a exigé sur Twitter : «Il faut s’attaquer à ce qu’il se passe à cause de l’anonymat des réseaux sociaux.» Mais aussi de l'eurodéputé Geoffroy Didier qui a écrit une tribune publiée par le journal Le Monde dans lequel il demande que «les réseaux sociaux recueillent, au moment de la création d'un compte, un scan de la copie de la carte d'identité de son titulaire pour pouvoir l'utiliser en cas de violation de la loi.»

Le 21 octobre, Florian Philippot a pour sa part opposé sur Twitter : «On nous parle de censurer les réseaux sociaux. Je fais remarquer que si le signalement du compte Twitter de l’assassin sur Pharos par un internaute dès juillet avait été suivi d’effet, on n’en serait peut-être pas là. Ça n’a pas été le cas. Agir avant de censurer toujours plus !»

Il faut s’attaquer à ce qu’il se passe à cause de l’anonymat des réseaux sociaux

Le sénateur LR de Vendée, Bruno Retailleau, s'est quant à lui prononcé contre le retour de la loi Avia en déclarant sur Sud Radio : «La loi Avia est le sommet de l'hypocrisie. Pour lutter contre la haine, on cite l'islamophobie. C'est exactement le piège dans lequel veulent nous enfermer les islamistes !»

La question de savoir si les services de renseignement ont correctement fonctionné après la transmission du dossier par la plateforme Pharos reste donc posée, mais également celle de savoir si l'arsenal juridique préexistant suffit sans que la loi Avia, déclarée inconstitutionnelle en juin, revienne sur le tapis de la représentation nationale.

Pour des associations de défense des libertés comme la Quadrature du Net, le gouvernement français cherche à glisser au niveau de l'Union ce qu'il n'a pas pu imposer au niveau national en demandant une nouvelle loi européenne qui serait «le strict reflet de la loi Avia» et de détailler : «le délai de 24h» pour retirer les contenus jugés litigieux et «les pleins pouvoirs donnés au CSA».

La déclaration de Jean Castex ce 23 octobre à l'issue d'un conseil de Défense de deux heures va en ce sens. Le Premier ministre a ainsi annoncé au «niveau communautaire» une concertation entre la France et la Commission européenne. Une rencontre avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen à Bruxelles est d'ailleurs prévue ce jour-même au sujet des contenus à caractère terroriste.

Le Premier ministre a également annoncé un renforcement des effectifs de la plateforme Pharos, une intensification de la lutte «contre la haine en ligne», ainsi que la création d'un «pôle spécialisé au sein du parquet de Paris pour centraliser les poursuites». Ces annonces interviennent en relation avec un renforcement de la loi sur les séparatismes.

Les moyens seront-ils vraiment au rendez-vous ?

En tout état de cause, selon Alexis Poulin, observateur de la vie politique qui s'est exprimé sur Twitter le 18 octobre au sujet de la lutte contre la haine en ligne, la solution est ailleurs : «Le compte du meurtrier a été signalé dès juillet à Pharos. c’est une question de moyens et de politique, pas de nouvelles lois liberticides.»

On pourrait également opposer que la plupart des mis en cause connus à ce stade de l'enquête dans le dossier de Conflans-Sainte-Honorine ne se sont pas particulièrement protégés par l'anonymat sur les réseaux sociaux, bien au contraire. C'est notamment le cas du parent d'élève Brahim Chnina et de l'activiste islamiste Abdelhakim Sefrioui, tous deux mis en examen pour complicité d'assassinat terroriste, qui s'étaient exprimés publiquement au sujet des cours de Samuel Paty avant son assassinat : une forme de «fatwa» selon les termes de Gérald Darmanin.

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