«L’Etat n’est pas l’arbitre de l’information»: des rédactions épinglent une initiative de l'exécutif
Dans une tribune publiée sur Mediapart, une trentaine de rédactions dénoncent l’initiative gouvernementale, consistant à sélectionner des articles de presse «luttant contre la désinformation» dans le cadre de la crise sanitaire.
Dévoilé le 30 avril par Sibeth Ndiaye et désormais disponible sur le site du gouvernement, l'espace «Désinfox CORONAVIRUS», visant à lutter contre la désinformation, a créé des remous chez les professionnels de l'information, comme en témoigne une récente tribune intitulée : «L’Etat n’est pas l’arbitre de l’information», une trentaine de rédactions y appellent à «dénoncer avec la plus grande fermeté [cette] initiative gouvernementale» et demandent la suppression de la rubrique en question sur le site du gouvernement.
En distinguant tel ou tel article sur son site, le gouvernement donne l’impression, dans un mélange des genres délétère, de labelliser la production de certains médias
Publié ce 3 mai sur le site de Mediapart, le texte fait valoir dans un premier temps que «la presse française est indépendante de l’Etat et du pouvoir politique».
[Dans @MediapartBlogs] L’État n’est pas l’arbitre de l’information – par la @SDJMediapart#EnAccèsLibrehttps://t.co/oCn0zwZ1Up
— Mediapart (@Mediapart) May 3, 2020
«En distinguant tel ou tel article sur son site, le gouvernement donne l’impression, dans un mélange des genres délétère, de labelliser la production de certains médias», s'inquiètent les auteurs de la tribune, qui comparent une telle initiative de l'Etat à «un imprimatur», terme remontant au XVIe siècle qui désigne l'autorisation de publier un contenu après son examen par l'autorité religieuse.
Le pouvoir actuel démontre, une fois encore, la défiance qu’il nourrit à l’endroit d’une presse libre et plurielle
«Imprimatur que l'Etat n’a pourtant aucune légitimité à délivrer dans un pays où la liberté de la presse est une liberté fondamentale», peut-on lire encore dans le texte. Enfin, selon les rédactions à l'initiative de cette tribune, «le pouvoir actuel démontre, une fois encore, la défiance qu’il nourrit à l’endroit d’une presse libre et plurielle».
Les signataires de cette tribune sont : les SDJ et SDR d’Arrêt sur Images, BFMTV, Courrier international, Les Echos, Europe 1, L’Express, LeFigaro, France 2, France 3 National, France Info, franceinfo.fr, France Inter, LeJDD, LCI, Le Média, Libération, M6, Marianne, Mediapart, LCP, Le Monde, L’Obs, Le Parisien, Paris Match, Le Point, Premières Lignes, Public Sénat, RFI, RMC, RTL, Sud Ouest, Télérama, La Tribune, TV5 Monde, 20 Minutes, et la société des personnels de L’Humanité.
«Désinfox CORONAVIRUS»
La plateforme web visée par cette tribune, «Désinfox CORONAVIRUS», se propose de donner «accès aux articles de médias français luttant, dans le cadre de la crise sanitaire, contre la désinformation». «Pour se protéger et protéger les autres, il est nécessaire de se référer à des sources d’informations sûres et vérifiées», fait valoir le site du gouvernement, qui liste des articles tirés de divers médias.
Sitôt dévoilée le 30 avril, l'initiative gouvernementale n'avait pas tardé à susciter une vague d'indignation notamment dans le monde journalistique, particulièrement concerné. Au micro de RT France, le rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, Arnaud Benedetti, avait estimé à ce sujet : «Dans une démocratie pluraliste, où la liberté de la presse est une condition de l'exercice démocratique, ce n'est pas à un exécutif de nous dire la façon dont nous devons lire la presse et de sélectionner ce qui, à ses yeux, constitue la bonne ou la mauvaise information.»