Marseille : un an après le drame de la rue d'Aubagne, colère et indignation sont toujours de mise
Il y a un an jour pour jour, deux immeubles de la rue d'Aubagne à Marseille s'effondraient, entraînant la mort de huit personnes. L'insalubrité de certaines habitations est pourtant toujours pointée du doigt, et la municipalité désignée coupable.
Simona, Chérif, Marie, Ouloumé, Tahar, Fabien, Pape Magatte et Julien : sans-papiers ou artistes, étudiante ou mère de famille, Français, Italienne, Tunisien : huit personnes ont perdu la vie dans le drame de la rue d'Aubagne.
Le 5 novembre 2018, à 9h05, s’effondraient deux immeubles insalubres aux 63 et 65 rue d’Aubagne, dans le quartier populaire de Noailles, en plein cœur de Marseille. A l’initiative des associations de quartiers et collectifs citoyens mobilisés depuis ce drame, huit minutes de silence ont été tenues en l’honneur des huit victimes, un an jour pour jour après les événements, par un demi-millier de personnes, à quelques mètres du trou béant laissé par les immeubles. Une banderole indiquant «ni oubli, ni pardon» était déployée.
Noailles Debout, regroupement de citoyens et d’associations ayant organisé cette cérémonie pour la commémoration du désastre, a souhaité que le «dernier jour d’une année sombre se termine dans la lumière».
Une minute de silence doit également être respectée ce 5 novembre à l'hôtel de ville de Marseille et les drapeaux, déjà en berne le 4 novembre, le resteront toute la journée sur la façade de l'hôtel de ville. Le maire (Les Républicains) de la ville, Jean-Claude Gaudin, a également fait savoir qu'une plaque commémorative serait implantée plus tard sur les lieux du drame. L'édile marseillais a choisi de ne pas participer au huit minutes de silence organisée sur les lieux du drame, estimant que sa «présence sur place [ne] soit pas souhaitée» et cherchant ainsi «l’apaisement».
La tristesse et le recueillement n'effacent pas la colère et l’indignation
Le maire LR de Marseille est en ligne de mire des collectifs citoyens qui lui reprochent sa trop faible action contre d’insalubrité de nombreux logements de la ville. Plusieurs de ces associations assurent par ailleurs que l’effondrement des deux bâtiments de la rue d'Aubagne étaient prévisible. En effet, selon eux, beaucoup de signaux étaient au rouge tels que des murs branlants et fissurés, des portes qui ne fermaient plus, des fuites d’eau dans certains appartements ou encore de l’eau stagnante dans les caves.
Jean-Claude Gaudin, en poste depuis 24 ans à la tête de la cité phocéenne, est ainsi accusé de ne pas s’être occupé des logements indignes de la ville.
Selon Patrick Mennucci, conseiller municipal (parti socialiste) de Marseille, la responsabilité incombe au maire phocéen. «[C’est] la municipalité de Jean-Claude Gaudin [et] l’équipe métropolitaine de Martine Vassal [qui] portent une énorme responsabilité dans cette tragédie et dans la mort des huit personnes, qui a été la conséquence d’une politique de désintérêt total pour les pauvres et pour ce quartier défavorisé», a-t-il déclaré au micro de RT France. Patrick Mennucci évoque même «25 ans d’incurie de cette municipalité» à l’égard des habitations insalubres.
Drame de la rue d'Aubagne : «La municipalité [...] porte une énorme responsabilité» selon Patrick Mennucci (@patrickmennucci)#RuedAubagne#Marseille#logement@Lilaafa_RTpic.twitter.com/ohBoQBEvet
— RT France (@RTenfrancais) 5 novembre 2019
Jean-Claude Gaudin : «L’arbre marseillais ne [doit pas] cache[r] la forêt nationale !»
Face à ces accusations, l'édile marseillais a fait valoir que l’insalubrité des logements constituait un problème national et non propre à Marseille. Le maire a soutenu qu'entre 400 000 et 800 000 logements en France étaient insalubres, et donc que «l’arbre marseillais ne cache pas la forêt nationale !»
De fait, dans l'ensemble du pays, environ 1,3 million de personnes vivent dans «des logements qui menacent leur santé et leur sécurité», selon la Fondation Abbé Pierre.
Jean-Claude Gaudin s’est également présenté, lors d'une conférence de presse du 4 novembre à la mairie, comme victime d’une situation sur laquelle il n’aurait que peu de pouvoir, déplorant des «complexités législatives» et s'en remettant à l’aide de l’Etat.
Selon une source au ministère du Logement citée par l'AFP, sur 240 millions d’euros sur dix ans promis après l’effondrement des deux bâtiments rue d’Aubagne, l'Etat n’en a engagé jusqu’à présent que 17 millions. La municipalité phocéenne a quant à elle investit 14 millions d’euros, selon Jean-Claude Gaudin. Enfin, 90% des personnes délogées par précaution à la suite du drame ont aujourd’hui été relogées, soit 3 200, fait valoir l’élu.
Les membres des divers collectifs citoyens ne sont convaincus par les propos du maire. Badra Delhoum, membre d'un collectif citoyen, a même estimé le 4 novembre lors d'une conférence de presse que si Jean-Claude Gaudin avait choisi de ne pas se rendre aux commémorations sur les lieux du drame le 5 novembre, «c'est qu'il n'a pas la conscience tranquille».
Une partie des immeubles de la ville encore insalubres
Certaines familles endeuillées ont décidé de porter plainte à l’encontre de la ville de Marseille, qui détiendrait, souvent indirectement par le biais de sociétés mixtes telle que Marseille Habitat, une partie des immeubles insalubres que compte la municipalité. Mediapart a récemment décompté 68 immeubles «à l’abandon, passés entre les mains de la Ville».
«Un an après le drame de la rue d'Aubagne, 100 000 personnes vivent encore dans des taudis» à Marseille, sur 860 000 habitants, regrette de son côté la Fondation Abbé Pierre.
Le procès à l’encontre de la municipalité marseillaise sur le cas précis du drame de la rue d'Aubagne prendra du temps. Ouverte pour «homicides involontaires aggravés par manquement aux obligations de prudence ou de sécurité», l’enquête prendra «cinq ans minimum», selon Brice Grazzini, avocat de trois familles endeuillées.
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