Acte 45 et marche pour le climat : trop de gaz pour les ONG, mais bonne stratégie pour les policiers

Acte 45 et marche pour le climat : trop de gaz pour les ONG, mais bonne stratégie pour les policiers© Pascal Rossignol Source: Reuters
Les manifestants dispersés au gaz lacrymogène à Paris lors de l'acte 45 (image d'illustration).
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L'acte 45 des Gilets jaunes était annoncé à haut risque en raison de possibles débordements d'éléments violents qui envisageaient de se mêler à la marche pour le climat. Les ONG crient au scandale, mais les policiers saluent une réussite.

Depuis plusieurs jours, la sphère médiatique bruissait d'avertissements : l'acte 45 serait «à haut risque» (selon BFM TV) et une source policière du renseignement a confirmé auprès de RT France, le 20 septembre une information d'un journaliste de Valeurs actuelles en date du 18 septembre : la direction du renseignement de la préfecture police de Paris craignait une «incrustation» d'éléments violents dans les manifestations sociales et pour le climat, avec «plusieurs centaines de black blocs et d'antifas attendus» :

Dès le début d'après-midi, le 21 septembre, la préfecture de police a effectivement annoncé qu'un black bloc s'était constitué au sein de la marche pour le climat, et le chiffre d'un millier de personnes issues du black bloc a été avancé, notamment par l'AFP qui a cité la préfecture. Cette dernière demandait donc aux manifestants pacifiques de se «désolidariser» des éléments violents.

Si les forces de l'ordre étaient présentes en grand nombre dans la capitale avec avec 7 500 policiers et gendarmes sur le terrain dont une soixantaine d'unités de forces mobiles, la marche pour le climat a effectivement été infiltrée par des éléments qui étaient venus pour en découdre avec les autorités.

Un usage intensif du gaz lacrymogène de type CS a donc été constaté sur place, notamment par des reporters de RT France pris dans des nuages de ce produit.

Plusieurs organisations non-gouvernementales se sont indignées de la manière de faire des forces de l'ordre le 21 septembre. Interrogé par l'AFP, le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, a notamment estimé que les forces de l'ordre auraient pu agir différemment, regrettant une «réponse disproportionnée» : «Il n'y avait aucune raison que des gaz lacrymogènes se retrouvent dans le cortège, les black blocs n'étaient pas infiltrés à l'intérieur du cortège. Pour nous, c'était assez gérable de faire la différence entre les black blocs et le reste de la manifestation.»

Dans un communiqué en date du 22 septembre, Amnesty International a également dénoncé des «tirs intensifs de gaz lacrymogène sur une foule très largement composée de manifestants pacifiques» et des «centaines de personnes nassées». Et de déplorer : «Le maintien de l’ordre ne doit pas entraver le droit de manifester, ce qui a été le cas dans le cadre de cette marche pour le climat».

Les syndicats de police saluent la «réussite» du préfet Lallement

Les syndicats des forces de l'ordre pour leur part se montrent assez univoques sur cette journée de maintien de l'ordre et saluent unanimement «une réussite» des opérations policières au cours du 21 septembre. La manière de faire du préfet de police Didier Lallement séduit notamment le syndicat Unsa-Police, traditionnellement attaché à la défense des compagnies républicaines de sécurité (CRS). Contacté par RT France, Philippe Capon, secrétaire général de ce partenaire social s'est ainsi félicité : «Les groupes radicaux annonçaient une catastrophe, mais on a globalement eu une bonne gestion. Le préfet [de police de Paris] Lallement est dans les clous, je trouve, et il a adopté une bonne stratégie avec de la mobilité et une évolution de doctrine positive qui nous permet d'arriver plus tôt sur les incidents au lieu de laisser faire et de ne pas intervenir comme ça a été le cas auparavant. Conformément à nos demandes, on remarque aussi plus d'initiative accordée au terrain.»

Syndicaliste et policier, Philippe Capon a aussi un petit mot pour les ONG qui poussent des cris d'orfraie : «Si on sait que certaines ONG comme Greenpeace sont connues pour ne pas aimer la police, il faut rappeler que les forces de l'ordre interviennent justement pour que les marches comme celle pour le climat aient lieu. Les policiers sont nécessaires parce que les services d'ordre de ces groupes sont débordés par les radicaux violents. Par ailleurs, on voit des gens qui emmènent leurs enfants dans des manifestations non-déclarées de Gilets jaunes le samedi alors qu'on a prévenu toute la semaine que ça allait être dangereux... Moi-même, en tant que parent, je ne trouve pas ça normal.»

Le délégué général du syndicat Alliance, Frédéric Lagache, se félicite également au téléphone de la doctrine de maintien de l'ordre voulue par Didier Lallement et qui favorise la mobilité des unités d'intervention. Le syndicaliste apprécie particulièrement l'usage des BRAV-m (Brigade de répression de l'action violente motorisée) qui se déplacent en deux roues dans les manifestations : «Les BRAV sont mobiles et formées aux violences urbaines. La doctrine a évolué et c'était nécessaire. De ce point de vue, c'est une réussite. Quand on a des éléments violents de type black bloc infiltrés dans d'autres manifestations, on utilise le gaz lacrymogène et pas le LBD, c'est une question d'adaptation. Mais c'est la doctrine qui a évolué, pas le matériel utilisé. Qu'est-ce qui nous reste de toute façon comme moyen intermédiaire à part ça ? Il n'y a que le gaz. Le risque zéro n'existe pas, mais pour les policiers non plus... De mémoire pendant les manifestations contre la loi El Khomri en 2016, il y a eu quelque 700 policiers blessés.»

La tactique prônant «mobilité et réactivité» est revendiquée par le préfet Lallement et un officier de police anonyme cité par l'AFP a ainsi résumé : «Le choix opérationnel, qui n'est autre qu'un choix dicté par le politique, est : "Maintenant vous leur rentrez dans le lard."»

A vaincre sans péril...

L'ancien commandant de police, Jean-Pierre Colombies, contacté par RT France, a pour sa part tempéré les remarques optimistes des syndicats majoritaires de police et évoqué une «victoire à la Pyrrhus» : «Depuis le début de ce mouvement, le gouvernement joue les matamores, mais pour qu'il y ait une victoire, il faudrait déjà qu'il y ait une bataille, or là, ce qu'on voit ce sont des mobilisations bien moindres comparativement à celles du commencement des Gilets jaunes. Il ne faut pas exagérer l'ampleur de la mobilisation. Les annonces enfiévrées de la semaine précédente traduisent surtout la trouille que dégagent nos politiques. Ils n'ont pas de projets et ils gèrent au coup par coup... Alors on peut parler de victoire si on admet qu'il n'y avait rien en face ou presque, quelques échauffourées ici ou là, tout au plus. Mais les flics sont ultra-mobilisés pour permettre ces petits chants de victoire et pendant ce temps-là, on a un ministre de l'Intérieur dont tout le monde a peur non pas parce qu'il serait brillant, mais parce qu'on craint qu'il dise des conneries à chaque prise de parole ! Mais c'est ce qui arrive quand on n'a plus que des courtisans au pouvoir, et ce problème se répercute également dans cette institution policière où on n'a rien fait pour promouvoir l'intelligence pendant des années. On a rigidifié les rapports, promu les plus serviles et cherché à militariser les mentalités pour parvenir à une grande muette bis, mais ce n'est pas dans la nature de la police.»

Force est de constater que les blessures les plus graves qui ont été observées au cours de l'hiver 2018-2019 dans les manifestations des Gilets jaunes (notamment celles au niveau du visage, des yeux et des membres) n'ont plus cours depuis plusieurs mois. Faut-il en conclure qu'une évolution de doctrine policière, allant vers plus de mobilité et avec des annonces au porte-voix, est à l'origine de cette embellie ? Faut-il se féliciter de voir le bâton souple de défense et le lacrymogène être plus utilisés dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre au lieu du lanceur de balles de défense et des grenades GLI-F4 ? Ou faut-il avant tout y voir une baisse de la mobilisation des Gilets jaunes dans les grandes villes au profit d'individus plus mobiles et plus aguerris ? Les éléments les plus violents des black blocs et du mouvement antifa ont, en tout cas, été désignés comme les responsables de la radicalité au sein de ces manifestations par les autorités. Les Gilets jaunes et tous les autres participants à des mouvements sociaux sont donc prévenus : la désolidarisation vis-à-vis de ces groupes est de mise dorénavant.

Antoine Boitel

Lire aussi : Heurts lors de la marche pour le climat à Paris, infiltrée par 1000 manifestants «radicaux» (IMAGES)

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