L'écologie, cause majeure pour LREM ? Les promesses à l'épreuve des décisions de l'exécutif
La parti présidentiel définit l'écologie comme l'«axe central» de son projet européen. Or, manifestants écologistes et responsables d'EELV, entre autres, dénoncent la timidité du gouvernement sur les questions environnementales.
Un des derniers projets du ministère de la Transition écologique prévoit de supprimer l'avis d'une commission de protection de la nature en cas de grande construction. Cela n'a pas empêché le président Emmanuel Macron, après avoir reçu les scientifiques du rapport alarmant de l'ONU sur la biodiversité (IPBES) le 6 mai, de faire des annonces pour préserver l'environnement. La part des aires marines et terrestres protégées sera portées à 30%, un «bilan» sera demandé pour lutter contre l'artificialisation des sols... Ce même jour, la liste Renaissance de La République en marche (LREM) et son allié du MoDem pour les élections européennes avait décidé de consacrer son meeting parisien à la transition écologique, décrite comme un «axe central du projet».
"Notre programme vise à bâtir une Europe puissante, car sans Europe forte il ne peut pas y avoir une France forte dans le monde d'aujourd'hui."
— Renaissance (@Renaissance_UE) 6 mai 2019
— @NathalieLoiseaupic.twitter.com/jvXYATVikJ
Pour Yannick Jadot, chef de la liste Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour les européennes, les intentions de la liste Renaissance ne sont rien d'autre que du «greenwashing», qui consistent à dégainer des arguments écologistes pour travestir la réalité. Il a fustigé sur France Info Nathalie Loiseau, qui porte le projet LREM aux européennes, épinglant «un modèle libéral technocratique, destructeur de la planète, qui organise la compétition de tous contre tous». L'eurodéputé écologiste a également critiqué les annonces d'Emmanuel Macron sur la biodiversité, estimant qu'il avait éludé les grands dossiers écologiques du pays : «Aucun projet de destruction de la biodiversité annulé (contournements autoroutiers, importations d’huile de palme, mines d’or, pesticides...). Aucune rupture ! Nos enfants vous accuseront.»
Un million d’espèces menacées et un big bang de mots qui fait pschitt. Aucun projet de destruction de la biodiversité annulé (contournements autoroutiers, importations d’huile de palme, mines d’or, pesticides...). Aucune rupture ! Nos enfants vous accuseront @EmmanuelMacron !
— Yannick Jadot (@yjadot) 6 mai 2019
Ces écologistes listes européennes
Il n'est pas étonnant que, à l'heure où la plupart des listes européennes françaises, de droite comme de gauche, réservent à l'écologie une large place, les candidats de la liste présidentielle fassent valoir une ambition verte. Le numéro 2 de Renaissance, Pascal Canfin, ancien directeur de l'ONG de protection de l'environnement WWF, et la numéro 5 Catherine Chabaud, navigatrice, se présentent comme des militants de la cause. Leur insertion dans la liste n'est pas sans rappeler celle de Nicolas Hulot, numéro 2 du gouvernement Macron en 2017, qui a lui jeté l'éponge après un an, considérant ne pouvoir assurer sa mission de protection de l'environnement.
Si les propositions du camp présidentiel pour l’environnement en France sont minimalistes, selon, notamment, les écologistes d'EELV, quid de son programme pour l'Europe ? Le 5 mai, sur France Inter, Nathalie Loiseau a évoqué «l’épargne des Européens» qui se pourrait se diriger vers la transition écologique, «la première urgence», afin de financer un plan d’investissement de 1 000 milliards d’euros d’ici à 2024. Elle souhaite aussi la création d’une «banque européenne du climat», la fin des voitures à essence et diesel d'ici 2040 et la taxation du kérosène sur les vols au sein de l’Union européenne.
Un décalage avec l'attente citoyenne pour l'environnement ?
L'exécutif et la majorité présidentielle, néanmoins, subissent depuis ces derniers mois une volée de bois verte de la part de militants et manifestants qui jugent leur bilan environnemental désastreux.
1 400 artistes du collectif Yellow Submarine, parmi lesquiels Juliette Binoche, Laurent Cantet et Emmanuelle Béart, ont signé une lettre ouverte intitulée «Gilets jaunes : Nous ne sommes pas dupes !», dans laquelle ils dénoncent l’inaction, selon eux, de l'exécutif en matière environnementale. «Nous devons – c’est une urgence historique – affronter collectivement la crise écologique et trouver des solutions justes et efficaces, afin de laisser un monde vivable à nos enfants. [...] Ce gouvernement n’a cessé de reculer sur la question pour ne pas inquiéter les responsables du désastre annoncé. Les Gilets Jaunes le dénoncent comme les militants écologistes», écrivent-ils.
#NousNeSommesPasDupes
— RT France (@RTenfrancais) 6 mai 2019
Pour les signataires, les #GiletsJaunes réclament des choses essentielles :
- Une #démocratie plus directe 🗳
- Une plus grande #JusticeSociale et fiscale ⚖️
- Des mesures radicales face à l’#EtatDurgenceEcologique 🌍https://t.co/x9YUfbLFcP
Ce gouvernement n’a cessé de reculer sur la question pour ne pas inquiéter les responsables du désastre annoncé
Cette tribune n'est que le dernier avatar de mobilisations citoyennes sur le sujet, depuis la fin de l'année 2018. Le collectif «L'affaire du siècle», qui a réuni 2 millions de personnes autour d'une pétition pour attaquer l'Etat en justice pour inaction climatique en décembre, vient de faire paraître son Manifeste pour une justice climatique le 14 avril. Le 19 avril, 2000 activistes ont bloqué le quartier de la Défense et les sièges de multinationales, fustigeant «Macron, le président des pollueurs», à longueur de pancartes. Avant la grande manifestations à Paris, de nombreux lycéens et collégiens s'étaient réuni chaque vendredi en France, séchant les cours pour manifester pour le climat.
Ailleurs en Europe, quelques décisions politiques fortes ont marqué cette période. Mi-avril, la Norvège s'est opposé ainsi au forage dans les îles Lofoten. Au Royaume-Uni, le Parlement a adopté le 1er mai un texte proclamant «l’urgence climatique et écologique» après quelques manifestations d'activistes. Pendant ce temps, les environnementalistes et les citoyens mobilisés dénoncent l’immobilisme voire la régression de la France en matière d'écologie.
A l'heure de l'extinction des espèces, un nouveau décret porte atteinte à la biodiversité française
Une seule décision en matière écologique a émané du grand débat national : la participation de 150 citoyens tirés au sort au Conseil économique social et environnemental (qui existe déjà mais mutera en «Chambre de la participation citoyenne» chargée de produire des rapports ou de donner des avis sur certaines lois). Le gouvernement a promis, en outre, de fermer les quatre dernières centrales à charbon d'ici 2022. Mais ces dernières ne fournissaient en 2017 plus que... 1,8 % de l’électricité consommée. Le France s'est aussi bien engagée à sortir du glyphosate en trois ans, mais ne garantit aujourd'hui pas que les délais seront respectés pour 100% des agriculteurs puisque, selon les propres termes de Nathalie Loiseau sur BFMTV le 6 mai, il convient de ne «laisser personne sans solution». Le bilan est donc limité.
Le ministère de la Transition écologique a en outre proposé le 16 avril à la consultation publique un projet de décret visant à simplifier les procédures d’autorisation environnementale lors des projets d'aménagement. Lors de la construction d'infrastructures, d'autoroutes, de grandes surfaces, le Conseil national de protection de la nature (CNPN) donnait jusqu’ici un avis consultatif afin de protéger les espèces menacées par l’implantation d'un grand projet. Même si ce conseil ne conditionnait rien, il permettait de soulever la question de la destruction des espèces. Or ce projet de simplification propose de passer outre, à 80% et de solliciter d'autres instances beaucoup plus souples. Ce décret qui fait déjà scandale fait face à plus de 2 000 contributions citoyennes hostiles et autres commentaires indignés qui dénoncent une décision ouvrant la voie à un saccage élargi des espaces naturels. EELV a ainsi dénoncé un «coup de poignard» contre le CNPN, tandis qu'Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart, s'est élevé contre cette atteinte à la protection des espèces menacées pour «faciliter les travaux d’aménagement».
Alors que l’alarme sur l’effondrement du vivant n’a jamais été aussi forte, le gouvernement veut priver le Conseil national de protection de la nature de sa capacité à protéger les espèces menacées. Motif ? Faciliter les travaux d’aménagement ! @Mediaparthttps://t.co/gY8QYVJCbB
— Edwy Plenel (@edwyplenel) 6 mai 2019
L'ambition jugée trop limitée du gouvernement et de la majorité présidentielle en matière d’environnement en France permet, pour leurs détracteurs, les grandes annonces de campagne de Renaissance sur l'écologie ne peuvent être que, au mieux, des vœux pieux.
Lire aussi : Des militants écologistes bloquent plusieurs sites à La Défense (IMAGES)