GPA : la CEDH juge la retranscription des actes de naissance étrangers en France non obligatoire
- Avec AFP
La CEDH a tranché l'épineuse question des actes de naissance étrangers des enfants nés de GPA. Elle a jugé que leur retranscription dans le droit français ne s'imposait pas mais que la reconnaissance des bébés se fasse rapidement, via l'adoption.
La filiation des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui (GPA) doit être reconnue pour la «mère d'intention» mais la retranscription des actes de naissance n'est pas obligatoire, a estimé dans un avis consultatif la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le 10 avril.
Les réseaux pro-vie et anti-GPA se battent justement contre la retranscription des actes, qui rend valide l'extrait d'acte de naissance français et reconnait le lien biologique entre les parents français et l'enfant. Selon eux, cette procédure encouragerait la mise en œuvre de la GPA.
Ce premier avis consultatif a été rendu à la demande d'un couple français, les Menneson. Leurs jumelles sont nées il y a 19 ans par GPA aux Etats-unis, et ils n'ont à ce jour pas pu obtenir d'acte de naissance en France.
«Le droit au respect de la vie privée de l'enfant [...] requiert que le droit [...] offre une possibilité d'un lien de filiation entre l'enfant et la "mère d'intention"», celle qui a désiré et élevé l'enfant mais n'en a pas accouché, écrit la juridiction européenne dont l'avis, consultatif, avait été sollicité en octobre par la Cour de cassation française sur la question du statut de la «mère d'intention». L'avancée pour ces couples : cette filiation doit, selon la CEDH, être reconnue au plus vite, même si la GPA est une méthode de procréation interdite en France.
Filiation avec la «mère d'intention» certes, mais par l'adoption
Cependant, ajoute la cour dans son avis valable pour tous les pays européens, cela n'impose pas «que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l'état civil de l'acte de naissance légalement établi à l'étranger», suggérant notamment qu'elle se fasse par «l'adoption de l'enfant par la mère d'intention», et ce uniquement dans le cadre d'un couple marié.
L’adoption [...] produit des effets de même nature que la transcription de l’acte de naissance étranger
«D’autres voies peuvent servir convenablement cet intérêt supérieur [de l’enfant], dont l’adoption qui, s’agissant de la reconnaissance de ce lien, produit des effets de même nature que la transcription de l’acte de naissance étranger», précise l'avis. La procédure d'adoption devra donc être facilitée et accélérée pour ces couples.
Cette décision, qui consacre le droit à la filiation entre un enfant né par GPA à l'étranger et la «mère d'intention», est une victoire en demi-teinte pour les époux Mennesson. Sur les documents américains, Sylvie et Dominique Mennesson apparaissent comme seuls père et mère. Un précédent jugement en cour de cassation en 2017 avait admis la transcription de l’acte de naissance à l’égard du père d’intention dont le patrimoine génétique avait été utilisé. En octobre 2018, Dominique Mennesson avait pu être reconnu comme géniteur de l'enfant en France : «La transcription de l’acte a été admise en tant qu’il désigne le "père d’intention", père biologique de l’enfant.»
Aucun lien biologique n'existe en revanche entre Sylvie et ses filles selon le droit hexagonal : la mère porteuse avait reçu un don d'ovocytes d'une amie du couple. Et selon un principe de droit romain repris par la loi française, la mère reste celle qui accouche.
Interrogé par l'AFP, Me Patrice Spinosi, l'avocat du couple, a évoqué une «victoire mesurée»: «La CEDH pose comme un principe fondamental général la reconnaissance de la filiation entre l'enfant et le parent d'intention». Elle pose aussi «les conditions d'effectivité et de célérité [en ce qui concerne l'adoption]. Dans le cas des Mennesson, qui attendent depuis 18 ans d'établir la filiation avec leurs filles, elles ne sont pas réunies», a-t-il ajouté.
Cet avis de la CEDH est le premier du genre : la cour de cassation française a fait usage d'une disposition, entrée en vigueur le 1er août dernier et qui permet aux juridictions suprêmes de douze pays européens de saisir la Cour à titre consultatif.