Indignation après une agression transphobe par des manifestants anti-Bouteflika
Le 31 mars, à Paris, des manifestants anti-Bouteflika s'en sont pris à une passante transgenre. Mehdi Aïfa, président de l'Amicale des jeunes du refuge, déplore l'«importation» de violences transphobes survenant d'ordinaire au Maghreb.
Une vidéo d'agression transphobe, largement relayée sur internet, a provoqué l'indignation sur Twitter. On y voit une personne transgenre, qui déambulait place de la République le 31 mars vers 20h30, où se tenait un rassemblement anti-Bouteflika, s'y faire chahuter puis frapper par des manifestants.
Des manifestants, dont certains arborent le drapeau algérien, lui lancent d'abord en arabe des propos tels que «Viens chercher du chocolat», «ma petite friandise», tandis qu'un homme et une femme venus assister au rassemblement tentent de la dissuader de traverser la place et de lui venir en aide. La personne transgenre avance tout de même, et une pluie de coups s'abat alors sur elle, assénés par plusieurs hommes.
Agression verbale et physique #transphobe place de la République à Paris. Effet de meute insupportable contre cette personne. Nous adressons tout notre soutien à la victime. Les auteurs de ces actes doivent être sanctionnés. Cc: @Lyes_Alouanepic.twitter.com/Kz1aCPvcuk
— SOS homophobie (@SOShomophobie) April 2, 2019
La victime, tétanisée, reste quasi-immobile. Une équipe de sécurité de la RATP surgit alors et intervient pour la protéger.
Les associations SOS Homophobie et l'Amicale des jeunes du refuge ont condamné ces violences. Certains responsables politiques ont également réagi, comme le maire de Paris, Anne Hidalgo, qui a souhaité que «les coupables de cet acte intolérable» soient «identifiés et poursuivis».
Indignée par cette agression transphobe, que je condamne avec la plus grande fermeté. Je tiens à assurer la victime de tout mon soutien. Les coupables de cet acte intolérable doivent être identifiés et poursuivis. https://t.co/w2gdNeiwaG
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) April 2, 2019
Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, a qualifié cette agression d'«inadmissible» et appelé à traduire en justice ses auteurs.
Cette agression manifestement transphobe en plein Paris est inadmissible !
— 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) April 2, 2019
Que les auteurs soient identifiés et poursuivis en justice.
Les #LGBT+ phobies ne sont pas des opinions mais de la bêtise et de la haine.
Elles agressent et tuent. https://t.co/vbSL2h6kIH
Une enquête avait été ouverte par la police du 3e arrondissement le jour de l'agression, avant même la diffusion de la vidéo. Franceinfo a précisé qu'une personne avait été mise en garde a vue et relâchée depuis. La victime aurait confié à la chaîne d'info qu'elle a également été agressée sexuellement au cours de l'incident.
«Est-ce que la victime va porter plainte ? Les agressions contre les personnes transgenres sont fréquentes mais elles engagent rarement des poursuites», s'inquiète Mehdi Aïfa, président de l'Amicale des jeunes du refuge, interrogé par RT France. L'associatif estime que «cette sorte de scène arrive souvent dans les pays du Maghreb». «Quand on voit cette vidéo, on se dit que ça se passe en Algérie... Mais non, c’est en France, et c'est très frappant ! Heureusement que l'équipe de sécurité est intervenue car sinon, ça peut aller jusqu'au lynchage ou jusqu'au meurtre», juge-t-il.
Selon lui, ces agresseurs «reproduisent sur le territoire français des expressions de haine LGBTphobe qui ont souvent cours dans les pays du Maghreb».
«Seule une personne d'origine maghrébine comme moi peut comprendre que le même schéma est à l'œuvre dans ces pays, et peut se reproduire en France. Quelle est la motivation de ces agresseurs ? J'attends la personne qui va m’expliquer», observe-t-il.
Des propos transphobes ou homophobes sont tenus avec des justifications religieuses ou communautaires par ce type d'agresseurs
Pour Mehdi Aïfa, l'homosexualité est décriée dans les pays du Nord de l'Afrique, et il rappelle qu'elle est passible de prison en Algérie. Elle l'est d'ailleurs également au Maroc et en Tunisie. «Au Maghreb, un homosexuel est la honte de la communauté, il faut dire ce qui est. Il ne faut pas être à ce point là aveugle et noyer le poisson à propos d'une réalité, par peur d'être traité de raciste ou d’islamophobe : des propos transphobes ou homophobes sont tenus avec des justifications religieuses ou communautaires par ce type d'agresseurs», estime-t-il. «Mais dire ce genre de choses est condamné par une gauche aveugle et par une partie des associations de lutte contre l’homophobie qui n’ont pas le courage de dénoncer ces actes. Les gens n'ont pas le courage de nommer les choses, mais cela retombe sur les victimes. Par ailleurs, l'homophobie est plus virulente et plus agressive dans les quartiers sensibles, mais les gens veulent nier cette réalité», déplore-t-il.
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