Affaire Benalla : Edouard Philippe tacle les recommandations «injustes» du rapport sénatorial
Edouard Philippe a vertement critiqué le rapport de la commission des lois du Sénat sur l'affaire Benalla, qui épingle notamment l'exécutif. Pour le Premier ministre, les commissaires se sont livrés à «une appréciation très politique».
Le 21 février aux abords de Matignon, Edouard Philippe a réagi dans une courte vidéo au rapport accablant de la commission des lois du Sénat sur l'affaire Benalla. Un rapport qui, entre autres, s'inquiète de «dysfonctionnements majeurs» au sommet de l'Etat.
#Benalla : la commission d’enquête constituée par le Sénat a rendu hier ses conclusions. Ma réaction : pic.twitter.com/ytnnfEYoS0
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) 21 février 2019
Edouard Philippe a critiqué l'«appréciation très politique» de la commission présidée par le sénateur républicain (LR) Philippe Bas. «Je n'en suis pas surpris», ajoute-t-il, se disant «un peu déçu». Le chef du gouvernement observe également des recommandations «incompréhensibles et souvent injustes» concernent «un certain nombre de fonctionnaires qui travaillent auprès du président et notamment le secrétaire général de l'Elysée [Alexis Kohler]». Ce dernier est soupçonné pour son pantouflage de possible conflit d'intérêts. Or, pour Edouard Philippe, nul doute, Alexis Kohler est «un grand serviteur de l'Etat».
Le Premier ministre défend la séparation des pouvoirs, sauf que...
Si le Premier ministre reconnaît que la commission d'enquête est «dans son rôle» en formulant des recommandations sur le fonctionnement du gouvernement – celui-ci étant «responsable devant le Parlement» – il se dit toutefois «un peu surpris» que ces recommandations «concernent explicitement [...] la présidence de la République et l'Elysée». Pour lui, «traditionnellement la séparation des pouvoirs fait qu'il n'appartient pas, ni à l'Assemblée nationale, ni au Sénat, de se prononcer sur l'organisation interne de la présidence de la République». Il rappelle également que la présidence de la République «ne se mêle pas de l'organisation interne» du Sénat. Léger problème : l'actuel locataire de l'Elysée Emmanuel Macron a été accusé, d'après des informations publiées par L'Obs en septembre dernier, d'avoir directement contacté le président du Sénat, Gérard Larcher, pour se plaindre des travaux de la commission des lois du Sénat.
La commission des lois du Sénat a pour sa part réagi en affirmant dans un communiqué avoir «scrupuleusement respecté» le principe de séparation des pouvoirs, soulignant que «la mission fondamentale du Parlement dans ses pouvoirs de contrôle [doit être] pleinement respectée»
Vers la «démocrature» ?
Au diapason de macronistes tels que la garde des sceaux Nicole Belloubet ou le ministre de la cohésion des territoires Jacqueline Gourault, Edouard Philippe atteste par ailleurs que l'affaire Benalla part d'une «dérive personnelle». Ni scandale politique, ni affaire d'Etat donc...
Affaire #Benalla : @NBelloubet évoque une "dérive personnelle" et invite @MathildePanot à "attendre les réponses de la Justice". #DirectAN#QAGpic.twitter.com/1gkYelgenL
— LCP (@LCP) 12 février 2019
"Le président et l'Elysée s'organisent avec les équipes qu'ils veulent.. Il y a eu une erreur avec #Benalla. Insuffisances de contrôles mais l’exécutif n'y est pour rien. C'est la dérive personnelle d'un homme qui a pris la grosse tête. Ça arrive" @j_gourault#SudRadioMatin
— Sud Radio (@SudRadio) 21 février 2019
«La séparation des pouvoirs implique que le Parlement ou le gouvernement ne se saisisse pas du déroulement interne d'une procédure judiciaire» conclut Edouard Philippe, qui souhaite «l'indépendance du pouvoir judiciaire». Cependant, le ministre de la justice Nicole Belloubet a déjà été critiquée par le monde politique et judiciaire pour avoir outrepassé ses fonctions en devenant un «conseil juridique», voire une avocate d'Alexandre Benalla, lorsque celui-ci refusait de répondre aux questions des sénateurs.
Peu après la déclaration d'Edouard Philippe, le sénateur socialiste Patrick Kanner averti sur Public Sénat que «le Parlement et le Sénat n’a[vaient] pas à satisfaire ou décevoir monsieur Edouard Philippe». Il demande en outre au Premier ministre de «balayer devant sa porte» : «Si le gouvernement n’accepte plus que le Sénat soit un contre-pouvoir, il y a un danger et je dis : attention à la démocrature.»
Le 20 février, la commission des lois du Sénat a rendu un rapport cinglant sur l'affaire Benalla. Ses membres ont demandé des poursuites judiciaires à l'encontre de l'ex-collaborateur d'Emmanuel Macron Alexandre Benalla notamment pour «faux témoignage», lors de ses auditions sous serment. L'Elysée a aussi été pointé du doigt, la sénatrice LR Muriel Jourda notant «l'incompréhensible indulgence de la hiérarchie d'Alexandre Benalla, qui a conservé dans l'équipe de l'Elysée un collaborateur qui avait gravement manqué à ses devoirs».
Bastien Gouly