Inquiète des «théories du complot», l'industrie pharmaceutique veut miser sur la «transparence»
La méfiance des Français à l'égard de l'industrie pharmaceutique ne faiblissant pas, des voix de l'industrie appellent à reconnaître et expliciter les relations qu'elle entretient avec les médecins et le gouvernement.
Depuis le 1er janvier, le nombre de vaccinations obligatoires est passé de trois à 11 vaccins. Cette mesure est loin d'avoir convaincu de nombreux Français, méfiants à son égard et prompts à soupçonner le ministère de la Santé de collusion avec les laboratoires pharmaceutiques. Ces derniers chercheraient, selon eux, à «soigner» leurs bénéfices.
Ainsi, pour 55% des personnes interrogées, «le ministère de la santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins», selon les résultats d'une étude de l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et le site Conspiracy Watch, publiée le 7 janvier.
Jean-Yves Lecoq, secrétaire général du laboratoire GlaxoSmithKline France (GSK), se dit «accablé» par ce résultat dan les colonnes du magazine spécialisé dans l'industrie, L'Usine nouvelle. «C’est une croyance qui n’est pas rationnelle. Il faut revenir à la raison. Croire à une théorie du complot, c’est autre chose que de la simple méfiance», juge-t-il encore. Pour remédier à ce problème, Jean-Yves Lecoq estime qu'il est nécessaire pour les laboratoires pharmaceutiques de faire preuve de plus de transparence : «Il n’y a pas de solution magique. Nos pratiques avec les médecins, par exemple, doivent être plus transparentes, c’est indispensable.»
Une transparence qui doit en outre s'appliquer à la reconnaissance des relations entre le gouvernement et les laboratoires du médicament, selon le professeur Dominique Vinck, sociologue des sciences et de l’innovation à l’université de Lausanne. «C’est globalement l’absence d’information qui nourrit les soupçons de collusion. Autant reconnaître qu’il y a des relations et les expliciter. Toutes les entreprises ne sont pas des anges et le nier ne fait que nourrir le soupçon», affirme-t-il ainsi dans L'Usine Nouvelle.
«Vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts»
Une volonté affichée qui ne devrait pas effrayer la ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a soutenu par le passé qu'il serait dommage de se passer de la compétence d'un expert en raison de ses liens avec l'industrie pharmaceutique. «L’industrie pharmaceutique joue son rôle et je n’ai jamais crié avec les loups sur cette industrie. Il faut expliquer que vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts», aurait-elle ainsi déclaré lors d’une réunion du Nile, un cabinet de lobbying, dans des propos rapportés par Médiapart en mars dernier.
200 scientifiques parmi lesquels on trouve quelques grands noms de la médecine s'étaient d'ailleurs prononcés en faveur du projet de la ministre de faire passer les vaccins obligatoires de trois à onze.
Un projet annoncé dans la foulée de la pénurie du vaccin DTP (diphtérie, tétanos, poliomyélite), les trois seuls obligatoires à l'époque. Pour remédier à cette pénurie, les laboratoires avaient alors proposé de le remplacer par un vaccin hexavalent (contre 6 maladies) en y ajoutant la coqueluche, l’Haemophilus Influenza b et l’hépatite B. Une décision contestée par des dizaines de familles auprès du Conseil d'Etat qui ne souhaitaient pas soumettre leur enfant à d’autres vaccinations que celles qui étaient obligatoires. Le Conseil d'Etat leur avait donné raison le 8 février, demandant au «ministre chargé de la santé de prendre des mesures pour rendre disponibles des vaccins correspondant aux seules obligations de vaccination». Chose faite depuis le 1 janvier, les obligations de vaccination ayant évolué.
Lire aussi : Grèce : le groupe pharmaceutique Novartis sous le coup d’une enquête pour corruption