L'activiste Kémi Séba relaxé après avoir brûlé un billet de 5 000 francs CFA au Sénégal
- Avec AFP
Le militant controversé de la cause noire a été acquitté à Dakar, où il était poursuivi pour avoir brûlé un billet dans une manifestation contre la Françafrique. Plusieurs personnalités, comme le chanteur Alpha Blondy, avaient appelé à sa libération.
A l'issue de plus de deux heures de débats parfois houleux, le président du tribunal des flagrants délits de Dakar a prononcé le 29 août la relaxe de Kémi Séba, qui était poursuivi pour avoir brûlé un billet de 5 000 francs CFA (7,6 euros) lors d'une manifestation contre la «Françafrique» le 19 août dans la capitale sénégalaise. Un membre de son mouvement, poursuivi pour complicité pour lui avoir fourni un briquet a également été acquitté.
Le parquet avait réclamé une peine de trois mois de prison avec sursis contre Kémi Séba et la relaxe de son co-prévenu.
Le polémiste français, qui réside au Sénégal, était poursuivi sur la base d'une plainte de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), dont le siège est à Dakar.
La BCEAO, institut d'émission en Afrique de l'Ouest du franc CFA, monnaie de 14 pays francophones de l'ouest et du centre du continent, totalisant 155 millions d'habitants, réclamait pour sa part un franc symbolique en guise de dommages et intérêt.
Un acte «symbolique», se défend le militant
Kémi Séba, en détention préventive depuis son arrestation à Dakar le 25 août, a revendiqué devant le tribunal un acte «symbolique». «L'objet de la manifestation était d'exposer les méfaits de la Françafrique», a-t-il dit, se comparant à la militante américaine des droits civiques Rosa Parks.
Une centaine de ses partisans, évacués de la salle d'audience pour avoir applaudi une intervention de l'ancien dirigeant de la Tribu Ka, groupuscule dissous en France en 2006 pour antisémitisme et incitation à la haine raciale, ont bruyamment salué l'annonce de la relaxe, scandant des slogans comme «A bas la Françafrique», «A bas le CFA».
«Il n'y avait pas de condamnation possible. Il n'a pas brûlé des billets, il a brûlé un billet qui lui appartenait», a réagi son épouse, Etuma Séba.
Les avocats du militant l'ont emporté grâce à un point de droit : le code pénal sénégalais punit l'acte consistant à détruire «des» billets de banque, mais non un seul. Mais ils ont aussi porté le débat sur la légitimité du franc CFA ou sur le rôle des anciennes puissances coloniales en Afrique, en particulier la France.
Ceux de la BCEAO avaient pour leur part accusé Kémi Séba de «semer la confusion» sur la politique monétaire de l'institution et affirmé qu'il était «archi-faux» de dire que Paris disposait d'un droit de véto sur ses décisions.
Les représentants de la banque centrale ont aussi dit craindre que ses émules ne brûlent des billets en francs CFA, comme certains l'ont fait le 28 août à Cotonou, au Bénin, le pays dont est originaire Kémi Séba.
«On est quand même dans des pays pauvres. On ne peut pas s'amuser à brûler des billets. Cinq cents francs, c'est déjà un début de petit-déjeuner. Donc c'était symbolique, comme [Nelson] Mandela brûlant son passeport. Mais ça ne veut pas dire que ça va se multiplier», a dit l'un de ses avocats, Cheikh Koureyssi Bâ.
Exclusif- La BCEAO porte plainte contre Kémi Séba pour avoir brûlé un billet de banque https://t.co/uoDLKsQBzCpic.twitter.com/pH75G5RQEM
— azactu (@azactu_info) 24 août 2017
«Il n'a rien à faire en prison. Ceux qui devraient aller en prison, ce sont ceux qui affament et pillent un continent depuis des siècles», a soutenu au milieu d'une petite foule Hery Djehuty, coordinateur stratégique de l'ONG Urgences Panafricanistes fondée par Kemi Seba.
«C'est la jeunesse qui pose le débat sur la table et qui veut juste que l'Afrique puisse décider elle-même de son sort, de son avenir, de sa politique économique, et que ce ne soit plus le fait d'une puissance tierce, d'une puissance étrangère comme la France», a ajouté Hery Djehuty.
Plusieurs personnalités, dont les chanteurs de reggae africains Tiken Jah Fakoly et Alpha Blondy, avaient appelé à la libération de Kémi Séba.