Ces candidats empêtrés dans des affaires qui sont allés jusqu'au bout, avec plus ou moins de chance
François Fillon n'est pas le premier prétendant à l'Elysée à se soumettre au suffrage universel malgré des affaires gênantes. La Ve République a vu son lot de candidats s'y risquer et s'y casser les dents, pour la plupart.
C'est sans doute l'affaire la plus poignante de l'élection présidentielle de 2017 : François Fillon, candidat de la droite et du centre, est convoqué devant les juges le 15 mars pour l'emploi présumé fictif de son épouse Penelope comme collaboratrice parlementaire. Un ennui judiciaire d'autant plus pesant pour l'ex-Premier ministre, qu'il avait promis de se retirer de la course à l'Elysée s'il était mis en examen...
Par le passé, d'autres personnalités politiques, empêtrées dans des affaires, avaient également décidé de se présenter à l'élection présidentielle. Parmi elles : Jacques Chaban-Delmas et les présidents Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac.
1972 : les feuilles d'impôts de Chaban-Delmas
En bonne position pour succéder à George Pompidou, les ambitions de Jacques Chaban-Delmas ont été douchées en 1972 par le Canard enchaîné, qui a révélé qu'il n'avait pas payé d'impôt sur le revenu entre 1967 et 1970.
Profitant d'un mécanisme fiscal permettant de récupérer sur l'impôt sur le revenu les sommes déjà versées au titre de l’impôt sur les sociétés, le Premier ministre n'avait rien fait d'illégal, mais la révélation de ses documents fiscaux avait plombé l'enthousiasme populaire entourant sa candidature.
«Toutes les attaques menées contre moi, qu'il s'agisse des impôts, qu'il s'agisse de la grande fortune cachée, ne reposent strictement sur rien, sur rien d'autre que l'intention de nuire. Pour me discréditer et me disqualifier», s'était-il justifié à la télévision, le 15 janvier 1972. Deux ans plus tard, lors du scrutin de 1974, Jacques Chaban-Delmas échouera au premier tour de l'élection présidentielle, recueillant seulement 12,61% des suffrages, alors que les sondages l'avaient – un temps – crédité de plus du double des voix.
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1979 : Giscard d'Estaing et les diamants de Bokassa
Le 10 octobre 1979, le Canard enchaîné, encore lui, révèle que le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, a reçu des diamants en guise de cadeaux diplomatiques, lors de visites effectuées auprès de l'empereur de Centrafrique Jean-Bedel Bokassa.
L'hebdomadaire satirique affirme que ces présents avaient une valeur cumulée d'un million de francs, valeur contestée par la suite, mais qui aura fait son effet dans l'opinion. Utilisée comme arme par l'opposition, ainsi que par certains médias, cette affaire endommagera gravement la réputation de Valéry Giscard d'Estaing, à deux ans de la présidentielle.
Le chef de l'Etat optera pour une communication très sèche, coupant avec son image populaire et sympathique. Lors d'une interview donnée le 27 novembre 1979, il répondra sur un ton agressif à une question portant sur la valeur des présents : «Enfin, à la question que vous m’avez posée sur la valeur de ce que j’aurais reçu comme ministre des Finances, j’oppose un démenti catégorique et j’ajoute méprisant !»
Mais il peine à convaincre, et le mal s'installe dans l'opinion. Qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle de 1981, le président sortant sera battu par François Mitterrand avec 48,24% des suffrages. Une défaite historique, puisque permettant à la gauche de reconquérir le pouvoir pour la première fois depuis cinquante ans.
2002 : Chirac et les emplois fictifs de la Ville de Paris, entre autres affaires
Lorsqu’il brigue un second mandat présidentiel, en 2002, Jacques Chirac traîne déjà derrière lui un certain nombre de casseroles. La plus importante n’est autre que la fameuse affaire des emplois fictifs de la ville de Paris – pour laquelle il sera condamné à deux ans de prison avec sursis, en 2011, pour détournement de fonds et abus de confiance. Au printemps 2002, une enquête était en cours, portant sur les emplois fictifs dont auraient bénéficié des membres du RPR auprès de la mairie de la capitale, dirigée par Jacques Chirac de 1977 à 1995.
De plus, au cœur de la campagne présidentielle, le nouveau maire de Paris, Bertrand Delanoë, avait dévoilé un rapport selon lequel, entre 1987 et 1995, les époux Chirac avaient dépensé quelque 2,14 millions d’euros en «frais de réception», puisés dans les caisses municipales.
Autant de boulets qui auraient pu compromettre le maintien au pouvoir de Jacques Chirac, si celui-ci n’avait pas bénéficié d’un concours de circonstances politiques favorable : l’éclatement de la gauche au premier tour de la présidentielle, qui a conduit à l’élimination du socialiste Lionel Jospin ; puis le face-à-face avec Jean-Marie Le Pen au second tour, qui a projeté 82% des électeurs dans les bras de Jacques Chirac. De très nombreux Français avaient alors eu le souci de faire barrage à «l’extrême droite».
Des militants de gauche, lors de l’entre-deux-tours, appelaient d'ailleurs à voter Chirac contre Le Pen avec le slogan : «Votez escroc, pas facho» !
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