A 180 degrés : les revirements les plus flagrants des candidats à la présidentielle
Réforme de la Sécurité sociale, conflit israélo-palestinien, remboursement de l'IVG, Union européenne, temps de travail. Autant de sujets emblématiques sur lesquels les candidats se démarquent par leurs propositions... et leurs volte-faces.
Certains sont élus depuis 35 ans, comme François Fillon, d'autres ne se sont jamais présentés face aux Français lors d'une élection, comme Emmanuel Macron : au cours de carrières politiques plus ou moins longues, les principaux candidats à la présidentielle de 2017 ont eu l'occasion de soutenir des mesures avec conviction... avant de les renier. Ces revirements sont parfois le fruit d'une évolution assumée, parfois en rupture brutale avec leurs convictions précédentes - quoi qu'il en soit, ils sont toujours révélateurs de la manière dont les candidats cherchent à se positionner les uns par rapport aux autres.
Manuel Valls : le maire pro-palestinien devenu ministre pro-israélien
L'ancien Premier ministre de François Hollande a été maire d'Evry de 2001 à 2012, en banlieue parisienne. Sa ville est alors jumelée avec le camp de réfugiés palestiniens de Khan Younès. «Je refuse qu’on me traite d’antisémite quand je dis non à l’occupation de la Palestine», explique-t-il, assumant son engagement sur cette question. Manuel Valls soutient par ailleurs la création d'un Etat palestinien.
Chaque année, l'association Evry-Palestine organise les «Six heures pour la Palestine» avec le soutien de la municipalité, parfois même dans la salle du conseil municipal. Alors qu'Israël conduit une opération militaire pour occuper la Cisjordanie en 2002, il prononce un discours dans sa commune afin de dénoncer «la poursuite de la colonisation qui viole le droit international», affirmant vouloir annuler l’accord d’association Union européenne-Israël. En 2008, il commémore la Journée de la Terre du 30 mars 1976 en plantant un olivier dans sa commune et prononce alors un discours engagé.
En 2009, l'heure est au changement : Manuel Valls refuse que sa mairie accueille l'événement «Six heures pour la Palestine», supprime les subventions à l'association Evry-Palestine et finit par interdire un débat qu'elle devait organiser en 2011, au motif qu'elle «défend des thèses radicales». Il dénonce également les campagnes de boycott des produits israéliens en France. En 2011, alors que le PS y est pourtant majoritairement favorable, il s'oppose à la reconnaissance d'un Etat palestinien par l'ONU, position qu'il continuera à tenir sur la durée. La rupture avec ses anciens combats semble officialisée : devenu ministre, il n'hésite plus à tenir des discours en nette rupture avec ses mots et actes passés : «Je veux combattre l’antisionisme, cet antisémitisme qui vise à nier Israël.»
François Fillon : une réforme de la Sécu selon l'humeur de la saison ?
Ces derniers jours, François Fillon s'est donné une image de libéral qui n'a pas toujours été la sienne, notamment suite à ses prises de position concernant la Sécurité sociale et la nécessité d'un désengagement de l'Etat dans son financement. C'est surtout pendant la primaire que celui qui n'était alors que candidat à l'investiture a affirmé sa ligne. «La première chose que je veux faire, moi, c’est désétatiser le système de santé : il est beaucoup trop étatique», affirmait-il ainsi lors du débat qui l'opposait à Alain Juppé le 24 novembre dernier.
S'il a immédiatement précisé que cette mesure ne nuirait pas aux ménages les plus modestes, il en a toutefois confirmé le principe dans son programme. L'idée d'une privatisation relative était alors développée de manière plutôt claire, quoique très générale : «Focaliser l'assurance publique universelle sur les affections graves ou de longue durée, et l'assurance privée pour le reste.»
Une mesure choc dans un pays où le caractère universel de l'Etat social est considéré comme l'un des piliers de la République. François Fillon, lui, défendait surtout une «mesure efficace», n'hésitant pas à la qualifier de «juste», en expliquant : «Les personnes qui ont des revenus un peu plus importants, eh bien elles peuvent quand on va à la pharmacie acheter quelques médicaments de confort, les payer directement.»
Il semble que ce point du programme de François Fillon ait concentré les critiques, surtout à gauche. Après avoir été notamment accusé par la ministre de la Santé Marisol Touraine de vouloir imposer «un système de santé à l'américaine», le candidat a décidé de clarifier dans une tribune parue le 12 décembre dans Le Figaro. On peut y lire que la Sécurité sociale, s'il est élu en 2017, «continuera à couvrir les soins comme aujourd’hui et même mieux». Cette affirmation a de quoi étonner, car elle semble impliquer une continuité voire une augmentation dans le nombre de soins pris en charge. Citant «les soins optiques et dentaires» comme exemples de soins mal remboursés qui pourraient l'être davantage, il semble également contredire l'idée d'«affections graves et de longue durée» qu'il avait initialement avancée le mois passé.
Marine Le Pen : l'épineuse question de l'IVG
Le Front national traverse une période de remous, notamment due aux tensions qui semblent s'installer durablement entre Florian Philippot et Marion Maréchal-Le Pen, le premier représentant une ligne plutôt inspirée par un interventionnisme économique, et la seconde accordant une certaine priorité aux valeurs sociétales. C'est dans ce contexte que s'inscrit la reculade de Marine Le Pen concernant l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Marine Le Pen avait en effet une ligne très claire au sujet de l'avortement lorsqu'elle était candidate à la présidentielle de 2012, expliquant dans son programme vouloir «dérembourser les IVG de confort». Dans une intervention sur TF1 en 2011, elle avait ajouté : «Si j'ai un choix budgétaire à faire entre ne pas rembourser l'IVG qui est un acte qui peut être évité, étant entendu quand même qu'il existe de nombreux moyens de contraception dans notre pays, et être obligé de dérembourser des actes qui ne peuvent pas être évités et qui permettent à des Français qui souffrent de se soigner, je choisirais la première option.»
C'est dans la continuité de ces positions que s'inscrit Marion Maréchal-Le Pen en 2016, comme elle le rappelle elle-même.
Pourtant, Marine Le Pen semble avoir évolué sur la question, qualifiant désormais ce sujet de «lunaire». Au sujet de Marion Maréchal-Le Pen, le recadrement est plutôt sec : «cette personne est seule et isolée [au sein du Front national] sur cette question», estime sa présidente. «J'ai évoqué ce sujet pendant la présidentielle comme une forme de concession en réalité à ceux qui avaient fait le choix de Bruno Gollnisch», va-t-elle même jusqu'à avouer, semblant ne plus tenir à ce cheval de bataille. «Aujourd'hui, ce débat-là est tranché», conclut-elle.
Jean-Luc Mélenchon : nouveau look pour une nouvelle vie (anti)européenne ?
En 1992, Jean-Luc Mélenchon est encore membre du Parti socialiste. En tant que sénateur membre de la garde rapprochée du président François Mitterrand, il défend le «oui» au référendum sur les accords de Maastricht, qui inaugurent l'Acte unique fondant l'Union européenne. «Si le vote est négatif, nous allons dans un inconnu plein d'aventure et pas dans les bonnes conditions», affirme-t-il, allant même jusqu'à affirmer que même si le «non» gagne, «l'Acte unique s'appliquera». Défendant alors le projet européen, il propose des arguments très différents de ceux qui sont aujourd'hui les siens : «Un pouvoir plus grand des instances démocratiques de la communauté européenne et donc on commencera enfin à avoir un début d’Europe des citoyens. C’est ça la nouvelle frontière !»
Depuis, Jean-Luc Mélenchon a quitté le Parti socialiste en 2005 pour fonder le Parti de gauche. La même année, il s'est démarqué de la ligne officielle du PS en soutenant le «non» au référendum sur le projet de constitution européenne. En effet, ses positions concernant l'UE ont considérablement évolué. D'abord partisan d'une «autre Europe», incarnant un courant plutôt réformiste, il dénonce à partir du milieu des années 2000 «les diktats imposés par l'Europe de la finance».
Désormais candidat à la présidentielle de 2017, il n'hésite pas à attaquer «les instances antidémocratiques non-élues et qui prétendent décider de la vie des peuples». En 2015, lors d'un discours prononcé après le référendum grec organisé par Alexis Tsipras, il fustige les institutions européennes en les tenant pour responsables «de la misère des peuples». Jean-Luc Mélenchon a déjà expliqué avoir reconsidéré ses positions compte tenu de l'évolution du contexte économique et politique en Europe : dès 2009, il explique avoir fait le constat de «ce que l'Europe est devenue» lorsqu'on l'interroge sur un revirement qu'il assume aujourd'hui.
Emmanuel Macron et Arnaud Montebourg : une question d'heures et de chiffres
Le temps de travail. C'est un sujet complexe mais récurrent de la vie politique française depuis au moins vingt ans. Qu'il s'agisse de la durée légale ou de la défiscalisation des heures supplémentaires, les nombreuses facettes du problème n'en finissent pas d'animer le débat économique. Tous deux anciens ministres de François Hollande, Emmanuel Macron et Arnaud Montebourg ont effectué des revirements notables ces derniers temps sur cette question.
Emmanuel Macron, candidat déclaré à la présidentielle à la tête de son mouvement «En Marche !», avait critiqué les 35 heures devant le Medef en août 2015, alors qu'il était encore ministre de l'Economie : «la gauche avait cru que la France pouvait aller mieux en travaillant moins», avait-il déclaré, dénonçant une «idée fausse». Plus récemment, alors candidat, il avait assuré que «quand on est jeune, 35 heures ce n'est pas assez», évoquant la possibilité d'une augmentation de la durée légale du temps de travail. «La solution n’est pas de baisser le temps de travail, ni de passer aux 39 heures», déclare-t-il en meeting le 10 décembre, dans un magistral retournement de veste, doublé d'une affirmation étonnante : «Je n'ai pas changé d'avis !»
Valls à l'Elysée:«Actuellement le candidat de gauche n’a pas de chance d’être au deuxième tour» vous êtes d'accord ? https://t.co/26I1WyvJnrpic.twitter.com/2GN2oc1pr0
— RT France (@RTenfrancais) 7 décembre 2016
Du côté d'Arnaud Montebourg, qui tente de se démarquer de ses anciens collègues devenus concurrents, on observe un demi-tour tout aussi marqué, sur le sujet des heures supplémentaires. En 2013, il semblait favorable à la suppression de leur défiscalisation. «Nous avons été obligés de, finalement, re-fiscaliser. Pourquoi ? Parce que c'était de l'argent distribué à crédit», affirmait-il alors pour défendre la politique conduite par François Hollande, sans manquer de tacler Nicolas Sarkozy au passage. En mai dernier, il affirme néanmoins le contraire, déclarant que la suppression de la défiscalisation était «une erreur». «Pourquoi ? Parce que le pouvoir d'achat des personnes qui n'ont que leur travail pour vivre, généralement des salaires très modestes, s'en est ressenti.»