Béziers, capitale d’une nouvelle droite qui hésite entre conservatisme et libéralisme
Samedi, la ville héraultaise en était à la journée charnière du premier «rendez-vous de Béziers». Plusieurs tables rondes étaient organisées dans l’objectif d’établir les propositions d’une droite qui s’assume. Mais qui hésite entre deux directions.
A force de faire bouillir les idées, on éclabousse. Samedi matin, le soleil a laissé place à la pluie dans les rues de Béziers. Et si, du côté du Palais des congrès, c’est toujours l’effervescence, vendredi n’était qu’une entrée en matière.
En effet, le premier «rendez-vous de Béziers», grand test du nouveau mouvement «Oz ta droite !» lancé par Robert Ménard, c’est samedi. Dans le nouveau bâtiment, ainsi que dans d’autres lieux de la ville, plusieurs tables rondes prennent ainsi place tout au long de la journée. Sécurité, famille, économie, culture, immigration, ou encore international, aucun sujet n’est laissé de côté.
Car en effet, Robert Ménard a pensé son événement comme un laboratoire à idée, un incubateur pour un programme de «salut de la France». Alors que les premières tables rondes se déroulent à l’intérieur des salles du Palais des congrès, c’est «l’affaire Marion» qui fait des émules.
Deux participants fument leurs cigarettes sur le parvis et débattent du départ de la jeune députée. Vexée par les propos de Robert Ménard, qui ne souhaite pas que son événement soit «un marchepied» pour le FN, elle a claqué la porte. «C’est l’idée “on veut vos voix pas vos gueules”. Il faut que ces gens-là se rendent compte que le Front national est incontournable», déplore la nièce de Marine Le Pen. «C’est une erreur politique majeure et historique de Robert Ménard de partir dans des mouvements dont on sait qu’ils sont voués à l’échec politique».
Des conférences… animées
«Ouf, c’était chaud !» Charles Beigbeder reprend son souffle. A peine sorti de la table ronde sur l’économie à laquelle il participait, l’entrepreneur débriefe, entre deux dédicaces de son dernier livre, les discussions houleuses auxquelles il a assisté. Et quand on entend la teneur des idées, on mesure le gouffre qui sépare le paradigme économique de certains participants. «C’était 80% Tatcher, 20% Colbert», explique-t-il.
Parmi les idées retenues ? Une augmentation de la TVA pour baisser les charges, un impôt unique de 15% sur tout à la place de l’impôt progressif et une libéralisation du marché du travail. En effet, pour Charles Beigbeder, la loi El Khomri «ne va pas du tout assez loin». Lorsqu’on lui oppose que dans le pays qu’il cite en exemple, l’Allemagne, le taux de pauvreté est plus haut qu’en France, il répond que la véritable égalité consiste à réparer «l’ascenseur social».
Décidément, cette table ronde sur l’économie fait débat.
Georges Clément, membre du comité de soutien à Donald Trump en France, peste : «Mais soyons sérieux, qu’est-ce que c’est que ces bêtises ?» La cause de son énervement ? La proposition d’un participant qui souhaitait tout simplement interdire les grandes surfaces.
Dans la foule, les personnalités de premier plan échangent avec les participants. Le philosophe Alain de Benoist vaque dans le hall. S’il refuse de se faire enfermer dans un carcan politique, il a néanmoins tenu à être présent à ce rendez-vous. «Pour dire les choses un peu familièrement, ça bouge», analyse-t-il, ajoutant : «On peut voir des gens qui ne se sont jamais rencontrés et qui discutent entre eux pour la première fois, ce qui me paraît positif».
De son côté, Renaud Camus enchaîne les signatures de livres. Le théoricien du «grand remplacement» fait en effet office de star auprès des participants. Si «unir la droite» n’est pas son «problème», l’écrivain est toutefois venu défendre son combat contre l’immigration : «La question essentielle est celle du grand remplacement. Toutes les autres questions sont secondaires». Il en vient à sortir les grandes références, Charles De Gaulle et Jeanne d’Arc, il assure : «Les peuples ne sont pas des matières étalables à merci comme du Nutella, ce sont des entités vivantes avec une histoire, une culture».
A l’extérieur, des policiers en arme guettent. Ils attendent le passage de la manifestation organisée par SOS Racisme qui doit se dérouler dans l’après-midi. Pendant ce temps-là, un autre théoricien, celui, cette fois, de la «réinformation», vogue de table en table. Il s’agit de Jean-Yves Le Gallou, ex-député européen qui avait quitté le FN pour rejoindre Bruno Mégret. Son souhait, à lui, c’est que la problématique médiatique soit au cœur du rassemblement. «Il ne peut y avoir un changement en France qu’à condition que l’on rétablisse la pluralité médiatique. Aujourd’hui, dans les principaux médias français, c’est une doxa, une vision unique qui prédomine», explique-t-il. Il fait notamment référence à l’annulation de l’émission de Frédéric Taddeï, Ce soir ou jamais, qui, si elle était «une alouette de dissidents, un cheval de dominants» n’en restait pas moins l’«un des rares espaces où des intellectuels dissidents pouvaient s’exprimer».
Discussions et manifestation
Déjà, le temps est venu de reprendre place dans les auditoires tamisés pour débattre et échanger. Et de nouveau, les discussions s’enflamment.
Entre plusieurs questionnements, sur la définition d’une «culture de droite», ou encore sur la guerre culturelle «menée par l’Amérique», une femme invective Alain Lefebvre, journaliste du site d’information Boulevard Voltaire, créé par Robert Ménard himself. Alors qu’elle accuse le chargé d’animation de ne pas suffisamment donner la parole à l’écrivain Christian Combaz, un petit jeu rhétorique s’installe entre les deux. Le journaliste aligne les saillies à destination de la participante qui s’énerve : «Ca commence à bien faire votre petit jeu !». Quand on vous disait que les débats étaient houleux…
Alors que la réflexion suit son court, le président de l’association SOS Racisme Dominique Sopo passe devant le Palais des congrès, au sein du cortège de la mobilisation anti-Ménard. «La jeunesse emmerde le Front national !», crient les manifestants. Quelques invectives fusent, mais les policiers sont attentifs et la situation retrouve rapidement son calme.
Après cette rude journée, l’heure est bientôt au bilan pour Robert Ménard. Dimanche, il présentera le fruit de ces intenses débats : différentes propositions d’un programme de «salut de la France». Pas sûr que le Front national s’en inspire…