Défendant son action contre le dérèglement climatique, Macron prend des libertés avec certains faits
Le président de la République a répondu à des questions sur l'écologie posées sur les réseaux sociaux le 13 novembre. Vantant son bilan en matière d'environnement, il a énoncé plusieurs inexactitudes qui ne sont pas passées inaperçues.
Une auto-congratulation, quitte à s'arranger avec les faits ? Le 13 novembre, le président de la République s'est livré à un nouvel exercice de communication directe avec les citoyens, en choisissant de répondre à une série d'interrogations posées sur les réseaux sociaux sur son bilan en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Alors que la COP27 consacrée à cet enjeu se tient en Egypte, Emmanuel Macron a adopté un ton offensif dans une vidéo visant à vanter son action depuis 2017, mais a énoncé quelques inexactitudes relevées entre autres par France Info.
La condamnation pour inaction climatique, c'est pas pour ma pomme
Interpellé par l'un des internautes sur les condamnations de l'Etat à deux reprises pour «inaction climatique», Emmanuel Macron a paru pour le moins agacé. «Vous êtes très sympathique [...] d’essayer de m’en coller une sur Twitter, mais la condamnation pour inaction climatique c’est plutôt pour la période d’avant, pas pour ma pomme», a-t-il répondu. «Evitons de dire des bêtises et [de] nous accuser mutuellement», poursuit-il, affirmant que les décisions de justice portaient sur« la période 2015-2018», soit pour l'essentiel avant le début de son premier mandat en 2017. La France n’était alors pas «au rendez-vous des objectifs», mais a ensuite mis «les bouchées doubles», selon la formule d'Emmanuel Macron.
Cette réponse n'est que partiellement vraie, puisque l'Etat a été condamné dans deux dossiers : dans le premier, porté par des associations et ONG écologistes regroupées dans l'action «l'Affaire du siècle», la décision de justice a bien été rendue sur la période 2015-2018. En revanche, la seconde condamnation de l'Etat fait suite au recours de la commune côtière de Grande-Synthe (Nord) : s'estimant menacée par la montée de la mer liée au réchauffement climatique, celle-ci avait saisi la justice pour contraindre le gouvernement à prendre des mesures supplémentaires. Selon l'avocate et ancienne candidate à la présidentielle Corinne Lepage, qui représentait la commune, ce dossier «concerne la période présente et future, la capacité de la France à respecter ou non ses obligations pour 2030, et pour l'instant, c'est non», a-t-elle indiqué à France Info.
De la même manière, le président de la République a affirmé sur la France tenait ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). «Durant le quinquennat passé, 2017-2022, on a réduit deux fois plus vite nos émissions qu'on ne l'avait fait dans les cinq années passées», a ainsi avancé Emmanuel Macron.
Comme le souligne France Info, le dernier rapport du Haut conseil pour le climat (HCC) paru en juin 2022 juge que «la réponse de la France au réchauffement climatique progresse, mais reste insuffisante», et que les résultats mis en avant par le président tiennent en partie aux effets des confinements, qui ont limité l'activité économique et donc les émissions. De plus, selon le HCC, l'Hexagone devra procéder à un «doublement» du rythme annuel (sur la période 2022-2030) de réduction des émissions afin de se conformer aux objectifs plus élevés fixés par l'Union européenne dans ce domaine.
Interrogé sur la reprise des propositions émises par la Convention citoyenne pour le climat qu'il avait lui-même créée, Emmanuel Macron a répondu que son gouvernement avait «dit oui à 146 propositions» sur les 150 formulées par l'instance : une affirmation là aussi douteuse puisque seule une dizaine d'entre elles ont été reprises sans modification dans la loi «Climat et résilience» adoptée à l'été 2021, selon France Info, tandis que d'autres ont été «tronquées ou édulcorées, avec une réduction de leur périmètre ou un allongement des délais». Un constat qui fait écho à la note sévère (2,5 sur 10) décernée à l'exécutif par les participants à la Convention citoyenne.
Emmanuel Macron peu crédible sur l'environnement
Comme le remarque L'Opinion ce 15 novembre, Emmanuel Macron peine «à donner une vision globale de sa politique de lutte contre le réchauffement climatique» et son discours «n'imprime pas», après plusieurs déclarations qui ont pu sembler contradictoires, entre le rejet du «modèle amish» et du «retour à la lampe à huile» et la défense de la «planification écologique» pendant la campagne présidentielle, avant d'évoquer plus récemment «la fin de l'abondance» et de plaider pour la «sobriété».
De plus, aucun ministre, depuis le départ de Nicolas Hulot, «n’est parvenu [...] à incarner l’écologie», estime L'Opinion, alors que François de Rugy, Elisabeth Borne, Barbara Pompili, Amélie de Montchalin et aujourd’hui Christophe Béchu se sont succédés au ministère de l'Environnement ou de la Transition écologique.
Dès avant cet énième exercice de communication du 13 novembre, les ONG écologistes telles que Greenpeace ont qualifié le bilan d'Emmanuel Macron de «catastrophe». «L’ONU l’a consacré "champion de la terre" en 2018 pour ses discours vibrants. Champion des promesses, c’est sûr, mais pas des actes», l'a ainsi décrit l'ONG début novembre, en dressant un bilan détaillé de l'action présidentielle. Les militants écologistes, dont une frange multiplie ces dernières semaines les actions coup de poing, s'en étaient également pris par le passé aux portraits du président de la République, en les décrochant d'une série de mairies.